Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Lame de fond - Undercurrent, Vincente Minnelli (1946)
Ann Hamilton rencontre un célèbre
inventeur, Alan Garroway. Séduite, elle l'épouse et le couple part à
Washington. La jeune femme découvre la haute société où elle se trouve
mal à l'aise. Puis, les époux déménagent en Virginie. Là, Ann apprend
l'existence de Michael, le frère d'Alan. Un mystère plane sur les
relations entre ces deux derniers...
Si son nom évoque
plus immédiatement le souvenir de ses merveilleuses comédies musicales,
Vincente Minnelli aura tout au long de sa carrière alterné son genre de
prédilection et la comédie pure avec des incursions plus variées dans le
mélodrame dont le plus célèbres reste la satire hollywoodienne Les Ensorcelés. C'est avec ce Undercurrent
réalisé en début de carrière que Minnelli élargi pour la première fois
sa palette avec ce curieux mélange de thriller et de mélodrame.
Ann
Hamilton (Katharine Hepburn) est une jeune femme vivant encore
paisiblement auprès de son père scientifique qu'elle assiste, aucun
homme n'étant parvenu à la sortir de ce cocon malgré les nombreuses
demandes en mariage. La rencontre avec le magnat de l'industrie Alan
Garroway (Robert Taylor) va venir bousculer cette quiétude, ce dernier
réunissant toute les qualités dont peut rêver une femme : beauté,
charisme et intelligence. Mariés au bout de quelques semaines à peine le
couple voit pourtant une ombre se dresser progressivement entre eux
avec Michael, le frère disparu d'Alan qui révèle des pans plus sombres
de la personnalité de celui-ci.
Minnelli fait preuve de son brio
narratif habituel pour semer le trouble dans son intrigue et ce dès le
début de film faussement idyllique. La rencontre en forme de coup de
foudre puis le mariage se font ainsi de manière très (trop) rapide et
même si le réalisateur y distille un pur charme de comédie romantique
(l'ellipse où le père de Ann compare l'alchimie amoureuse avec celle des
composants d'une formule scientifique passant dans un merveilleux
enchaînement directement au mariage de Ann et Alan) l'essentiel est que
l'on a pas réellement assisté au déroulement de cette relation et que
l'on ne sait finalement pas grand-chose du beau et avenant Alan.
Tout
le film fonctionne sur ce principe, nous laissant chercher entre ce qui
est dit ou ne l'est pas, ce qui est montré ou pas, les personnages
auxquels il est fait allusion ou pas. Tous ces mystères concernent bien
sûr le grand absent dont la personnalité hante tout le film, Michael le
frère mystérieusement volatilisé. Le script fonctionne comme une sorte
de Laura où à la place du le
seul portrait ce serait divers éléments disséminés de la personnalité de
l'absent qui créerait la fascination et le sentiment amoureux à
distance. Ainsi alors que son époux lui semble de plus en plus un
étranger par son milieu, ses sautes d'humeurs et son cadre (la visite du
bureau) impersonnel, Ann est de plus en plus captivée par ce qu'elle
découvre de la personnalité Michael bien loin de l'affreuse description
qu'on lui en a faite.
Amateur de poésie, de musique et s'étant constitué
un havre de paix chaleureux dans son ranch désormais abandonné, c'est
l'homme qu'il lui faut. Ce motif de l'explicite et de l'implicite
fonctionne aussi dans la quête du personnage de Katharine Hepburn qui
pense chercher le disparu pour résoudre la névrose et le complexe de son
époux alors qu'elle est déjà amoureuse sans se l'avouer de l'absent.
Minnelli
exprime cette idée visuellement également par la façon dont il dépeint
la personnalité de Robert Taylor. Doux et aimant au départ, on ressent
progressivement son emprise et sentiment de possession sur Ann au détour
d'un dialogue (une scène d'amour anodine où il lui dit passionné
qu'elle est à lui et qu'elle ne doit pas l'oublier) ou de situations
dont le sens ne se révèleront que plus tard tel cette présentation d'une
Hepburn mal fagotée à la haute société de Washington puis une séquence
de shopping où elle se réduit à un mannequin de cire façonné par Taylor,
"sa" chose.
Michael se dévoilera à nous avec le même sens du mystère,
un simple nom au départ, une personnalité avec la découverte de son
univers, une ombre fugace puis enfin sous les traits séduisant d'un
Robert Mitchum débutant dont le visage nous est jusqu'à la dernière
limite en le faisant passer pour un vulgaire figurant secondaire lors de
la première entrevue avec Katharine Hepburn qui ignore qui il est.
Minnelli
aura progressivement préparé ses jeux de dissimulations/révélations par
sa mise en scène qui révèle brutalement l'obsession de Taylor (le
mouvement de caméra où Ann se retrouve face à lui au ranch, sa
silhouette menaçante apparaissant à la fin lorsqu'elle cherche à
s'enfuir) et la photo de Karl Freund qui s'assombrit soudainement quand
les questions deviennent trop insistantes, dissimulant la nervosité de
l'époux dans la pénombre.
Fort de cette finesse, c'est paradoxalement
lorsque le film adopte un suspense plus frontal et classique qu'il
convainc le moins malgré un final rondement mené et palpitant au bord
d'une falaise. L'interprétation est parfaite avec un Robert Taylor dont
l'aisance s'effrite peu à peu pour révéler un dangereux manipulateur,
Katharine Hepburn vibrante et passionnée apporte sa finesse coutumière à
la progression de son personnage et Robert Mitchum en une poignée de
scène démontre déjà tout le magnétisme qui fera de lui la grande star
que l'on sait dans les années à venir.
Je viens de le visionner et je l’ai beaucoup aimé, malgré quelques longueurs. Robert Taylor a un meilleur jeu d’acteur, plus assuré que celui de Robert Mitchum mais celui-ci dégage déjà un magnétisme qui n’appartient qu’à lui.
Et oui, la rétro Minnelli a enfin commencé ! J'ai vu précédemment L'horloge, un film très romantique et assez réussi dans le genre, assez atypique aussi du cinéaste. Et mon prochain sera Madame Bovary, suivi de près par Un Américain à Paris. Je suis très enthousiaste pour le moment en tout cas :-)
Je viens de le visionner et je l’ai beaucoup aimé, malgré quelques longueurs. Robert Taylor a un meilleur jeu d’acteur, plus assuré que celui de Robert Mitchum mais celui-ci dégage déjà un magnétisme qui n’appartient qu’à lui.
RépondreSupprimerOui un Minnelli atypique mais très plaisant et Mitchum crève déjà l'écran. La rétro Minnelli a commencée alors ? ;-)
SupprimerEt oui, la rétro Minnelli a enfin commencé ! J'ai vu précédemment L'horloge, un film très romantique et assez réussi dans le genre, assez atypique aussi du cinéaste. Et mon prochain sera Madame Bovary, suivi de près par Un Américain à Paris. Je suis très enthousiaste pour le moment en tout cas :-)
SupprimerDeux merveilles à venir donc idéal de comédie musicale et adaptation parfaite. Pas vu L'Horloge je note ça !
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