Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
La Maîtresse de fer - The Iron Mistress, Gordon Douglas (1952)
En Louisiane, en 1825. Jim Bowie n'est encore qu'un simple bûcheron
qui exploite une scierie en compagnie de sa mère et de ses deux frères.
Son habileté à lancer le couteau lui permet un jour de gagner une
compétition, dont l'enjeu, considérable pour lui, est un voyage à La
Nouvelle-Orléans. C'est alors qu'il s'éprend d'une jeune aristocrate,
aussi égoïste que frivole, la séduisante Joséphine de Borney, qu'il
entreprend de conquérir. Mais la belle est très courtisée. Jim tente de
faire fortune par tous les moyens tout en affrontant ses rivaux, dont un
politicien sans scrupules, Jean Moréno, et un duelliste frénétique,
Henry Contrecourt...
The Iron Mistress est une
biographie romancée de Jim Bowie, futur héros de la Bataille de Fort
Alamo et resté célèbre pour sa dextérité légendaire au couteau, son arme
favorite. Le film adapte le roman éponyme de Paul Wellman paru en 1951
et sera le premier d'Alan Ladd à la Warner après une décennie dans le
giron de Paramount. Warner achète les droits du livre en pensant confier
le rôle à Errol Flynn mais Alan Ladd qui en a lu les épreuves avant
parution exprime son intérêt et aura gain de cause pour ce qui sera le
premier film de sa fructueuse collaboration avec le réalisateur Gordon
Douglas - suivront Le Tigre du ciel (1955), Santiago (1956) et Les Loups dans la vallée
(1957). Dans une veine purement romanesque, c'est une femme qui
éveillera l'instinct violent et aventurier d'un Jim Bowie délesté de ses
aspect les plus douteux avec le passage au cinéma - il aurait notamment
fait fortune au départ par la contrebande d'esclaves alors que le
Congrès avait interdit les traites négrières aux Etats-Unis.
L'aspect
rustre du personnage est montré sous un jour plutôt bon enfant au départ
avec une bagarre où il dispute à ses frères le voyage à La
Nouvelle-Orléans pour vendre leur bois. Sur place il tombe amoureux (par
une belle idée puisqu'il découvre son visage dans un tableau inachevé)
de la South Belle Judalon de Bornay (Virginia Mayo), riche
héritière séductrice et orgueilleuse. Bowie qui n'avait jamais quitté
son bayou fait la découverte à travers elle de son statut "d'inférieur".
Judalon n'aime rien moins que soumettre les hommes puissants, profiter
d'eux et les inciter à se déchirer pour elle. Le scénario n'en fait pas
pour autant une femme fatale (malgré l'érotisme certain que dégage sa
première apparition où elle essaye une robe) mais plutôt une
opportuniste pensant à son bien-être quitte à renier ses sentiments. La
notion de classe et le sens de l'honneur tout européen se transpose de
manière violente et exacerbée dans la cosmopolite Nouvelle-Orléans,
laissant douloureusement Bowie comprendre ses codes. Le duel constitue
ainsi un prétexte aisé pur se débarrasser d'un rival amoureux ou
d'affaire. Notre héros apparait au départ comme un être paisible et
pacifiste (superbe scène où il désamorce avec humour le duel avec
Narcisse de Bornay).
Mu par la volonté de réussir pour se
montrer digne de Judalon, Bowie s'élève ainsi par sa férocité aux
affaires et au combat, une violence contenue dans son poignard surnommé
la "maîtresse de fer" et dont la fabrication prend des contours presque
mythologique sous le regard de Gordon Douglas. Le réalisateur filme avec
brio cette aristocratie sudiste luxuriante, sa caméra s'élevant et se
faufilant dans les environnements fastueux des bals, champs de course et
bateaux rutilants. Sous cet apparat, les tensions et jalousies se
contiennent pour exploser dans les cadres plus populaires et neutres.
Bowie, sauvageon défiant l'ordre établi devra à chaque fois répondre de
sa réussite financière et possiblement amoureuse par un duel aux
conséquences dramatiques. Ces moments forts sont filmés avec une
virtuosité extraordinaire par Gordon Douglas tel cet incroyable combat
dans une pièce obscure dont les éclairs de la foudre constituent la
seule lumière - photo fabuleuse de John F. Seitz. Le découpage, les
jeux d'ombres, les mouvements de caméra et la hargne des combattants
font de cette scène un morceau de bravoure stupéfiant.
Gordon Douglas
désamorce pourtant cette beauté romantique du duel (exprimée telle quel
par un des protagonistes les plus belliqueux et à l'image par des idées
formelles magnifique ave ce duel dans la brume matinale qui préfigure Les Duellistes
(1977) de Ridley Scott) pour rejouer ces instants de manières toujours plus
sèches, violente et douloureuse à chaque nouveau combat. Le film
surprend vraiment par sa brutalité et sa noirceur où s’accumulent les
morts sanglantes tout au long du récit. Bowie se perd en pensant gagner
le cœur de celle qu'il aime à la force de son poignard, la maîtresse de
fer étant autant cette arme que la manipulatrice Judalon. Virginia Mayo
radieuse et élégante incarne à la perfection ce mirage du paradis
sudiste où se joue constamment l'assujettissement et le profit (physique
comme pécuniaire) de l'autre.
La réussite de Bowie est ainsi viciée dès
le départ car vouée à une cause perdue, toute la témérité du personnage
s'avérant au final un signe de faiblesse. Ce n'est que lorsqu'il sera
involontairement extérieur à la joute qui conclut le film (et toujours
causée par Judalon) qu'il sera libéré de cette emprise. Le Sud terreau
des inégalités de l'ancien monde peut donc être abandonné pour le Texas
où l'attend une vie plus paisible et un amour plus sincère. Même si l'on
sait que cela tournera court avec la vraie destinée de Jim Bowie (Fort
Alamo donc), c'est une belle rédemption pour le personnage à l'écran et
que Gordon Douglas magnifie par une absolument somptueuse scène de
mariage. Très belle découverte !
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