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lundi 27 février 2012

La Couleur qui tue - Green for Danger, Sidney Gilliat (1946)


L’inspecteur Cockrill écrit une lettre à ses supérieurs, à propos de la dernière affaire criminelle qu’il a réglée… Dans un hôpital près de Londres, Higgins, le facteur du coin, blessé lors d’une attaque de V1, doit être opéré. Il meurt lors de l’anesthésie. Scotland Yard enquête. Les quatre infirmières et les deux médecins sont suspectés, pour diverses raisons...

Sidney Gilliat, qui s'était fait connaître avec son partenaire Frank Launder par de remarquables scripts de thrillers (Une femme disparait, Train de nuit pour Munich) ne s'était étrangement pas encore confronté au genre en passant à la réalisation sur les drames Ceux de chez nous et Waterloo Road. C'est chose faite avec ce remarquable whodunit qu'est Green for Danger même si sans doute moins marquant que les deux précédents. Réalisé un an après la fin de la guerre, le contexte y semble moins prépondérant que dans les premiers films de Gilliat mais ce n'est qu'une impression et le conflit de simple arrière-plan devient un motif majeur du traumatisme à l'origine du crime.

Le film adapte un roman à succès de Christianna Brand paru deux ans plus tôt. L'intrigue alambiquée truffée de personnages, rebondissements et fausse piste du livre est grandement simplifiée par Gilliat qui l'épure à un film de 90 minutes néanmoins dans l'esprit. La première partie dépeint longuement le quotidien d'un hôpital anglais en temps de guerre. Entre les bombardements et les blessés, ce sont des conflits bien ordinaires et humains qui se nouent entre les médecins et les infirmières : affaires de cœur, jalousie, vengeance et ambition. Tout cela se dévoile dans une veine feutrée jusqu'à ce que l'impensable survienne avec la mort d'un patient sur la table d'opération.

La thèse du meurtre est rapidement conclue et on découvre que chacun des membres de l'équipe médicale avait une possible raison de commettre le crime. Gilliat use de tout son brio de scénariste pour distiller habilement les pistes et dépeindre les caractères de chacun : la relation de couple compliquée entre Trevor Howard l'infirmière jouée par Sally Gray, le caractère séducteur et sournois du médecin Leo Genn, l'anxiété et la culpabilité de Rosamund John...

Le réalisateur mêle une mise en scène réaliste encore dans l'esprit des films de propagande anglais dans cette description du quotidien et une stylisation marquée qui culmine lors d'une mémorable scène de meurtre nocturne dans une salle d'opération. Là le jeu d'ombre, le montage au cordeau et la mise en scène d'une précision chirurgicale (si on ose dire) offre une séquence d'anthologie.

Après cette mise en place proche de la perfection, le ton change à nouveau pour s'orner d'une causticité toute anglaise. Cet esprit était cependant là depuis le début avec la narration distanciée d'Alastair Sim qui apparaît alors en chair et en os dans le rôle de l'inspecteur Cockrill. L'acteur offre une prestation irrésistible avec ce personnage aussi farfelu que perspicace, capable de déstabiliser un suspect par une répartie inattendue avec le plus aimable des sourires.

Dès lors la tension et la paranoïa bien réelle se dispute à un remarquable second degré grâce aux facéties d'Alastair Sim (le passage où il conclut la tirade du Marchand de Venise lancée par Leo Genn contant fleurette ou qu'il trouve la cachette de Trevor Howard épiant les deux amants). Le rythme est soutenu au fil des révélations et coups de théâtre divers sans égaler la première partie et le final est des plus réussis.

Le titre assez nébuleux trouve son explication de manière brillante et Gilliat donne une vraie consistance dramatique avec la révélation finale même si l'ironie n'est jamais loin telle la fatale erreur de jugement d'Alistair Sims ou une dernière tirade drôlissime. Encore une belle réussite pour Sidney Gilliat même si j'ai préféré son versant dramatique et sentimental de Millions like us et Waterloo Road à la distance rieuse ayant cours ici.

Sorti en dvd zone 2 anglais sans sous titre et en zone 1 chez Criterion où là on trouve des sous-titres anglais.

Extrait

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