Le Capitaine Stanley
White, ancien vétéran de la Guerre du Viêt Nam et fils d'immigrés d'origine
polonaise, est flic à New York. Muté dans le quartier de Chinatown, Stanley
part en guerre contre les bandes criminelles de trafiquants de drogue de la
mafia chinoise new-yorkaise (les triades chinoises) qui gangrènent le quartier
et qui se livrent à des assassinats et des règlements de compte sauvages,
conséquence de la vente de drogue, de la pratique du racket et de l'extorsion
de fonds. Il devient s’attaque de front à cet empire asiatique opaque, en
grande partie souterrain et entre alors en conflit avec Joey Tai, un jeune et
ambitieux homme d'affaires d'origine chinoise de Chinatown familiale.
L’Année du dragon
est considéré comme le dernier grand film de Michael Cimino, celui où se mêle l’ambition
et le parfum de scandale du célébré Voyage
au nom de l’enfer (1978) et l’honnit La
Porte du Paradis (1980). Les dépassements de budgets colossaux ainsi que l’échec
critique et public avait signé le glas du Nouvel Hollywood, fait couler la
United Artist et fait de Michael Cimino un véritable pestiféré pour l’industrie.
Après avoir végété durant quatre et fait le script doctor officieux sur
quelques productions, il est engagé par Dino De Laurentiis pour signer l’adaptation
du roman Year of the Dragon de Robert
Daley (duquel furent adaptés deux grands Sidney Lumet, Le Prince de New York (1981) et Dans l’Ombre de Manhattan (1996)) dont il écrira le scénario en compagnie d’Oliver
Stone.
L’Année du dragon
est pour Cimino le dernier volet d’une trilogie sur l’identité américaine qui peut
constituer un refuge collectif face à l’horreur (Voyage au bout de l’enfer et ses survivants entonnant l’hymne
national dans la dernière scène) mais aussi s’être forgée dans le profit, l’intolérance
et le sang (La Porte du Paradis et
son massacre final). Le film conjugue toutes ces contradictions à travers le
personnage de Stanley White, sorte d’absolutiste de cette identité américaine
(jusqu’à justement américaniser son nom marqué par ses origines polonaises)
qui, pour dénoncer le vase-clos criminel et la corruption du quartier de
Chinatown va employer des méthodes discutables dans sa croisade. Vétéran de la
Guerre du Vietnam, Stanley en aura surmonté le traumatisme en s’accrochant à
cet idéal pour bousculer la corruption et les petits arrangements.
Deux scènes l’illustrent bien, celle où face aux pontes
chinois lui expliquant leur tradition communautariste il les inonde d’injures.
L’autre moment symbolique sera lors d’une dispute dans le bureau de ses
supérieurs où soudainement Stanley s’isole de la discussion pour scruter l’extérieur
où flotte un drapeau américain. Le personnage incarne ainsi ce socle
insubmersible des valeurs américaines (le versant Voyage au bout de l’enfer ou même Le Canardeur (1974)) mais aussi les excès néfastes auxquelles
elles peuvent conduire (La Porte du
Paradis). Le tempérament obtus et arrogant de White confine ainsi au
racisme latent quant à son attitude et ses répliques fleuries envers la
communauté chinoise.
Michael Cimino avait déjà éprouvé ce type d’ambiguïté à
travers sa vision caricaturale des vietnamiens dans Voyage au bout de l’enfer où ils étaient tous des hystériques
sanguinaires. Ce choix s’articulait par l’adoption du point de vue de ses héros
passant du paradis au chaos et voyant dans l’autre un oppresseur, dans ces
contrées étrangères un enfer. Cela susciterait évidemment des accusations de
racisme qui peuvent éventuellement se discuter dans Voyage au bout de l’enfer mais qui s’avèrent plus problématique
dans L’Année du dragon. Les chinois
du film se divisent ainsi en criminels allant du mafieux haut placé aux hommes
de mains assassins tandis que le versant plus positif s’avère lourdement
caricatural (le policier infiltré chinois empoté joué par Dennis Dun).
La
journaliste incarnée par Ariane Koizumi pourrait endosser un rôle plus
intéressant et complexe mais l’interprétation défaillante et une romance aussi
maladroite qu’inutile gâche le potentiel du personnage. Cimino inscrit bien sûr
certains clichés au regard de Stanley mais lorsqu’il s’agira de les démonter
dans le récit, le manque de finesse (la tirade de Dennis Dun sur les apports de
la culture chinoise), les éléments trop allusifs (l’ouvrier chinois venant à l’enterrement
de l’épouse de Stanley) et les grosses ficelles dramatiques ne permettent pas
de redonner ses lettres de noblesse à la communauté chinoise.
Par ailleurs si le souffle de la mise en scène de Cimino et
l’interprétation habitée de Mickey Rourke emportent l’adhésion, en tant que pur
polar le film ne convainc pas totalement. Les raccourcis narratifs pleuvent, le
récit piétine souvent (hormis les innombrables descentes de police et les
écoutes téléphoniques à aucun moment Stanley ne semble réellement mener l’enquête)
et les incohérences sont multiples notamment tout ce qui concerne l’ascension
du chef de triades Joey Tai (John Lone), sorte de double de Stanley dont il partage le jusqu'auboutisme côté criminel. La plongée dans les codes dela
communauté secrète de Chinatown, même à travers le regard plus distant de
Stanley, n’a jamais vraiment cours passé les tueries et les scènes de
funérailles traditionnelles qui ouvrent et concluent le film. La dernière
partie s’avère particulièrement confuse et malgré un dernier dialogue
lourdement significatif, le héros ne semble pas avoir particulièrement appris
de l’épreuve. Malgré d’indéniables qualités et de sa richesse thématique, L’Année du dragon est donc un opus un
peu surestimé au regard de la médiocrité de ce qui allait suivre dans la
filmographie de Cimino (Le Sicilien
(1987), La Maison des otages (1990)
et Sunchaser (1996)).
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Carlotta
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