À la demande d'un
prêtre, le professeur Birack et plusieurs de ses étudiants entreprennent
d'étudier un mystérieux cylindre de verre conservé dans une église désaffectée
de Los Angeles. Les analyses de ces scientifiques les conduisent à penser que
le liquide vert prisonnier de ce cylindre n'est autre que le fils de Satan
attendant sa libération. Lorsqu'ils s'assoupissent, ils font tous le même rêve
qui est en réalité un message envoyé par des scientifiques du futur les
enjoignant à tout mettre en œuvre pour empêcher le Prince des ténèbres de
revenir sur Terre.
L’échec injuste de son survolté Les
Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin (1986) aura scellé
les velléités de John Carpenter de devenir un réalisateur de studio populaire
et rentable au box-office. Il viendra ainsi noyer son amertume dans Prince des ténèbres, une de ses œuvres
les plus sombres et s’inscrivant au sein de sa filmographie dans « la trilogie
de l’apocalypse » avec le glaçant The Thing (1982) et le vertigineux L’Antre
de la folie (1995). Ce cycle constitue la quintessence des thématiques de
John Carpenter, capturant dans une inspiration à la Lovecraft la notion d’un
mal indéfini et insaisissable issu de mondes inconnus, qu’il soit
extraterrestre (The Thing),
religieux et/ou inter dimensionnel (Prince
des ténèbres) ou issu d’un esprit dément (L’Antre de la folie). Prince
des ténèbres paie son tribut à la saga des Quatermass et plus
particulièrement le troisième volet Quatermass and the Pit (1967), Carpenter se créditant même en tant que Martin
Quatermass au scénario. Le film reprend donc le mélange de science et
fantastique de la saga de la Hammer avec son enjeu alarmiste voyant un groupe
de scientifiques réunit pour empêcher l’émergence d’une entité maléfique.
Carpenter entrecroise donc mysticisme religieux (l’entité
étant supposée être le fils de Satan endormi depuis des siècles), surnaturel et
occultisme façon Lovecraft (l’aspect « autre" de l’entité et ses origines
inconnues) et semblant de rigueur scientifique à travers les moyens très
concrets des protagonistes d’étudier la chose. Il soulève ainsi avant que les
évènements s'enchaînent une angoisse latente répondant aux terreurs secrète de chacun, le
croyant y voyant une manifestation de l’apocalypse biblique, les esprits
ouverts une menace inconnue et les cartésiens une énigme qu’ils ne peuvent
expliquer. L’interprétation inégale fait plus ou moins bien fonctionner ces
situations dans les dialogues mais la force évocatrice de la mise en scène de
Carpenter parvient à en imprégner le spectateur. L’alliance de toutes ces peurs
troublera même les repères de chacun, le professeur Birack (Victor Wong)
adhérant à la spiritualité qu’éveille la situation tandis que le père Loomis
(Donald Pleasence) reniera un temps sa foi ébranlée par ces découvertes.
Carpenter ne s’attarde pas plus que de raison sur cette dimension réflexive
pour privilégier l’atmosphère pesante de son récit.
Cette notion de mal sans
visage aura su prendre une imagerie innommable avec le monstre transformiste de
The Thing , le masque sans expression
du tueur d’Halloween (1978) ou les
assaillants réduits à des silhouettes de Assaut
(1976) et Carpenter l’introduit progressivement ici par le malaise ressenti dès
les premières minutes. L’oppressant score synthétique accompagnant l’imagerie
crépusculaire, la mélancolie se dégageant de l’amorce de romance semble déjà
nous faire comprendre que le temps est compté. Le réalisateur exacerbe cette
facette dès que s’instaure le huis-clos ou ce ressenti se concrétise peu à peu,
le mal attirant les âmes perdues (ce groupe de sans-abris mené par Alice
Cooper), agit sur les éléments (les nuées d’insectes se collant à l’église
abandonnée) et justifiant enfin la vision fascinante de l’entité maléfique.
Le ton est pesant et désespéré mais le film s’avère inégal
lorsqu’il s’agira de manifester cette présence du mal. Quelques moments
réellement dérangeant n’atténue pas complètement le côté un peu cheap des
contaminations et certaines bagarres balourdes, le budget restreint se
ressentant grandement dès qu’il cherche à en montrer un plus quand la pure
retenue rendait le tout terrifiant. La seul vision de cette matière emprisonnée
suffisait à fasciner et c’est quand il esquisse l’horreur se trouvant « de
l’autre côté du miroir » que la terreur peut surgir dans les derniers
instants.
La mise en scène rattrape les petits défauts (la gestion du scope et
la manière d’y faire surgir le danger par la profondeur de champs impressionne
plus d’une fois), certains effets gore sont du plus bel effet (l’écorchée vive
peu ragoutante) et certains débordement sont réellement inattendus comme
l’usage tout personnel que fera Alice Cooper d’un vélo. Une œuvre imparfaite et
la plus faible de la trilogie de l’apocalypse mais une belle démonstration de
la capacité de Carpenter à glacer le sang dans un de ses films les plus
personnels.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal
Justin, ton stakhanovisme éclectique est un vrai bonheur !!
RépondreSupprimerMerci pour ce commentaire fouillé sur Prince of Darkness, un film dont je n'épuise jamais le(s) sens à chaque vision, mais je ne cherche jamais très loin et c'est le flux du film qui l'emporte, pour info J.Carpenter s'intéressait à la physique quantique à l'époque du film, intérêt qui pointe dans le film avec le personnage de l'entité maléfique qui est dans un univers parallèle, de l'autre coté du miroir ?? Je trouve les scènes avec les insectes 'sous contrôle' assez impressionnantes, même si elles ne sont pas vraiment expliquées ..c'est peut-être pour ça aussi d'ailleurs.
Et je suis d'accord, Jack Burton est un excellent film d'aventure fantastique, les effets spéciaux sont très réussis (les batailles) et au niveau fun, je le place largement au dessus d'Indiana Jones for exemple...
RépondreSupprimerEt oui grand fan de John Carpenter qui est très bien représenté sur le blog ;-). Prince des ténèbres est vraiment un des plus terrifiant justement grâce à ce mélange entre science rigoureusement et convocation de peurs indicibles à la Lovecraft ça fonctionne du tonnerre. Et effectivement les quelques passages à insectes sont grâtiné. En horreur peur de lui mon préféré reste "The Thing" mais un sacré morceau. As tu vu la trilogie des Quatermass produit par la Hammer ? C'est vraiment une des grosses inspiration de Carpenter sur Prince des ténèbres avec ce même mélange scientifique/occultes ça pourrait vraiment te plaire surtout le 3e Quatermass and The Pitt. J'en parlais là
RépondreSupprimerhttp://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2015/07/le-monstre-quatermass-xperiment-val.html
http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2015/07/la-marque-quatermass-2-val-guest-1957.html
http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2015/07/les-monstres-de-lespace-quatermass-and.html
Il me semble avoir déjà vu ces chroniques quelque part, sur le forum de DvdClassik par exemple ?? ...
SupprimerEt oui alias Profondo Rosso ^^ j'avais oublié que tu m'avais demandé des avis dessus là-bas c'est vrai !
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