Figure mythique de l'Ouest, Wyatt Earp hante le western américain dans une multitudes d'œuvres explorant ses exploits, sa légende et le fameux affrontement d'OK Corral à travers le regard de cinéastes aussi divers que John Ford, John Sturges ou plus récemment Lawrence Kasdan. L'approche se fait mythologique comme plus intimiste à travers les différents film, tout comme la dimension héroïque alterne avec celle plus dure et proche de la réalité notamment à travers les deux film que lui consacrera John Sturges, Règlement de compte à OK Corral (1957) pour la légende et l'excellent Sept secondes en enfer (1967). Wichita est loin d'être le film le plus connu consacré au "personnage" mais s'avère une des visions les plus captivantes.
Jacques Tourneur entrecroise la facette idéalisée de Wyatt Earp et un contexte plus réaliste, le tout équilibré par la stature à la fois modeste et imposante de Joel McCrea. Wyatt Earp prolonge une figure de droiture morale que Jacques Tourneur façonné dans ses deux précédents westerns, toujours incarné par Joel McCrea en pasteur dans Stars in my crown (1950) et juge dans Stranger on Horseback (1955). Le pacifisme forcené du pasteur et le rigorisme tout aussi poussé du juge trouve donc sa variante dans le justicier inflexible qu'est Wyatt Earp porté par une approche toujours aussi captivante de Jacques Tourneur.
La simplicité et le jeu minimaliste de Joel McCrea amène une dimension modeste et terrienne au personnage qui se conjugue à la mise en scène de Tourneur qui le magnifie dans ce qui est son premier film en cinémascope. Le réalisateur joue de la carrure intimidante de l'acteur et ses 1m91 qui écrase de sa volonté inflexible ses adversaires dans les plans larges, notamment la scène de mise à sac où à pied il domine paradoxalement ses antagonistes à cheval. Le montage renforce également cette idée, tant dans la dimension d'attente et de menace qu'il crée pour un Wyatt Earp absent (la balle stoppant un ennemi qui l'attendait de pied ferme dans le saloon) que de l'inéluctabilité de sa victoire dans les duels. On pense au champ contre champ entre Wyatt Earp avançant à cheval sans faillir et son adversaire (incarné pas cette trogne patibulaire bien connue de Jack Elam) caché derrière un rocher, notre héros semblant indestructible (même avec un cheval désarçonné) et de plus en plus immense alors que l'autre rétrécit jusqu'à être acculé et mourir.
Jacques Tourneur exprime ainsi par l'image l'affrontement idéologique audacieux du film, la morale inflexible auquel Wyatt Earp soumet la ville (interdiction du port d'armes notamment) et le tumulte dont s'accommodent les notables dans cette Wichita en pleine expansion - et dont Tourneur capture magnifiquement la frénésie. C'est donc captivant de bout en bout, porté par de seconds rôles remarquable et un scénario habile pour initier les contours de la légende (superbe scène d'introduction des frères de Wyatt Earp). Une des plus belles évocations de Wyatt Earp qui gagnerai à être plus connue.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
Bon western de Tourneur mais je préfère de beaucoup le Passage du Canyon.
RépondreSupprimer