Constance, agent
immobilière au chômage à Paris, retourne dans sa ville natale pour essayer de
pourvoir un emploi dans l'agence où elle a commencé sa carrière. Une jeune
concurrente, Audrey, obtient le poste à sa place. Dès lors, Constance,
considérant subir une injustice et mériter l'emploi, va tout faire pour le
récupérer.
Premier film de Sébastien Marinier, Irréprochable est une belle réussite qui constitue une des
meilleures tentatives française récentes dans le thriller. Le réalisateur y
mêle avec un vrai brio influence américaine bien digérée avec une dimension
psychologique oppressante s’intégrant dans un contexte typiquement français. Le
scénario fait le portrait d’une sociopathe en puissance avec Constance (Marina
Foïs), une femme dont toute l’énergie se déploie à vampiriser son entourage.
La révélation de ses névroses se révèle toujours par un effet d’effritement du
contexte, des décors et situation dont la normalité dissimule toujours ses
penchants prédateurs. La scène d’ouverture l’annonce lorsqu’on la voit se
réveiller, prendre sa douche et se détendre dans un appartement qui s’avère
investi par effraction. Constance est un agent immobilier déchue et contrainte
de revenir piteusement dans sa province natale pour s’occuper de sa mère. Son
objectif sera de récupérer son ancienne place, persuadée qu’elle est de son
travail irréprochable et sa nature indispensable. Mais cette ambition est
mise mal par une jeune concurrente
(Joséphine Japy) qui va lui prendre sa place mais aussi un ancien amour (Jérémie
Elkaïm).
L’équilibre, le professionnalisme et l’aisance de Constance
constituent un masque de normalité factice. Lorsque les évènements lui
échappent, cette façade s’estompe pour laisser s’exprimer la prédatrice
déterminée. L’anodin d’un dialogue (la conversation où Constance apprend que sa
rivale est souvent en retard au boulot et va jouer de cette faille dès la
séquence suivante) ou de ces grands espaces provinciaux (avec une remarquable
utilisation du cinémascope) débouche toujours sur une manipulation. Sébastien Marnier
admet s’inspirer notamment du It Follows
(2014) de David Robert Mitchell avec une même menace latente surgissant dans un
environnement neutre. Nul besoin d’argument surnaturel cependant, la nature
instable, calculatrice et imprévisible de Constance fait peser un malaise
constant.
Cela s’exprime par ce miroir hypocrite lors des scènes collectives
(les visites d’appartement et les sorties avec Audrey), mais aussi par la
frénésie de la culture (Constance étant une sportive sculptant son corps de
manière acharnée) ou de l’abandon (les scènes de sexe brutales avec Benjamin
Biolay) physique dans l’isolement de son appartement ou des chambres d’hôtel.
Marnier ne lâche pas le point de vue de son héroïne, la figurant comme un
véritable stalker toujours filmé en
amorce, retrait ou contrechamps de ses proies lors de ses traques et filatures.
C’est une manière de montrer son détachement du réel qu’elle observe par le
prisme déformé de sa folie. Marina Foïs livre une prestation extraordinaire et
porte le film sur ses épaules de bout en bout, humanisant à sa manière dérangée
la mise en scène clinique de Sébastien Marnier. Une sacrée tension pas démentie
par un épilogue sobre et magistral, on est curieux de voir la tournure des
futurs projets du réalisateur après pareil galop d’essai.
Sorti en dvd zone 2 français chez Orange Studio
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