Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 31 août 2021

A Moment of Romance - Tian ruo you qing, Benny Chan (1990)

Wah Dee est un jeune voyou pauvre et orphelin, membre d'une triade qui, lors du braquage d'une bijouterie, prend la jeune Jo Jo en otage pour couvrir sa fuite. Ils finiront par rapidement tomber amoureux l'un de l'autre, mais la police et les membres de la triade qui aimeraient l'éliminer pour ne pas être identifiés ne leur laisseront aucun répit.

Le sous-genre du polar héroïque (heroic bloodshed) tel que défini par John Woo dans Le Syndicat du Crime (1986) transposait dans un cadre contemporain les codes du film de chevalerie, dans la lignée du cinéma de son mentor Chang Cheh. Amitiés viriles, violence cathartique et sacrificielle (mais sous-texte homoérotique en moins avec John Woo) se retrouvaient donc dans un environnement urbain où les revolvers auraient remplacés les sabres. Les femmes et par extension la romance y avait peu leur place même si John Woo encore lui initie quelques percées dans ce sens avec The Killer (1987). Après avoir essoré jusqu'à l'épuisement cette formule heroic bloodshed, le polar hongkongais doit cependant se réinventer et le virage se fera en croisant le genre à une veine plus explicitement romantique. Le magnifique My Heart is That Eternal Rose de Patrick Tam va initier cette tendance même s'il sera un échec commercial car perdant le public en ne choisissant pas entre le polar héroïque et son futur avatar romantique. Le vrai film qui lance cette veine sera donc A Moment of Romance, même si précédé par le As Tears Go By de Wong Kar Wai (1988) déjà avec Andy Lau en idéal de bad boy romantique faisant fondre les spectatrices hongkongaises.

Les chemins du mauvais garçon Wah Dee (Andy Lau) et la jeune JoJo (Wu Chien-lien) fille de l'aristocratie hongkongaise, n'auraient jamais dû se croiser, si le premier, en fuite à la suite d’une attaque de bijouterie mouvementée, n'avait dû prendre la seconde en otage. Alors que les complices de Wah Dee l’incitent à supprimer ce témoin gênant, il lui laisse la vie sauve, bienfait qu'elle lui rendra en faisant mine de ne pas le reconnaître durant une confrontation au commissariat. Dès lors tous deux vont se rapprocher, tout ce qui les oppose étant paradoxalement un motif d'attirance mutuelle. Wah Dee très tôt orphelin n'a connu que la violence et des gangs de triades. JoJo étouffe dans sa prison dorée où sous l'injonction de sa mère elle ne se consacre qu'à ses études. L'un échappe aux codes des gangs pour dévoiler une facette plus fragile et sentimentale de son caractère, l'autre fuit le conformisme et l'ennui pour enfin vivre l'ivresse, le danger et le lâcher-prise de la romance. Tous deux se rejoignent dans leurs solitudes. Benny Chan dont c'est la premier film (dont la paternité est en partie attribuée à son très interventionniste producteur Johnnie To) capture brillamment par la seule image les sentiments profonds des personnages. Cadrage en longue focale scrutant Andy Lau sirotant seul une bière face à la nuit sur le toit de son immeuble, panoramique accompagnant Wu Chien-lien figée dans le luxe de sa maison, un spleen profond se dégage là porté par les envolées de cantopop accentuant la portée mélancolique de ces séquences.

La sous-intrigue autour d'une guerre des gangs et de succession passe pratiquement au second plan et n'existe que comme obstacle à l'épanouissement du couple. La facette polar et celle romantique s'opposent d'ailleurs par une vraie différence formelle entre les deux. Le style est nerveux, heurté et violent à travers une caméra à l'épaule accompagnant les rixes urbaines sanglantes où les lames surgissent et foudroient les combattants. L'esthétique se fait plus contemplative pour traduire la romance, la photo de Horace Wong gorgé de filtres amenant une imagerie aérienne et rêveuse au panorama urbain hongkongais le temps de longues balades à moto, comme si la communion des sentiments transcendait et magnifiait l'environnement hostile. Andy Lau est véritablement au sommet de sa photogénie, proposant une prestation touchante où sa présence taciturne laisse entrevoir subtilement ses fêlures. La manière dont dans la première partie il malmène sciemment Wu Chien-lien pour qu'elle le rejette est très finement interprétée, ne rendant que plus touchante le moment où la laisse l'aimer. Wu Chien-lien dont c'est le premier rôle incarne à merveille ce sentiment de candeur et de pureté, on sent tout la fougue et l'abandon des premières fois dans la passion qu'elle exprime, les risques que prend son personnage si timoré au départ. 

Benny Chan parvient à parfaitement mêler l'urgence du polar et l'émotion suspendue de la romance dans son climax. Si Jojo parvient par amour à se défaire des ultimes injonctions de son milieu bourgeois, Wah Dee reste dans un entre-deux qui lui sera fatal. Ou plutôt, sachant que le temps lui est compté, il préférera ne pas choisir. Le réalisateur maîtrise l'emphase mélodramatique à travers un montage alterné qui laisse grimper l'émotion entre combat sanglant et lyrisme le temps d'une image à la beauté indélébile, JoJo cavalant à en perdre haleine pieds nus sur l'asphalte d'une autoroute déserte. Le premier degré revendiqué de chaque instant fait fonctionner tous les artifices, dont les mélopées flamboyantes de cantopop qui surlignent et participent à l'envol du drame en marche. Un état de grâce qui fait éviter au film le côté suranné qui lui tendait les bras. Le succès énorme de A Moment of Romance lance donc ce courant du polar romantique, et le film connaîtra trois suites.

Sorti en bluray anglais chez Radiance Films et doté de sous-titres anglais

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