Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 26 mars 2015

Dark City - Alex Proyas (1998)

Se réveillant sans aucun souvenir dans une chambre d'hôtel impersonnelle, John Murdoch découvre bientôt qu'il est recherché pour une série de meurtres sadiques. Traqué par l'inspecteur Bumstead, il cherche à retrouver la mémoire et ainsi comprendre qui il est. Il s'enfonce dans un labyrinthe mystérieux où il croise des créatures douées de pouvoirs effrayants. Grâce au docteur Schreber, Murdoch réussit à se remémorer certains détails de son passé trouble.

La fin des années 90 vit un thème récurrent se faire jour dans nombre de productions américaines, le doute et à la paranoïa quant à la réalité du monde qui nous entoure. Un thème assez commun à la littérature de science-fiction mais qui semblait particulièrement sensible dans l’anxiété de cette fin de XIXe siècle. Notre quotidien se voyait ainsi manipulé par les machines dans Matrix (1999), la loi de l’audimat pour le visionnaire The Truman Show (1998) ou la crise existentielle avec Fight Club (1999), titres auxquels on peut ajouter les plus mineurs Existenz (1999) ou encore Passé Virtuel (1999). Dark City s’avère un vrai précurseur à toutes ces oeuvres et sans doute le meilleur film d’Alex Proyas. Le réalisateur était sorti profondément déprimé de The Crow (1994) dont le succès avait été entaché de la mort tragique de Brandon Lee sur le tournage. Le brio avec lequel il avait réussi à reprendre le film et l’esthétique ténébreuse qu’il y avait façonné devait cependant rassurer les producteurs pour Dark City, projet bien plus ambitieux et personnel.

Le doute quant au réel prend ici un tour existentiel puisque l’illusion est supposée révéler le secret de l’âme humaine. John Murdoch (Rufus Sewell) se réveille amnésique dans une sordide chambre d’hôtel abritant un cadavre. A l’extérieur, un environnement urbain oppressant et impersonnel ne voyant jamais la lueur du jour. Dans toute sa confusion, notre héros est pourtant le plus clairvoyant parmi une population vivant une existence factice et malléable au gré des manipulations psychiques et physiques que mènent de mystérieux êtres chauve à l’allure de croquemort arpentant la ville. L’esthétique du film est un fourre-tout reflétant la confusion des protagonistes, tout comme ils s’amusent à mélanger les souvenirs des humains, les Etrangers entrecroisent plusieurs architecture en une.

Proyas revisite ainsi un siècle de villes de cinéma et de multiple genres, des visions grandioses et expressionnistes de Metropolis (1927) à la féérie mêlée de cauchemar de L’Aurore(1930) et tout un pan de la claustrophobie ténébreuse du film noir américain des années 40. L’une ou l’autre de ces influences prédomine à un moment ou un autre au gré des impressionnantes séquences « d’harmonisation » où la ville se transforme physiquement : les buildings s’élèvent ou s’enfoncent, des passerelles poussent ou se rétractent, portes et fenêtres apparaissent ou s’estompent. De même les destins humains basculent, les couples s’unissant et se défaisant, les fortunes changeante et parfois les instincts les plus vils apparaissant avec ce serial killer dont la nature sadique un ajout artificiel.

A travers son héros insoumis, Alex Proyas exprime la profondeur de l’âme humaine, dépassant un quotidien factice qu’une force supérieure (ou la société au sens large) nous impose pour dévoiler quelque chose de plus insaisissable. Cet aspect incomplet se révèle dans les failles du plan des Etrangers ou sous la manipulation, les humains ressentent dans une angoisse latente que quelque chose manque à leur vie. Cette ville ne voyant jamais la lumière du soleil, les souvenirs implantés rappelant un passé lointain mais jamais les actions de la veille et bien sûr le leitmotiv de Shell Beach seront les éléments qui susciteront le doute si ce n’est l’éveil, notamment du personnage de policier qu’incarne William Hurt. 

Ce dernier prolonge cette ambiance de film noir par l’intrigue criminelle (plus en retrait que dans le scénario initial), Proyas jouant parfois des clichés esthétique du genre comme lors de la superbe introduction de Jennifer Connelly en chanteuse de club. Les Etrangers relèvent aussi de divers lieux communs du fantastique, de leur apparence à la Nosfératu (en faisant une entité quasi unique à la différence de l'homme) à leur antre sous-terraine où La Cité des enfants perdus rencontre Terry Gilliam. On pense également aux comics d’horreur d’EC Comics friand de ces atmosphères mais par son ton mystérieux et son exigence Dark City lorgne aussi vers la mythologie grecque et ses Dieux jouant avec le destin d’humains réduits à l’état de pantins là pour les divertir.

Les pouvoirs de Murdoch sont donc une manifestation du libre arbitre de l’homme, voir du surhomme puisqu’il sera amené à devenir un Dieu pouvant refaçonner la réalité à sa guise, signe. Le film est ainsi déroutant et captivant de bout en bout. Le début et son montage très haché fait parfaitement ressentir la confusion du héros. Proyas parvient également signifier l’erreur des Etrangers (cherchant l’âme humaine dans la cérébralité et pas les sentiments) en montrant la nature profonde de l’homme dans l’amour entre Rufus Sewell et Jennifer Connelly qui dépasse peu à peu sa dimension prédestinée pour être réel (la scène du parloir et le magnifique final sur la corniche repris plus tard à l’identique par Aronofsky dans Requiem for a dream (2001)). 

Plus exigeant et moins ouvertement divertissant qu’un Matrix, Dark City sera pourtant un échec au box-office. Un an plus tard Matrix sur une trame et des thèmes voisins (et des décors communs puisque Matrix fut tourné dans les même studios australien de la Fox) sera un triomphe, le final de Matrix Revolutions (2003) s’inspirant même de celui dantesque à la Akira (1988) de Dark City qui innovait aussi en tentative de japanimation live. Un classique de la SF 90’s, toujours aussi envoutant, dommage que Proyas n’ait plus jamais retrouvé de telles hauteurs.

Sorti en dvd zone 2 françis et bluray chez Metropolitan, un director's cut (pas vu) est également disponible depuis quelques années

 

2 commentaires:

  1. Le Dir cut apporte quelques modifications sur certaines scenes un peu plus longues, mais c'est surtout l'ouverture qui perd l'introduction par le personnage de Sutherland (qui dans le montage cine eventait un peu le twist/principe du film). DOnc au final c'est plutot un plus par rapport au cut cine.

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    1. Bonne idée de zapper la voix off d'intro qui en disait beaucoup trop en effet !

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