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lundi 10 septembre 2018

Nos funérailles - The Funeral, Abel Ferrara (1996)


New York, 1935. Toute la famille Tempio se rassemble chez l'aîné, Ray, pour se recueillir auprès de la dépouille de Johnny, le plus jeune frère, récemment abattu dans la rue. A l'occasion de ces funérailles, les souvenirs des uns vont se mêler aux désirs de vengeance des autres...

Abel Ferrara signe un de ses très grands films avec Nos funérailles. Le réalisateur semble à première vue se frotter au grand film de gangster rétro auquel d’autres réalisateurs italo-américain ont donné ses lettres de noblesse. Nos funérailles navigue pourtant à contre-courant de l’emphase de Le Parrain (1972) de Francis Ford Coppola, la virtuosité de Les Affranchis de Martin Scorsese (1990) ou l’élégance de Les Incorruptibles de Brian de Palma (1987). La trame modeste issue du scénario de Nicholas St. John (scénariste attitré de Ferrara) appelle en fait un croisement (sans la dimension opératique) entre le désespoir et les regrets du Parrain 3 (1990) et l’environnement criminel finalement assez modeste de Mean Streets (1973) voire Les Affranchis

Les funérailles du benjamin Johnny (Vincent Gallo) violemment assassiné, jette le désespoir au sein de la fratrie Tempio. L’aîné Ray (Christopher Walken) n’attend que de démasquer le coupable pour assouvir sa vengeance, tandis que le cadet Chez (Chris Penn) peine face  la douleur à maintenir une santé mentale déjà bien instable. Les souvenirs du passé proche et éloigné de la fratrie entrecoupent le fil rouge endeuillé du présent, expliquant les évènements ayant conduit au drame mais aussi la mentalité destructrice des personnages. Ferrara affirme que le script d’origine et donc le premier montage du film avait une narration linéaire mais que le résultat final ne fonctionnait pas. Il fera donc le choix d’un montage polyphonique où le passé rebondit sur le présent à de pures fin narratives (toute l’intrigue sur l’opposition de Johnny militant communiste avec le boss mafieux casseur de grève joué par Benicio Del Toro), puis dramatiques en nourrissant la culpabilité des frères (notamment Chez) envers le disparu, tout cela découlant d’une hérédité de la violence surgissant dans un terrible et meurtrier souvenir d’enfance. 

L’originalité de Ferrara est d’exprimer ce parti pris dans un montage à la logique émotionnelle et sensitive. Les flashbacks surgissent ainsi parfois en rebondissant sur un objet, un sentiment ou un lieu sans forcément rebondir de façon logique sur le personnage/la situation qui le précède. Le spectateur n’est jamais perturbé tant cela s’inscrit de manière fluide dans le récit, et est même récompensé lorsque l’aboutissement de ces spirales temporelles mène à des séquences bouleversantes. On citera notamment une des dernières scènes où la vengeance de Ray enchaîne avec l’assassinat de Johnny sortant du cinéma (dont on comprendra qu’il était dilaté depuis le début du film avec cette référence à La forêt pétrifiée de Archie Mayo (1939) avec Humphrey Bogart) tandis que la balle du crime originel relie passé et présent de manière logique. 

Le poids du passé et la tradition de la violence s’expriment ainsi par la force de l’image et de comédiens exceptionnels. Cette violence a quelque chose d’absurde et d’inéluctable à la fois, Ray faisant sciemment tuer un innocent (par prévention) et hésitant avant de trucider le vrai coupable. Tout cela annonce le tétanisant final où la mort surgit de façon aberrante mais totalement logique dans la construction dramatique façonnée par Ferrara. Un pur et inoubliable diamant noir.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Rimini 

2 commentaires:

  1. Grand souvenir de celui-ci. L'un de ses derniers "vrais grands" films qui fasse consensus (me suis toujours senti seul à apprécier Xmas) ?

    E.

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    1. Moi c'est même le dernier que j'apprécie réellement de lui, j'ai complètement décroché sur la suite de sa filmo...

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