Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Près des plages du débarquement vit Marie et son oisif époux. La jeune femme s'ennuie, mais la distraction arrive quand les allemands prennent possession des lieux. Leur commandant tombe amoureux de la belle, tandis qu'un parachutiste allié échoue au château, semant pagaille et quiproquos.
Il y a des premiers films en forme de promesses et brouillon ébauchant les futurs motifs d’œuvre plus abouties, et il y en a d’autres où toutes les qualités du cinéaste en apprentissage scintillent déjà de mille feux sans qu’il n’y ait rien à redire. La Vie de château, brillante entrée en matière de Jean-Paul Rappeneau est de ceux-là. Tout ce qui fait le charme de son cinéma est déjà là : souffle romanesque, rythme trépidant et comédie survoltée, le tout ciselé de main de maître sur un scénario à l’équilibre parfait.
Encore scénariste, l’idée du film lui vient lors d’un repérage dans le Morbihan pour un film de Louis Malle qui ne se tournera jamais. Là il tombe sous le charme d’un château des environs qui titille son imagination et lui donne l’idée de l’embryon de l’intrigue de La Vie de château. Lorsque le film se tournera quelques années plus tard, l’intrigue sera finalement déplacée en Normandie pour y associer l’évènement du Débarquement mais pour l’anecdote on peut voir cette demeure inspiratrice dans La Petite Lili de Claude Miller sorti des lustres plus tard.
Le scénario mélange habilement expériences personnelle et influences parfaitement digérées de Rappeneau. La période d’Occupation est aussi celle de l’enfance pour le réalisateur (qui y reviendra plus tard avec le formidable Bon Voyage dont on reparlera ici) où tout ce qui avait trait à la Résistance, au héros étant passé en Angleterre et à leurs haut faits exerçaient un large pouvoir de fascination. Plutôt qu’un angle dramatique, il choisit donc d’user d’une tonalité enlevée de comédie où il ouvre sans le savoir la voie à La Grande Vadrouille qui fera de cette même recette le succès populaire que l’on sait. Cependant ici en croisant guerre et comédie, Rappeneau lorgne vers ce qui est son modèle avoué, Ernst Lubitsch et plus particulièrement son fameux To be or not to be (ou de même marivaudage et espionnage s’entrechoquent joyeusement). Rappeneau se montre d’entrée (et la suite le confirmera) comme le seul équivalent français du maître.
On trouve d’ailleurs en Catherine Deneuve une incarnation française des enquiquineuses charmantes de la screwball comedy. Elle est ici la jeune épouse du châtelain casanier et mollasson Jérôme (Philippe Noiret) et s’ennuie ferme dans cette vie provinciale sans éclat quand elle ne rêve que de l’animation de la capitale. Très habilement, Rappeneau ne révèle qu’au bout d’une vingtaine de minutes (lorsque l’on croisera un véhicule allemand) que l’on se trouve sous l’Occupation, signifiant ainsi le cocon que constitue cet environnement. La réalité historique va rattraper les protagonistes et ainsi briser le ronron du couple.
La grande idée, c’est de guider les éléments et les actions liées à cette réalité aux états d’âmes des personnages. Le résistant joué avec allant et charme par Henri Garcin oublie sa mission en cours en tombant amoureux de Catherine Deneuve, tout comme l’officier allemand (Marc Dudicourt) pour les mêmes raisons et aveugles aux préparatifs du Débarquement autour de lui.
Il ne se montrera menaçant que quand il se sentira éconduit par la belle, alors que dans un joyeux décalage comique il sera d’une amabilité outrancière (surtout face à la vieille châtelaine vacharde hilarante jouée par Marie Marquet) pour s’attirer les bonnes faveurs. Catherine Deneuve inaugure les rôles d’emmerdeuses survoltées cher à Rappeneau (et remettra le couvert en plus outrancier encore dans l’excellent Le Sauvage) est à croquer en femme enfant capricieuse en quête d’exaltation.
Rappeneau est un des premiers si ce n’est le premier à exploiter le débit mitraillette de l’actrice, signe d'une agitation et d'une sensibilité à fleur de peau qui fait fondre à tout moment pour son personnage en dépit (et surtout grâce) à ses défauts qui la rende si attachante. On l’aura compris, le vrai enjeu du film est la conquête de son cœur comme le montre un générique qui expose sa beauté sous toute les coutures et elle a rarement été plus resplendissante qu’ici.
Si elle aveugle la plupart des figures masculines du film, elle ouvrira au contraire les yeux de Philippe Noiret en éveillant sa jalousie. Les menaces physiques comme amoureuses viennent lui rappeler que c’est en se mettant en valeur qu’il éloignera les tentations. Le personnage peut ainsi devenir une figure héroïque lors de la palpitante conclusion, plus pour reconquérir Deneuve que pour la cause.
Le timing si typique de Rappeneau se met ici merveilleusement en place (grâce à l’aide bienvenue de Claude Sautet en script doctor reconnue par Rappeneau) et en 90 minutes rondement menées. Courses poursuites, claquement de portes et engueulades s’enchaînent sans discontinuer grâce à la mise en scène tout en mouvement et aux astuces de montages qui confèrent une énergie de tous les instants. Coup d’essai, coup de maître pour Rappeneau qui sera judicieusement récompensée par le Prix Louis Delluc.
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