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lundi 9 août 2021

The Lonely Passion of Judith Hearne - Jack Clayton (1987)


 Une célibataire d'âge moyen tombe amoureuse d'un autre résident de sa pension, qui croit à tort qu'elle a l'argent pour l'aider à démarrer une nouvelle entreprise.

The Lonely Passion of Judith Hearne est la dernière réalisation pour le cinéma de Jack Clayton. Il adapte là le roman Judith Hearne de Brian Moore publié en 1955, ouvrage qui reflète le rapport ambivalent de l'auteur à son Irlande natale. Elevé notamment à travers son père dans une ferveur catholique et nationaliste étouffante, Brian Moore s'en détache dès l'âge adulte notamment par son engagement en opposition à son père dans l'armée anglaise où il participera aux campagnes d'Afrique du Nord et sicilienne. A la fin de la guerre il émigre au Canada où il est un temps journaliste avant de rédiger son premier roman Judith Hearne. Le personnage éponyme est un reflet de son ressentiment face à cette religion catholique qu'il a renié mais aussi cet environnement social irlandais oppressant. Mais plutôt que d'exprimer ce dépit à travers son regard de jeune homme athée dans une approche intellectuelle, il adoptera le point de vue de la vieille fille croyante mais désabusée Judith Hearne.

La première scène illustre comment cette rigueur morale vous brise dès l'enfance, dans un flashback où Judith est prise de hoquet en pleine messe ce qui suscite son rire et celui de ses jeunes amies. Sa tante (Wendy Hiller) qui l'élève ne trouve comme seule alternative que de lui serrer la main jusqu'à lui tirer des larmes. Le visage de la fillette passe en fondu enchaîné à celui de Judith adulte (Maggie Smith) et le regard triste ainsi que le visage émacié suffisent à faire ressentir ce que cette éducation a pu peser dans sa vie. 

Elle s'installe dans une nouvelle pension et les deux objets qu'elle dispose dans sa chambre exprime ces facettes, d'un côté la photo de sa défunte tante signifiant cette éducation socialement entravée, et de l'autre une peinture du Christ illustrant le poids de l'endoctrinement religieux. Coincée entre ces deux penchants, Judith est devenue une vieille fille seule qui n'a rien vécu. L'espoir d'enfin s'épanouir reposera sur James Madden (Bob Hoskins), résident fraîchement revenu des Etats-Unis qui exerce une vraie fascination pour elle. Le désespoir de ne jamais être heureuse s'incarne dans son addiction à la boisson, refuge à sa terrible solitude et à tous les désagréments qui émaillent son quotidien.

Maggie Smith livre une prestation poignante, exprime une détresse de tous les instants à travers son regard tantôt suppliant, tantôt éteint, par sa gestuelle figée par la mélancolie ou incertaine par les effets de la boisson. Jack Clayton filme Dublin (infidélité au roman qui se déroulait à Belfast) dans une approche étouffante et étriquée à l'image de l'avenir sans horizon des personnages, la photo de Peter Hannan accentue cet aspect blafard désespéré tandis que le magnifique score de Georges Delerue accentue ce climat de mélancolie. 

Dublin semble le tombeau de toutes les espérances, et met à mal la foi catholique hypocrite ne reposant que sur les dogmes vides de sens face à la détresse bien réelle des ouailles. C'est le cadre de toutes les vilénies pour s'en sortir à l'image du très ambigu personnage de Bob Hoskins dont la frustration le fait osciller entre duplicité, monstruosité et sincère compassion dans sa relation avec Judith. Une œuvre très touchante montrant le talent intact de Jack Clayton qui retrouvera Maggie Smith (qui remportera le BAFTA de la meilleure actrice) pour sa vraie dernière réalisation avec le téléfilm Memento Mori (1992).

Sorti en bluray anglais chez Indicator et doté de sous-titres anglais

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