Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 24 août 2021

Stardust, le mystère de l'étoile - Stardust, Matthew Vaughn (2007)


 Pour conquérir le cœur de son véritable amour, Tristan Thorn pénètre dans le royaume interdit afin de retrouver une étoile tombée du ciel qui a pris forme humaine.

Les blockbusters de la première moitié des années 2000 furent marqués par le succès de la trilogie du Seigneur des Anneaux et de la saga des Harry Potter. Dès lors l’adaptation des classiques plus ou moins connus de l’heroic fantasy devient un filon lucratif qui exploite au choix la veine épique de Peter Jackson ou celle plus féérique des Harry Potter, voire les deux avec la trilogie des Chroniques de Narnia. Il y a autant de plus ou moins grandes réussites (Chroniques de Narnia, Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire…) que de francs ratages (Donjons et Dragons, Eragon et autre Le Septième fils de sinistres mémoires) dans le lot, mais tous semblent beaucoup trop marqués par l’influence formelle du Seigneur des Anneaux, ou tonale de Harry Potter, au point de générer quelques stéréotypes filmiques – le premier volet des Chroniques de Narnia gonflé d’une longue bataille médiévale absente du livre. 

Stardust de Matthew Vaughn va venir apporter un sang-neuf bienvenu, ces éléments détonants venant en grande partie de sa source, le livre éponyme de Neil Gaiman. Que ce soit dans ses romans ou ses comics, l’approche de Neil Gaiman se trouve souvent dans un juste équilibre entre pure création d’univers, pastiche, veine référentielle et mythologique. C’est particulièrement vrai lorsqu’il se frotte au à l’heroic fantasy ou plus spécifiquement au contre de fée dans des romans comme Neverwhere ou Stardust, l’ironie et l’humour tout britannique se disputant à un vrai sens du merveilleux. C’est là le deuxième film de Matthew Vaughn qui tant dans sa carrière initiale de producteur (Arnaques, Crimes et Botanique (1998), Snatch (2000)) que de réalisateur vise lui aussi à déconstruire les genres auxquels il s’attaque, auréolés désormais d’une dimension plus irrévérencieuse (les détracteurs diront puérile) et pop dans la relecture du film de super-héros Kick-Ass (2010) ou d’espionnage Kingsman (2015). Vaughn repère donc très vite à la lecture la matière qu’il pourrait tirer de Stardust et va chercher à en tirer un croisement en Princesse Bride de Rob Reiner (1987, réussite majeure en termes de conte de fée décalé) et Midnight Run de Martin Brest (1988), petit mètre-étalon de la course-poursuite mâtinée de comédie. 

La tonalité adulte sombre, cruelle et sexuelle du livre éloigne la perspective d’un film grand public mais Vaughn tout en l’édulcorant en maintient l’esprit. La veine absurde qui reposait grandement sur la touche référentielle littéraire dans le livre (citations ou passage écrit dans le style de Shakespeare, Laurence Sterne, John Bunyan) se traduit ici par des acteurs à contre-emploi (Robert de Niro en pirate queer), l’humour noir appuyé et un environnement certes décalé/merveilleux mais toujours so british. Cela permet d’amener la thématique typiquement anglaise du clivage de classe avec le jeune héros Tristan (Charlie Cox) freiné dans ses amours pas sa condition modeste. La belle Victoria (Sienna Miller) le rejette au profit d’un rival nanti (Henry Cavill) et ne lui donnera sa main qu’à la condition de lui ramener un morceau d’étoile filante qu’ils ont regardé ensemble traverser le ciel nocturne. Démarre là une folle aventure où ladite étoile va prendre les traits de la belle Yvaine (Claire Danes), poursuivie également par une sorcière en quête d’immortalité (Michelle Pfeiffer) et les héritiers du royaume de Stormhold.

Le film mène avec brio le récit d’apprentissage dans l’assurance et maturité prise par Tristan au fil de l’aventure, et la romance délicate avec Yvaine. Les élans macabres qui caractérisent les méchants sont là pour souligner la vacuité et le narcissisme de leurs ambitions, traduites par les morts grotesques et inattendues de la fratrie royale ou la décrépitude physique de la sorcière (Michelle Pfeiffer parfaite de second degré pour s’amuser de son vieillissement). Le traitement des amoureux navigue lui entre trivialité plaisante de screwball comedy et romantisme naïf où la promiscuité des corps, la sensualité n’est pas exclue. Matthew Vaughn exprime cela visuellement dans la trajectoire des personnages. En poursuivant une femme ne partageant et ne méritant pas son affection, Tristan reste figé dans ses complexes, sa timidité et sa basse extraction. Réellement amoureux et aimé en retour, il devient peu à peu un beau jeune homme courageux et plein de panache. Yvaine habituée à observer avec envie les amours des humains à distance, depuis les cieux, goutte enfin ce doux sentiment qui trahit à la fois sa nouvelle condition terrestre (la maladroite et touchante déclaration d'amour dans la roulotte) et sa nature d’astre. 

Lorsqu’elle se trouve apaisée et aimante entre les bras de Tristan, elle brille dans un effet luminescent tour à tour discret et étincelant. La sidération et l’émerveillement du conte de féé fonctionne ici à la fois dans le contemplatif (fabuleuse arrivée d’une licorne dans un sous-bois qui lorgne sur le Legend de Ridley Scott (1985), une veine d’épouvante réussie (la longue séquence de l’auberge) et la grande réussite des décors. La direction artistique s’appuie en partie sur le travail de Charles Vess (qui dessina l’adaptation comics du livre de Neil Gaiman) et dont Matthew Vaughn à la judicieuse idée de traduire toutes les idées en dur. Les extérieurs filmés en Angleterre, Écosse et Islande sont magnifiquement mis en valeur (même si quelques effets à la Peter Jackson pointent ici et là pour perdre les personnages dans l’immensité du décor) et les intérieurs studios sont stylisés à souhait. Le Royaume de Stormhold, l’incroyable bateau de pirate volant ou l’antre des sorcières possèdent cet équilibre entre nature tangible et merveilleux dans l’extravagance de leur design, de leur photographie.

 La bande-originale d’Ilan Eshkeri brille dans la pétaradante manifestation de l’épique et de la féérie (les pistes Shooting Star et The Star Shines soulignant l’arrivée puis l’épanouissement de la brillance d’Yvaine) mais aussi dans les instants de romance intimiste. Stardust malgré son échec en salle à l’époque s’avère donc un des avatar d’heroic fantasy vieillissant le mieux désormais et fait office de beau pendant contemporain à Princesse Bride. Le meilleur film de Matthew Vaughn ? Certainement !

Sorti en bluray et dvd zone   français chez Paramount

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