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jeudi 17 septembre 2015

Prima della rivoluzione - Bernardo Bertolucci (1964)

Fabrizio, digne représentant de la haute bourgeoisie de Parme, vient de rompre avec Clelia. Influencé par l’un de ses amis, l’instituteur Cesare, il se laisse tenter par les idées marxistes. Agostino, un jeune homme qui s’est enfui de chez ses parents, recherche l’amitié de Fabrizio. Mais ce dernier ne peut l’héberger, car sa tante, Gina, vient lui rendre visite. Créature névrosée entourée d’amants, Gina parvient à le séduire...

Second film de Bernardo Bertolucci après l’inaugural La commare secca (1962), Prima della rivoluzione est pourtant souvent considéré comme sa vraie première œuvre car réellement imprégnée de ses thèmes personnels. En ce début des années 60, Bernardo Bertolucci comme nombre de jeunes gens d’alors est imprégné d’une conscience politique forte se manifestant par son appartenance au Parti Communiste. Les clivages d’alors n’appellent pas à la demi-mesure et provoquent forcément des tiraillements chez certains militants moins « légitime » par leurs origines. Bertolucci, fils du poète Attilio Bertolucci, est ainsi issu de la bourgeoisie intellectuelle italienne et en dépit de ses convictions sincères semble se trouver en porte à faux face au rigorisme du Parti. Il exprimera donc ses doutes et son rapport complexe au communisme dans le très autobiographique Prima della rivoluzione, œuvre à la fois romanesque et intellectuelle librement inspirée de La Chartreuse de Parme de Stendhal.

Fabrizio (Francesco Barilli) est un jeune de la haute bourgeoisie de Parme et qui semble se rebeller contre cet héritage par une adhérence exaltée au marxisme. Dès les premiers instants, le fond et la forme adopté par Bertolucci semble pourtant interroger cet engagement ne fonctionnant que par le discours. Il pilonne ainsi de slogans stérile le jeune fugueur Agostino (Allen Midgette) plutôt que de réellement l’aider matériellement et causant ainsi sa perte. La voix-off maniérée et les attitudes outrées de Fabrizio dans la scène d’ouverture témoignent ainsi de son penchant à l’introspection jamais très loin du narcissisme comme il se séparera de sa fiancée Clelia (Cristina Pariset). Sa seule vraie transgression ne sera donc pas politique mais morale lorsqu’il entamera une liaison scandaleuse avec sa tante Gina (Adriana Asti)  en visite – les futures thématiques incestueuses de La Luna (1979) s’amorçant ici. 

Le film est d’une dualité constante, voulue mais parfois aussi maladroitement involontaire, entre dimension charnelle et intellectuelle. Lorsque ce parti pris est réussi, le frisson du romantisme flamboyant et des scènes charnelles audacieuses fonctionne pleinement. La mise en scène de Bertolucci épouse l’abandon au sens de ses personnages avec brio tout en la ramenant vite à travers le regard de Fabrizio à une facette « réfléchie » (Fabrizio observant Gina se rhabiller après l’amour). La sophistication visuelle amènera toujours une certaine distance témoignant de cette superficialité de Fabrizio dont les penchants narcissiques se complètent parfaitement au caractère torturé de Gina pour constituer un vrai couple autodestructeur. Même dans les moments les plus charmants (Gina séduisant Fabrizio en portant de multiples paires de lunettes, les retrouvailles sur la grande place sur fond de variété italienne), ce sentiment subsiste et ne semble faire de la romance qu’une expérience, un rite de passage.

Dans Le Conformiste (1970), le héros adhérait au fascisme pour se fondre dans le moule et fuir un traumatisme initial. Fabrizio cherche lui à se démarquer par ses thèses marxistes son engagement repose tout autant sur un édifice fragile. Pire, sa jeunesse ne nourrit même pas cette vocation politique d’une vraie expérience personnelle et notre héros se contente ainsi de débiter les grandes citations, mais sans l’assurance de son mentor Cesare (Morando Morandini). Le propos est donc passionnant mais Bertolucci se perd par moment, l’esthétique alternant entre somptueux (la photo magnifique d’Aldo Scavarda notamment lors de la séquence en campagne à l’imagerie impressionniste) et un côté chichiteux qui amène finalement par l’image ce même côté réfléchi et superficiel reproché au personnage principal. 

La forte influence de la Nouvelle Vague (et plus précisément À bout de souffle auquel on pense souvent) et les dialogues lourdement référencés reprenant certains débats issus des pages des Cahiers du Cinéma démarquaient certes le film de la production italienne d’alors mais témoigne ainsi d’un certain manque de personnalité. Bertolucci avoue d’ailleurs dans l’entretien issus du livret du dvd cherchait à affirmer à quel point il se sentait plus un cinéaste français qu’italien à l’époque. La réflexion prime donc peu à peu sur le romanesque en dépit de la prestation magnifique d’Adriana Asti, provoquant un certain ennui dans la seconde partie quand la première tenait d’un équilibre idéal. L’émotion du pourtant terrible renoncement final n’est ainsi pas totalement satisfaisante car diluée par les effets trop appuyé du réalisateur. En dépit de ses maladresses, un essai passionnant qui saura parler à la jeunesse française de Mai 68 se reconnaissant dans les déchirements de Fabrizio. 

Sort en dvd zone 2 français chez Tamasa

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