New York, 1935. Toute
la famille Tempio se rassemble chez l'aîné, Ray, pour se recueillir auprès de
la dépouille de Johnny, le plus jeune frère, récemment abattu dans la rue. A
l'occasion de ces funérailles, les souvenirs des uns vont se mêler aux désirs
de vengeance des autres...
Abel Ferrara signe un de ses très grands films avec Nos funérailles. Le réalisateur semble à
première vue se frotter au grand film de gangster rétro auquel d’autres réalisateurs
italo-américain ont donné ses lettres de noblesse. Nos funérailles navigue pourtant à contre-courant de l’emphase de
Le Parrain (1972) de Francis Ford Coppola, la virtuosité de Les Affranchis de Martin Scorsese (1990)
ou l’élégance de Les Incorruptibles
de Brian de Palma (1987). La trame modeste issue du scénario de Nicholas St.
John (scénariste attitré de Ferrara) appelle en fait un croisement (sans la
dimension opératique) entre le désespoir et les regrets du Parrain 3 (1990) et l’environnement criminel finalement assez modeste
de Mean Streets (1973) voire Les Affranchis.
Les funérailles du benjamin Johnny (Vincent Gallo)
violemment assassiné, jette le désespoir au sein de la fratrie Tempio. L’aîné
Ray (Christopher Walken) n’attend que de démasquer le coupable pour assouvir sa
vengeance, tandis que le cadet Chez (Chris Penn) peine face la douleur à maintenir une santé mentale déjà
bien instable. Les souvenirs du passé proche et éloigné de la fratrie
entrecoupent le fil rouge endeuillé du présent, expliquant les évènements ayant
conduit au drame mais aussi la mentalité destructrice des personnages. Ferrara
affirme que le script d’origine et donc le premier montage du film avait une
narration linéaire mais que le résultat final ne fonctionnait pas. Il fera donc
le choix d’un montage polyphonique où le passé rebondit sur le présent à de
pures fin narratives (toute l’intrigue sur l’opposition de Johnny militant
communiste avec le boss mafieux casseur de grève joué par Benicio Del Toro),
puis dramatiques en nourrissant la culpabilité des frères (notamment Chez)
envers le disparu, tout cela découlant d’une hérédité de la violence surgissant
dans un terrible et meurtrier souvenir d’enfance.
L’originalité de Ferrara est d’exprimer ce parti pris dans
un montage à la logique émotionnelle et sensitive. Les flashbacks surgissent
ainsi parfois en rebondissant sur un objet, un sentiment ou un lieu sans
forcément rebondir de façon logique sur le personnage/la situation qui le
précède. Le spectateur n’est jamais perturbé tant cela s’inscrit de manière
fluide dans le récit, et est même récompensé lorsque l’aboutissement de ces
spirales temporelles mène à des séquences bouleversantes. On citera notamment
une des dernières scènes où la vengeance de Ray enchaîne avec l’assassinat de
Johnny sortant du cinéma (dont on comprendra qu’il était dilaté depuis le début
du film avec cette référence à La forêt
pétrifiée de Archie Mayo (1939) avec Humphrey Bogart) tandis que la balle
du crime originel relie passé et présent de manière logique.
Le poids du passé
et la tradition de la violence s’expriment ainsi par la force de l’image et de
comédiens exceptionnels. Cette violence a quelque chose d’absurde et
d’inéluctable à la fois, Ray faisant sciemment tuer un innocent (par
prévention) et hésitant avant de trucider le vrai coupable. Tout cela annonce
le tétanisant final où la mort surgit de façon aberrante mais totalement
logique dans la construction dramatique façonnée par Ferrara. Un pur et
inoubliable diamant noir.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Rimini
Grand souvenir de celui-ci. L'un de ses derniers "vrais grands" films qui fasse consensus (me suis toujours senti seul à apprécier Xmas) ?
RépondreSupprimerE.
Moi c'est même le dernier que j'apprécie réellement de lui, j'ai complètement décroché sur la suite de sa filmo...
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