Durant la Deuxième Guerre mondiale dans le Stalag 17, deux prisonniers tentent de s'évader mais sont abattus. De plus, les Allemands découvrent l'existence du tunnel où tout les prisonniers devaient s'évader. Il y a donc un traître parmi les détenus, Sefton, un officier magouilleur et adepte du marché noir, est soupçonné.
Stalag 17 est un film de transition dans la filmographie de Billy Wilder, situé entre les œuvres sombres de la fin des 40’s et début 50’s (Assurance sur la mort (1944), Le Gouffre aux chimères (1951), Sunset Boulevard (1950)) et la grande série de comédie à venir (Sept ans de réflexion (1955), Certains l’aiment chaud (1957), La Garçonnière (1960)). L’ouverture est d’ailleurs représentative de cet entre-deux où se situe le film avec une mise en scène explorant les lieux clés du camp de prisonnier américain où va se dérouler l’intrigue. La caméra survole les miradors aux gardes armés jusqu’aux dents, leur collègues au sol arpentant le camp entouré de barbelés avec leur chien sur fond de musique martiale.
Le sentiment d’étouffement et de danger est déjà ainsi palpable pour ce récit en huis-clos mais paradoxalement en approchant des baraquements de prisonnier la voix-off ironique du soldat Cookie regrettant que les films de guerre ne parle jamais des prisonniers et se propose donc de nous raconter ce qui s’est passé dans son stalag. Cette ouverture évoque en mode mineur celle de Sunset Boulevard par son côté décalé et annonce les singulières ruptures de tons qui auront cours, la franche rigolade succédant à la tension la plus exacerbée et inversement. La genèse de Stalag 17 est particulièrement houleuse pour Wilder déjà en délicatesse avec la Paramount suite à l’échec du Gouffre aux chimères. Le responsable de la Paramount George Weltner lui demandera en effet afin de ne pas froisser le public allemand pour la sortie internationale de modifier la nationalité de l’espion nazi infiltré parmi les prisonniers américains pour en faire un polonais que les allemands auraient acheté.
Je lui répondis que les nazis avaient tués à Auschwitz ma mère, ma grand-mère, mon beau-père et que je n’étais pas disposé à trahir mon film pour quelques misérables dollars.
Stalag 17 est en effet un des rares films où se dévoile cette souffrance intime pour Wilder (avec La Scandaleuse de Berlin filmé dans un Berlin en ruine et à l’origine destiné à être un documentaire, certaines images d’archives survivant au montage) et il rompra après la sortie sa collaboration à la Paramount, maison-mère où il débuta à Hollywood en tant que scénariste. Fort de cette volonté, Wilder instaure un climat sombre et claustrophobe où une chape de plomb semble s’être abattue sur le camp.
On aperçoit que rarement le ciel, des visions en plongée accentuent cette sensation oppressante parfois gratuitement et d’autres pour un suspense au cordeau tel celle nous laissant deviner la cachette d’un prisonnier évadé dans un bassin. Nous ne sommes bien sûr par dans un camp de concentration mais l’on sait d’où vient ce besoin du réalisateur de donner la vision la plus noire possible en dépit de quelques scènes légères au début pour introduire les personnages.
Cette sensation va se traduire par une paranoïa de tous les instants se jouant dans les relations entre prisonniers. Ce doute repose sur plusieurs évasions avortées où les geôliers semblaient presque attendre et deviner les mouvements des prisonniers lors de leurs tentatives. La cause est vite entendue, il y a un traître au sein des prisonniers. Le coupable tout désigné semble être Sefton (William Holden) dont les affaires sont florissantes à travers les divers trafics qu’ils mènent avec les allemands, s’enrichissant et améliorant son confort. Profondément individualiste et cynique, il ne ressent aucun états d’âmes à son statut et va ainsi susciter la suspicion plus par l’envie et la rancœur accumulée de ses camarades que par de réelle preuve de sa culpabilité.
On peut ainsi voir dans le script une certaine forme de critique du Maccarthysme et du climat qui régnait alors aux Etats-Unis même si un personnage aussi détaché que Sefton (William Holden parfait comme toujours) atténue la métaphore. Son tort est de se distinguer dans un ensemble où Wilder présente ces prisonniers comme quelque peu stupides et primaires (ce qui n’enlève rien à leur sympathie) par son pragmatisme et son cynisme froid.
C’est ce qui causera le conflit lorsque ses camarades ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez se retournerons vers lui par évidence et volonté de vengeance. Ironiquement, le traitre s’avéra être le personnage le plus recommandable au physique de jeune premier évoquant le héros américain idéalisé et parfaitement assimilé parmi les prisonniers. Dans ce jeu sur les apparences, Sefton est le plus perspicace finalement par son individualisme. Le plus marginal (Sefton) sera ainsi le seul à même de démasquer le plus populaire.
Wilder oscille ainsi entre le volontairement caricatural (Otto Preminger en officie vicieux, juif allemand exilé au parcours proche de Wilder le réalisateur se délecte d’autant plus d’un tel rôle) et subtilité pour dépeindre les nazis, l’aspect fourbe et manipulateur étant bien sûr souligné par l’espion infiltré. Sous couvert de patriotisme irréfléchi et de pensée unique les autres prisonniers sont dans le faux. A l’inverse c’est bien Sefton jusqu’ici plus préoccupé par sa personne qui sera le seul capable d’héroïsme au final, non sans avoir renvoyé de manière cinglante ses persécuteurs à leurs contradictions avec cette éloquente réplique où il leur dit de ne pas le saluer s’ils étaient amenés à se revoir dans d’autres circonstances. Ce jeu sur les faux semblant est bien sûr une constante chez Wilder, de Assurance sur la mort à Certains l'aiment chaud en passant par Embrasse-moi idiot et bien d'autres. Une œuvre tout à fait étonnante, aux antipodes des films de guerre sans nuances des années quarante et annonçant les héros plus décomplexé et moins uniforme de la décennie suivante dans ce type de récit.
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