Dans un monde dominé
par les chaussures masculines, les talons hauts féminins ont interdiction de
travailler. Les chaussures nouvellement nées sont destinées à être transformées
en mâles afin de pouvoir travailler dans une usine.
Après la découverte cette année du remarquable Have a nice day, She est l’occasion de découvrir un autre versant de l’animation
indépendante chinoise. C’est le canal idéal pour les œuvres « à
message » de cette animation chinoise, les moyens limités stimulant
l’imagination et le propos de ses créateurs. Il s’agit là du premier long-métrage
de Zhou Shengwei après une série de
courts remarqués et se caractérisant par leur sens de la dérision et de
l’absurde. On retrouve de cela dans She
à travers un environnement oppressant et un propos captivant animé en
stop-motion.
Le réalisateur a conçu un univers surréaliste à partir d’un
recyclage massif d’objets du quotidien et nécessitant près de 58 000
photos. Nous plongeons dans un monde industriel totalitaire et machiste où des
chaussures masculines imposent leur volonté à des talons hauts féminins. Le
motif de la répétition laisse découvrir les codes de ce cadre glacial dont la
seule émotion vient des talons féminins
littéralement entravés. La féminité est une anomalie à éteindre, la figure
masculine carnassière sombre de la chaussure étouffant les talons rouge (aux
contours) féminins à travers plusieurs motifs. « L’inhumanité »
masculine se conjugue à une froideur industrielle qui assujetti une féminité
incarnant la nature avec cette végétation qui lui pousse, et que l’oppresseur
veut remplacer par des boulons. La bande-son faite d’onomatopées exprime aussi
cette opposition avec les bruits sourds et le grognement de la chaussure homme
face à la vulnérabilité des talons qui passe par une nuance formidablement
travaillées d’expressions – sous l’aspect au premier abord répétitif.
Le réalisateur déploie plusieurs tableaux où cet
affrontement schématique où la modernité cède systématiquement à la nature
représentée par le talon féminin, comme une force ancestrale qui se régénère à
chaque éradication. Ce simplisme parvient pourtant à être dépassé quand
approche la conclusion, l’ivresse du pouvoir n’ayant finalement pas de sexe et
menant à un même capitalisme aveugle. Le foisonnement d’idées du réalisateur
suscite une émotion constante mais dessert un récit qui tire en longueur une
matière trop ténue pour une durée de 1h30. Il ‘en reste pas moins une première
œuvre originale et prenante.
Découvert à L'étrange Festival et donc encore inédit
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