Carla Moran voit son
quotidien bouleversé lorsqu'une entité invisible la tourmente et la viole à
plusieurs reprises, la laissant marquée physiquement. Des psychiatres se
penchent sur son cas, puis, devant le peu de résultats, des spécialistes des
événements surnaturels (UCLA) tentent d'aider la jeune femme.
L’Emprise est une
proposition singulière qui s’inscrit dans la continuité du mélange entre
horreur et pyrotechnie de blockbuster amorcée par des œuvres tel que L’Exorciste de William Friedkin (1973)
et Poltergeist de Tobe Hooper (1982).
C’est pourtant quand il reste dans le drame intimiste et possiblement
surnaturel que le film captive plutôt que dans le spectaculaire. Cela repose
sur la base réelle du récit qui vit la mère de famille Doris Bither attaquée violemment
par une entité invisible plusieurs fois devant témoins. Sidney J. Furie s’attache
ainsi dans la remarquable première partie au véritable drame humain vécu par
Carla Moran (Barbara Hershey) dont le quotidien vire au cauchemar avec les
assauts de cette force invisible.
Le réalisateur fait longuement durer les
moments du quotidien familial comme intime de la jeune femme pour mieux les
faire vriller par la férocité de l’esprit frappeur – et la bande-son bruitiste
de Charles Bernstein. Ces dérapages du réel sont d’autant plus dérangeant par
leur nature sexuelle où l’entité viole à plusieurs reprises l’héroïne. Furie
renoue avec tout l’arsenal filmique expérimental qui le rendit célèbre avec Ipcress, danger immédiat (1965). Les
cadrages improbables interrogent sur la notion de point de vue (vision de l’esprit
maléfique ou d’une Carla schizophrène voyant les évènements de manière
extérieure), tout comme le jeu sur les focales et la profondeur de champs.
Carla se trouve ainsi par un subtil jeu sur le zoom et la composition d’image
en avant-plan par rapport à son interlocuteur quand elle se confie sur les
attaques ou lorsqu’un protagoniste vient constater les ravages d’une agression
(ce plan de sa jambe alors que son fils entre dans la chambre après la première
attaque) comme pour signifier une distance mentale avec son entourage et donc
une folie latente. Tous le lourd bagage intime de Carla (victime d’inceste
enfant, toujours liée à des amants destructeurs) contribue à cette
interprétation mais la nature impressionnante des manifestations et l’interprétation
habitée et poignante de Barbara Hershey contribue à maintenir l’ambiguïté.
Le film offre ainsi pendant un temps un habile mélange entre
Répulsion de Polanski (pour l’interprétation
d’une folie) et Poltergeist (pour l’acceptation du fantastique). Les
remarquables scènes de dialogues avec le psychologue joué par Ron Silver
soulèvent des pistes passionnantes où les deux voies s’accordent à la psyché
perturbée de Carla. Furie aura même coupé une scène fort provocante de rêve où
Carla a des désirs incestueux envers son fils, soit façonnée par l’entité, soit
manifestation des désirs coupables secrets de notre héroïne. Malheureusement à
mi-parcours (et respectant le fait divers réel) le scénario rompt la double
lecture pour accepter explicitement le surnaturel puisque d’autres témoins
verront les manifestations de l’entité. Alors que les assauts initiaux relève d’effets
spéciaux « physique » bougeant ou détruisant les objets du quotidien
(et ainsi laisser suggérer qu’ils ont pu l'être par une Carla folle), on
a ensuite de purs effets visuels pour illustrer la présence de l’esprit. Dès
lors c’est l’ennui poli, le malaise disparaissant pour les seuls effets de
manche pyrotechniques typiques de l’époque avec des péripéties similaires à Poltergeist (les parapsychologues et
leurs attirail plus ou moins scientifique) et que recyclera plus tard James Wan
dans Insidious et Conjuring (2013).
Les scènes chocs ne
fonctionnent pas à force de trop montrer, l’exemple le plus flagrant étant les
deux agressions sexuelles explicites du film. Dans la première, Carla a un
orgasme en étant caressée dans son sommeil et Furie change soudain d’angle pour
montrer sa poitrine nue malaxée par des mains invisibles. Pourtant à son réveil
Carla a de nouveau les boutons de sa chemise de nuit fermés et ressent une
culpabilité à avoir eu du plaisir à ses attouchements plus ou moins réel. On
perd toute cette finesse avec la seconde attaque dévoilant (au spectateur et à
un autre personnage alors que la première scène restait solitaire et ambiguë)
où le corps entière nu de Carla nous est dévoilé tandis les contorsions de l’animatronic
révèlent les mains baladeuse de l’entité. Le final Grand-Guignol (et une toute
dernière scène où l’entité parle carrément) achève de briser les belles
promesses initiales, le film semblant un peu victime de son époque de
production qui empêche un traitement radical assumé dans le malaise. Le seul cheminement intime suffisait à en faire un grand film, aux échos féministes passionnants. L’Emprise fera tout de même son effet à
sa sortie, remportant un Prix d’interprétation mérité pour une incroyable
Barbara Hershey à Avoriaz.
Sorti en dvd zone 2 français chez Fox
Film pas mal du tout, oui !
RépondreSupprimerBarbara Hershey y est au top !
On l'avait critiqué aussi ici :
http://ilaose.blogspot.com/2008/12/lemprise.html
Mais je te rejoins tout à fait sur tes réserves. Quand je l'ai vu, la toute fin m'avait vraiment semblé débile !
RépondreSupprimerHé hé très drôle votre critique et bien vue ! Sinon oui dommage pour le final over the top alors que tant qu'on reste dans un périmètre et des actions restreintes c'est sacrément anxiogène. Ca vieilli le film inutilement alors que la sobriété est le point fort.
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