Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 18 décembre 2012

Love Unto Wastes - Stanley Kwan (1986)


Trois jeunes femmes originaires de Taiwan débarquent à Hong Kong avec la ferme intention de devenir célèbre. Elles font la connaissance d’un jeune homme dans un bar avec qui elles se lient d’amitié et partagent des moments d’intimité. Jusqu’au jour où l’une d’entre elles est retrouvée morte. Un inspecteur de police mène l’enquête et cherche à comprendre ce qui liait réellement les quatre amis profondément affectés par la disparition de la jeune femme.

Deuxième réalisation de Stanley Kwan, Love Unto Waste est un poignant récit intimiste qui annonce les grandes réussites à venir du réalisateur dans une veine plus brute. Les deux grands chefs d'œuvre de Stanley Kwan Rouge et Center Stage traitait des liens impossible à nouer par les individus soumis à un environnement oppressant et néfaste. Dans Rouge le clivage social empêche l'épanouissement amoureux du fils de bonne famille joué par Leslie Cheung et la prostituée Anita Mui, la douleur de la séparation se prolongeant dans le temps et l'au-delà.

Center Stage relatait dans une forme hybride les tourments de la star de cinéma chinoise Ruan Lingyu (jouée par Maggie Cheung) que la pression du vedettariat allait pousser au suicide. Le cadre environnant et la lâcheté masculine ordinaire était la cause de la perte de poignant personnages féminins écorchés vif comme seul Stanley Kwan sait les dépeindre. Tous ces élément sont présents dans ce Love Unto Waste mais par une stylisation moins marquée et un cadre contemporain dont les questionnements s'avéraient en phase avec la jeunesse hongkongaise.

Le film est divisé en deux parties similaires et distinctes à la fois où l'on assistera à l'amitié et les chamboulements amoureux d'un groupe de personnage stoppé par le spectre de la mort à chaque fois. La première partie narre la rencontre entre Tony Cheung (Tony Leung Chiu Wai) jeune fils à papa oisif et les trois amies Billie (Irene Wan) jeune mannequin introvertie et mystérieuse, Suk Ping (Elaine Jin) aspirante actrice se rêvant nouvelle Brigitte Lin et Su Ling (Tsai Chin) chanteuse de bar dont la carrière n'a pas décollé.

Tous sont frustrés à leur manière notamment Suk Ping et Su Ling ayant émigrées de Taiwan la tête pleine de rêves et confrontés à la dure réalité tandis que Tony ne goute guère le destin (et l'épouse) toute tracée promise par l'entreprise de vente de riz de son père. La gravité du fond se mêle à une joie et insouciance juvénile où se tisse le lien entre les protagonistes à travers des moments légers et amusant (la première rencontre éméché dans le bar, la soirée d'anniversaire) même si le marivaudage amoureux latent jette déjà les bases des conflits venir. L'intrigue bascule avec la mort inattendue de Su Ling dont l'assassinat fait faussement bifurquer le film vers le policier.

Ce sera au contraire l'occasion d'introduire une autre solitude plus pathétique encore avec l'inspecteur incarné par Chow Yun Fat. L'insistance de ce dernier à se lier au trio d'amis se moque des structures à la Columbo pour réellement insister sur la solitude de cette homme se raccrochant à des êtres aussi perdus que lui qu'il a reconnu comme tel. Un profond spleen traverse le film où le malaise introspectif provoque plus de tristesse que les drames manifestes (dont un avortement) à travers le renoncement que semble véhiculer les personnages.

Les fulgurances passionnées sont magnifiquement filmées par Kwan (la scène d'amour sous un torrent de riz, l'étreinte consolatrice entre Tony et Suk Ping) mais ne débouche sur rien, les héros ne s'étant guéri que pour un temps mais surtout plongée dans leur mélancolie égoïste. Tony Leung Chiu Wai tout jeunot personnifie déjà les figures d’hommes faibles à venir à travers cet homme indécis et papillonnant, tout comme Irene Wan trop distante.

La plus poignante est Suk Ping dont Elaine Jin délivre une prestation passionnée et sincère, seule héroïne maintenant une flamme, une fois en l'avenir professionnel et un futur amoureux mais la déception sera aussi au rendez-vous. Belle découverte que cette actrice qui semble-t-il n'a pas fait une grande carrière à Hong Kong par la suite.

L'épilogue est d'une rare noirceur en dénouant toutes les attaches et montrant le destin cruel de Chow Yun Fat (loin des grands héros virils à venir chez John Woo et d'autres il est étonnant de fragilité et de retenue) dans une ultime scène où l'image floutée tisse un des seuls moments de confidences sincère tout en le figeant dans l'éphémère de cette blancheur hospitalière mortelle. Beau film traversé d'un mal être urbain où Hong Kong est un personnage à part entière. Le meilleur était pourtant encore à venir pour Stanley Kwan dès l'année suivante avec flamboyant Rouge.

Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo dans un coffret réunissant Center Stage et Rouge déjà évoqué sur le blog.


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