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samedi 31 décembre 2016

L'Année du dragon - Year of the Dragon, Michael Cimino (1985)

Le Capitaine Stanley White, ancien vétéran de la Guerre du Viêt Nam et fils d'immigrés d'origine polonaise, est flic à New York. Muté dans le quartier de Chinatown, Stanley part en guerre contre les bandes criminelles de trafiquants de drogue de la mafia chinoise new-yorkaise (les triades chinoises) qui gangrènent le quartier et qui se livrent à des assassinats et des règlements de compte sauvages, conséquence de la vente de drogue, de la pratique du racket et de l'extorsion de fonds. Il devient s’attaque de front à cet empire asiatique opaque, en grande partie souterrain et entre alors en conflit avec Joey Tai, un jeune et ambitieux homme d'affaires d'origine chinoise de Chinatown familiale.

L’Année du dragon est considéré comme le dernier grand film de Michael Cimino, celui où se mêle l’ambition et le parfum de scandale du célébré Voyage au nom de l’enfer (1978) et l’honnit La Porte du Paradis (1980). Les dépassements de budgets colossaux ainsi que l’échec critique et public avait signé le glas du Nouvel Hollywood, fait couler la United Artist et fait de Michael Cimino un véritable pestiféré pour l’industrie. Après avoir végété durant quatre et fait le script doctor officieux sur quelques productions, il est engagé par Dino De Laurentiis pour signer l’adaptation du roman Year of the Dragon de Robert Daley (duquel furent adaptés deux grands Sidney Lumet, Le Prince de New York (1981) et Dans l’Ombre de Manhattan (1996)) dont il écrira le scénario en compagnie d’Oliver Stone. 

L’Année du dragon est pour Cimino le dernier volet d’une trilogie sur l’identité américaine qui peut constituer un refuge collectif face à l’horreur (Voyage au bout de l’enfer et ses survivants entonnant l’hymne national dans la dernière scène) mais aussi s’être forgée dans le profit, l’intolérance et le sang (La Porte du Paradis et son massacre final). Le film conjugue toutes ces contradictions à travers le personnage de Stanley White, sorte d’absolutiste de cette identité américaine (jusqu’à justement américaniser son nom marqué par ses origines polonaises) qui, pour dénoncer le vase-clos criminel et la corruption du quartier de Chinatown va employer des méthodes discutables dans sa croisade. Vétéran de la Guerre du Vietnam, Stanley en aura surmonté le traumatisme en s’accrochant à cet idéal pour bousculer la corruption et les petits arrangements.

Deux scènes l’illustrent bien, celle où face aux pontes chinois lui expliquant leur tradition communautariste il les inonde d’injures. L’autre moment symbolique sera lors d’une dispute dans le bureau de ses supérieurs où soudainement Stanley s’isole de la discussion pour scruter l’extérieur où flotte un drapeau américain. Le personnage incarne ainsi ce socle insubmersible des valeurs américaines (le versant Voyage au bout de l’enfer ou même Le Canardeur (1974)) mais aussi les excès néfastes auxquelles elles peuvent conduire (La Porte du Paradis). Le tempérament obtus et arrogant de White confine ainsi au racisme latent quant à son attitude et ses répliques fleuries envers la communauté chinoise.

Michael Cimino avait déjà éprouvé ce type d’ambiguïté à travers sa vision caricaturale des vietnamiens dans Voyage au bout de l’enfer où ils étaient tous des hystériques sanguinaires. Ce choix s’articulait par l’adoption du point de vue de ses héros passant du paradis au chaos et voyant dans l’autre un oppresseur, dans ces contrées étrangères un enfer. Cela susciterait évidemment des accusations de racisme qui peuvent éventuellement se discuter dans Voyage au bout de l’enfer mais qui s’avèrent plus problématique dans L’Année du dragon. Les chinois du film se divisent ainsi en criminels allant du mafieux haut placé aux hommes de mains assassins tandis que le versant plus positif s’avère lourdement caricatural (le policier infiltré chinois empoté joué par Dennis Dun). 

La journaliste incarnée par Ariane Koizumi pourrait endosser un rôle plus intéressant et complexe mais l’interprétation défaillante et une romance aussi maladroite qu’inutile gâche le potentiel du personnage. Cimino inscrit bien sûr certains clichés au regard de Stanley mais lorsqu’il s’agira de les démonter dans le récit, le manque de finesse (la tirade de Dennis Dun sur les apports de la culture chinoise), les éléments trop allusifs (l’ouvrier chinois venant à l’enterrement de l’épouse de Stanley) et les grosses ficelles dramatiques ne permettent pas de redonner ses lettres de noblesse à la communauté chinoise.

Par ailleurs si le souffle de la mise en scène de Cimino et l’interprétation habitée de Mickey Rourke emportent l’adhésion, en tant que pur polar le film ne convainc pas totalement. Les raccourcis narratifs pleuvent, le récit piétine souvent (hormis les innombrables descentes de police et les écoutes téléphoniques à aucun moment Stanley ne semble réellement mener l’enquête) et les incohérences sont multiples notamment tout ce qui concerne l’ascension du chef de triades Joey Tai (John Lone), sorte de double de Stanley dont il partage le jusqu'auboutisme côté criminel. La plongée dans les codes dela communauté secrète de Chinatown, même à travers le regard plus distant de Stanley, n’a jamais vraiment cours passé les tueries et les scènes de funérailles traditionnelles qui ouvrent et concluent le film. La dernière partie s’avère particulièrement confuse et malgré un dernier dialogue lourdement significatif, le héros ne semble pas avoir particulièrement appris de l’épreuve. Malgré d’indéniables qualités et de sa richesse thématique, L’Année du dragon est donc un opus un peu surestimé au regard de la médiocrité de ce qui allait suivre dans la filmographie de Cimino (Le Sicilien (1987), La Maison des otages (1990) et Sunchaser (1996)). 

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Carlotta 

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