Pour retrouver des
sous-marins nucléaires russe et britannique qui ont mystérieusement disparu,
James Bond fait équipe avec l'agent soviétique Anya Amasova. Leur mission les
conduit à affronter un ennemi redoutable, Requin, un géant de près de deux
mètres vingt quasiment indestructible et armé d'une mâchoire en acier aussi
coupante qu'un rasoir. 007 devra également affronter Karl Stromberg,
l'employeur de Requin. Stromberg veut se servir des sous-marins nucléaires
qu'il a volés pour détruire le monde et créer une cité sous-marine.
Après les atermoiements et la perte d’identité de la saga
dans Vivre et laisser mourir (1973)
et L’Homme au pistolet d’or (1974), L’Espion qui m’aimait marque le retour
au sommet de James Bond et constitue l’opus majeur de Roger Moore. Les
difficultés vont pourtant s’amonceler en amont avant d’aboutir à cette
réussite. Harry Saltzman - copropriétaire avec Cubby Broccoli de la société EON
dédiée à la production de James Bond – suite à des investissements hasardeux
rencontre de graves problèmes financiers et a mis en balance les actions d’EON
pour payer ses dettes (il finira par vendre 50 % de ses parts à United Artist),
empêchant la mise en production de l’opus suivant. Cubby Broccoli devenu seul
maître à bord décide d’adapter le roman de Ian Fleming The Spy who loved me en vue d’en faire le Bond suivant mais l’auteur
insatisfait de son ouvrage fit inclure à la vente des droits une clause
stipulant qu’hormis le titre aucun élément ne devait en être utilisé dans un
possible film. Parallèlement le producteur Kevin McClory intente un procès à
Broccoli dont le verdict interdira l’utilisation du SPECTRE et du méchant
emblématique Blofeld qu’il estime avoir créé dans Opération Tonnerre (1965) – et il faudra attendre le bien nommé Spectre (2014) pour que Bond sous les traits
de Daniel Craig retrouve enfin son vieil ennemi.
Toutes ces contraintes rendent l’écriture du script
laborieuse et Guy Hamilton initialement envisagé finit par jeter l’éponge à la
réalisation (une bonne nouvelle au vu de la médiocrité de ses contributions
hormis Goldfinger (1964)) au profit
de Lewis Gilbert de retour dix ans après son flamboyant On ne vit que deux fois (1967). Hormis John Barry en bisbille avec
le fisc anglais, L’Espion qui m’aimait
est donc le Bond au retour aux sources avec les collaborateurs historiques (Ken
Adam en tête aux décors) mais aussi d’une trame et de péripéties archétypales
de Bond mais remises au goût du jour. Le postulat est ainsi une version marine
de celui spatial de On ne vit que deux
fois avec ce tanker avalant des sous-marins russes et anglais. Le pré-générique
reprend la poursuite à ski de Au service secret de sa majesté (1969) mais avec en point d’orgue cet extraordinaire saut
dans le vide qui voit Bond ouvrir un parachute aux couleurs de l’Union Jack
dans la blancheur des Alpes. Ce qui évite la redite, c’est que sous l’égide de
Lewis Gilbert (qui a amené son scénariste Christopher Wood) le film est
désormais idéalement calqué à la personnalité de Roger Moore.
L’acteur se
cherchait encore jusque-là en essayant de réitérer l’incarnation menaçante de
Sean Connery. Il devient ici enfin ce Bond au flegme british plein d’humour et
adepte du bon mot, un viveur séduisant mais capable de retrouver l’efficacité
de l’agent aguerri à tout moment. L’idée de lui adjoindre l’agent russe Anya
Amasova (Barbara Bach) est donc excellente, puisque ce pendant féminin l’oblige
à démontrer ses aptitudes dans une saine concurrence tout en jouant de ce côté
suave et séducteur tout au long de l’intrigue. Le film trouve ainsi un juste
équilibre (perdu dès l’opus suivant où Moore se montrera un peu trop farceur) entre
sérieux et humour, tant dans les saillies spirituelle de Bond, sa décontraction
face au danger (les clins d’œil complice à Caroline Munro durant la
course-poursuite en Sardaigne) que dans la caractérisation du henchman Requin (Richard Kiel) tour à
tour terrifiant et ridiculement pataud.
Les personnages féminins forts n’avaient pas manqués
jusque-là dans la saga mais étaient le plus souvent des antagonistes (la
pulpeuse et impitoyable Fiona Volpe d’Opération
Tonnerre) ou un peu à part comme la Tracy de Au service secret de sa majesté. C’est donc un vrai geste d‘ouverture
d’offrir à Bond une alliée qui est son égale, le contexte machiste rendant
encore ce fait incongru (la dernière partie dans le sous-marin où elle est la
seule femme et trouble l’équipage). Barbara Bach incarne par son élégance sexy,
son autorité naturelle et son esprit cette idée d’un Bond au féminin (notamment
dans sa remarquable scène d’introduction créant la surprise de voir une femme
dans ce registre) mais il lui manque clairement des scènes où il fait également
montre d’aptitudes physiques crédibles. Avec Lewis Gilbert on retrouve l’ampleur
et l’élégance qui faisait la réussite de On
ne vit que deux fois. Le réalisateur sait constamment mettre en valeur la
beauté et le gigantisme d’un cadre naturel ou d’un décor, que ce soit dans l’action
ou dans une pure veine contemplative.
La bagarre sur le toit d’une maison
laisse ainsi voir des vues majestueuses du Caire, la fabuleuse traque dans les
pyramides durant un spectacle son et lumière alterne grandiose et terreur
relevant presque de l’épouvante par les éclairages baroques qui révèlent
Requin. Le romantisme s’immisce dans la marche forcée en plein désert pour Bond
et Anya (et où se glisse astucieusement le thème de Lawrence d’Arabie). Cette volonté fonctionne encore mieux quand il
s’agit de filmer l’invraisemblable inhérent à un James Bond. La découverte de
la cité sous-marine de Stromberg est un grand moment de suspension, tout comme
le choix des cadres pour montrer la sophistication des intérieurs avec ses
vitres donnant sur la faune sous-marine accompagnée de musique classique. Le
tanker gobeur de sous-marin vaudra une nomination aux Oscars à Ken Adam pour ce
décor monumental et qui eut l’insigne honneur – le temps d’une journée où le
directeur photo Claude Renoir était malade – d’être éclairé par Stanley Kubrick
venu rendre visite à son ami.
Le décorateur adapte son style au 70’s où après
les designs anguleux et étouffant de ses précédents Bond il choisit des formes
plus arrondies exprimant la fausse utopie et la folie/solitude de Stromberg
(Curd Jurgens correct mais un peu trop statique) notamment Atlantis, véritable
monstre surplombant les océans. Au final nous avons donc un épisode inventif (la Lotus
Esprit amphibie, gadget inoubliable et scène mémorable) et rafraîchissant dans
sa redite, tous les éléments de la formule Bond ayant été revus à bon escient à
l’aune de l’époque (notamment le score au élans disco de Marvin Hamslisch qui supplante brillamment John Barry et signe l'une des plus belles chanson de la saga avec Nobody does it better chanté par Carly Simon) et de son interprète enfin maître de son incarnation du
personnage. Le film sera un triomphe commercial qui réinstallera Bond au
sommet. Le générique de fin annonce que James Bond reviendra dans Rien que pour
vos yeux, mais cette nouvelle embellie demandait un épisode plus fou. Ce sera
Moonraker avec toutes les qualités de son prédécesseur mais aussi de nouveaux
défauts.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Fox
bonjour. Vu hier. Décors grandioses (un des atouts du film grace au grand Ken Adam) poursuites spectaculaires et scènes d'action explosives qui compensent l'insuffisance des acteurs. Barbara Bach, sexy mais trés mauvaise actrice et Jurgens, statique, comme vous dites, joue son rôle comme celui d'un général nazi. Un excellent divertissement tout de même.
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