Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

mercredi 22 février 2017

Departures - Okuribito, Yōjirō Takita (2008)

Dans une province rurale du nord du Japon, à Yamagata, où Daigo Kobayashi retourne avec son épouse, après l'éclatement de l'orchestre dans lequel il jouait depuis des années à Tokyo. Daigo répond à une annonce pour un emploi "d'aide aux départs", imaginant avoir affaire à une agence de voyages. L'ancien violoncelliste s'aperçoit qu'il s'agit en réalité d'une entreprise de pompes funèbres, mais accepte l'emploi par nécessité financière. Plongé dans ce monde peu connu, il va découvrir les rites funéraires, tout en cachant à sa femme sa nouvelle activité, en grande partie taboue au Japon.

Au premier abord Departures semble une nouvelle variation du cinéma japonais sur le thème du furusato (pays natal en japonais), ce courant de film traitant de citadins oppressés par la vie urbaine et se reconstruisant par un retour à la nature et leur origine rurale. Le film tout en ayant un postulat de ce type bien plus à proposer en nous faisant découvrir le monde des rites funéraires japonais. Le film s'inspire du roman Nōkanfu Nikki/ Coffinman: The Journal of a Buddhist Mortician de Aoki Shinmon mais doit surtout à la volonté de son acteur principal Masahiro Motoki. Témoin d'un rituel de mise en bière durant un voyage en Inde, Motoki éprouve une fascination pour le sujet et sollicite le producteur Toshiaki Nakazawa (avec lequel il avait collaboré pour le Gemini (1999) de Shinya Tsukamoto afin de produire un film qui en traite. Le défi était d'autant plus grand que la cérémonie mortuaire est un sujet tabou et pudique au Japon.

Lorsque le jeune violoncelliste Daigo (Masahiro Motoki) voit son orchestre dissous, c'est la déception de trop après des années d'effort et il décide de retourner vivre dans la maison de sa mère, dans la région dans le département de Yamagata. En quête d'emploi, une annonce nébuleuse l'amène à postuler malgré lui dans une entreprise de pompes funèbres. Le facétieux patron (Tsutomu Yamazaki) l'engage en dépit de son inexpérience. Nous découvrons donc ce monde à travers le regard de ce héros novice, et la singularité de ces rites se conjugue à un regard finalement assez universel sur notre regard face à la mort. Le scénario se montre didactique tout en faisant preuve d'humour avec un Daigo "figurant" d'une démonstration filmée de mise en bière puis quelque peu dégouté par un premier contact avec un cadavre décrépi. La distance ou le contact cru à la mort s'exprime par ces deux scènes et c'est lorsque le rituel se dévoilera en son entier que se comprendra la démarche du film. La première cérémonie voit donc Daigo et son patron exposé au corps d'une mère de famille défunte dont les traits marqués semblent dû à une longue maladie.

Le regard à la photo de la disparue précédent le rite traduit sans un mot l'empathie et la volonté de lui faire honneur avant que la méticulosité des gestes, du soin du lavement, de la posture respectueuse et du maquillage délicat redonnant vie à ses traits l'expriment par le geste. L'émotion du veuf au départ hostile montre ainsi le mort sous le jour le plus lumineux avant les adieux et un possible voyage dans l'au-delà. Le schéma se répétera avec une problématique toujours différente (dont celle inattendue où le sexe du disparu n'est pas ce qu'il parait être) où à chaque fois la bienveillance et le soin des employés atténuent la douleur et les rapports conflictuels au disparu. L'erreur de formulation du nom de l'entreprise contenue dans l'annonce qui évoquait une "aide au départ" prend donc tout son sens dans la poignante illustration de cette ultime séparation.

La dissimulation de son nouveau métier de Daigo à son épouse Mika (Ryōko Hirosue) puis son dégout quand elle l'apprendra ainsi que l'hostilité de son entourage témoigne de la dimension taboue de la mort au Japon. Le métier de violoncelliste originel de Daigo permet d'introduire sa gestuelle délicate qui son prolongera de son instrument aux mort et également de l'entourer du voile du souvenir. Daigo ravivent les souvenirs des endeuillés en redonnant vie et dignité aux traits des disparus, tandis que ce retour dans sa région et maison natale le ramène également à son passé.

Les vues majestueuse de cette campagne du département de Yamagata, les réminiscences formelles associées à la maison d'enfance (ce panoramique nous faisant passer de l'âge adulte à l'enfance de Daigo) ainsi que la nostalgie apaisée qu'évoque le violoncelle forment un tout participant à la reconstruction de notre héros. Seul élément manquant, le visage de ce père qui l'a abandonné et que la rancœur empêche de reconstituer les contours. Daigo devra donc littéralement suivre le même cheminement que tous ceux qu'il a tant aidé. Le très touchant épilogue fait totalement oublier la relative facilité du rebondissement final par l'émotion sincère qu'il véhicule. En paix avec lui-même et serein dans son rapport aux autres, Daigo peut désormais suivre sa voie. Un bien beau film récompensé de l'Oscar du meilleur film étranger en 2009.

Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire