Fils d'un roi du pétrole texan, Kyle Hadley, ivrogne et noceur, se range en épousant Lucy Moore, dont son ami d'enfance, Mitch Wayne est épris. Tout se passe bien dans un premier temps, Lucy a l'espoir de guérir Kyle de son vice, mais ce dernier apprend par le médecin de famille qu'il ne pourra jamais avoir d'enfant. Or Lucy est enceinte...
Ecrit sur le vent se présente comme le pendant torturé de Géant, sortie la même année et brassant en apparence des thèmes et un univers similaire. Aux grands espaces, à la simplicité et l’esprit « Americana » du film de George Stevens, Sirk oppose un univers étouffant et éprouvant psychologiquement. Réalisé après Le Secret Magnifique et Tout ce que le ciel permet, il permettait à Sirk avec ce nouveau mélodrame de se confronter à un autre cadre et modèle social. En déplaçant son récit des bourgades provinciales et en troquant la middle class aisée pour l’aristocratie dorée américaine, Sirk déployait de nouvelles thématiques qui allaient fortement influencer ses films suivants.
Les deux héros plus lisse permettent donc de révéler les travers des personnages secondaires, et par-là même le ton désespéré et audacieux du film. Dorothy Malone offre un personnage débauché à la sexualité exacerbée, masquant un profond malaise. Robert Stack affiche également son mal être dans des excès tout aussi nocifs, entre alcool et dangereux attrait pour les armes à feu. Sirk réussira si bien son coup que Robert Stack et Dorothy Malone seront tous deux nominé aux Oscars, cette dernière recevant même la récompense suprême pour sa prestation.
A l’image d’autres émigrants allemands émigrés Sirk égratigne certaines valeurs typiques de son pays d’accueil par un regard plus lucide, un Fritz Lang avec Fury (dénonçant le lynchage et l’autodéfense) ou (entre autres) un William Dieterle dans Etranges Vacances (sur l’esprit va t en guerre de es USA des années 40) ne procédaient pas autrement. La force de Sirk est d’exprimer cette facette dans un cadre faussement inoffensif. Le romanesque « soap », les explosions de couleurs de la photo de Russel Metty (bien moins présentes ici) ne sont donc qu’une sorte de poudre aux yeux pour des récits bien plus dérangeants qu’ils n’en ont l’air. Là où cette esthétique magnifiait les passions dans les films précédents, elle accentue cette fois la nature torturée des rapports entre les personnages avec une flamboyance accentuant la nature oppressante et passionnée du récit.
Ecrit sur le vent c’est donc en quelque sorte l’après Geant sur les conséquences et la perte d’humanité résultant de cette réussite matérielle. Les fondations d’une certaine tradition d’élévation se voient ébranlées par le souvenir d’un passé moins opulent mais plus pur. La ritournelle « Comme nous avons changé depuis la rivière » lancée par Dorothy Malone révèle ainsi toute la distance régnant au sein de cette famille. Quelques pistes sont lancées (comme la morte de la mère dont le père se sent coupable envers les enfants qui ne s’en sont jamais remis) sans que l’on sache vraiment les raisons exactes du délabrement de la cellule familiale.
Sirk ne daigne pas nous montrer en flash-back cette enfance synonyme de paradis perdu pour ses héros, Rock Hudson assénant même un « Il est bien fini, le temps de la rivière » à Dorothy Malon dans les derniers instants. Film profondément sans espoir, Ecrit sur le vent détourne donc l’attention avec le départ heureux de Rock Hudson et Lauren Bacall. Les plus attentifs auront compris que la vraie conclusion se situe dans les tragiques destinée des Hadley, tué par leur culpabilité (le père), leur névroses (Kyle) ou condamné à vivre entouré de fantômes et rongé par les remords (Dorothy). Avec la mort lente de cette famille, c’est aussi une certaine idée de l’Amérique qui s’éteint, ce que la foudroyante et identique séquence d’ouverture et de conclusion soutient.
Contrairement aux autres grands Sirk Carlotta ne s'est pas penché sur ce film du coup en zone 2 français uniquement une édition simple sortie chez Universal. Les anglophones pour une édition plus riches en bonus intéressant pourront opter sur l'excellent édition Criterion.
Celui-ci c'est un des premiers Sirk que j'ai vus. Peut-être le premier. Et c'est avec ce film que je suis tombé en admiration devant le cinéaste. Mais c'était il y a bien cinq ans. Depuis j'ai revu la plupart des autres grands films de Sirk mais pas celui-là. J'ai très très hâte de le revoir.
RépondreSupprimerTrès chouette rétrospective que tu nous fais-là :)
Et bien, finalement, ces films je les assimile lentement (surout quand le ciinquant américain fait obstacle) mais
RépondreSupprimerc'est un film que j'ai déjà vu cinq fois et que j'adore. Le frère et la soeur sont les héros et les victimes : ils ont plus d'épaisseur que les deux autres (qui n'en ont jamais ou presque). Dorothy Malone est moins nymphomane que malheureuse. Elle est belle et la séquence de danse dans sa chambre et ses voiles roses est inoubliable. Par amour elle aurait pu se réformer comme l'a pu son frère pendant un an et voilà un malentendu fatal. Et une fois de plus une scène de tribunal comme on en a si souvent l'habitude. On retrouve ces deux acteurs, Dorothy Malone et Robert Stack dans un noir et blanc qui est peut-être le plus grand film de Sirk : "The Tarnished Angels"