Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 15 septembre 2015

Girl with green eyes - Desmond Davis (1964)

La première douloureuse expérience amoureuse d'une jeune fille qui jette son dévolu sur un écrivain quadragénaire et marie. Sortant d'une école tenue par des religieuses, Kate vit à Dublin avec une amie, et devient la maitresse d’Eugène Gaillard. Mais celui-ci se lasse de Kate qui n'est pour lui qu'une gamine...

Le mouvement du Free Cinema ne s'intéressa pas qu'aux états d'âmes des "angry Young men" mais aussi à l'émancipation des jeunes filles avec ce beau Girl with green eyes. Le film est l'adaptation du roman The Lonely Girl de Edna O'Brien (qui en signe également le scénario), deuxième volet de sa trilogie consacrée aux Filles de la campagne. Edna O'Brien bousculait les mœurs archaïques de la société irlandaise avec cette série d'ouvrage qui dépeignait l'émancipation de Baba et Kate, deux jeunes filles quittant leur campagne irlandaise pour vivre s'installer à Dublin. La modernité du sujet et la liberté de ton des romans provoquèrent un scandale en Irlande notamment par les descriptions sans fard des aventures sexuelles de ses héroïnes. Le film de Desmond Davis est produit deux ans après la parution du roman sous le patronage d'un des maître du Free Cinema, Tony Richardson (Un goût de miel (1961) et La Solitude du coureur de fond (1962) sur lesquels Desmond Davis fut directeur photo).

Kate (Rita Tushingham) et Baba (Lynn Redgrave) sont donc deux jeunes filles ayant à la fois échappé à une existence austère de la vie rurale irlandaise mais aussi de leur éducation en couvent pour venir s'installer à Londres. La délurée Baba suit une formation de dactylo tandis que la plus rêveuse Kate travaille dans une épicerie, le tout au rythme des bals populaire et des sorties insouciantes avec des jeunes hommes tout aussi insouciant. Tout bascule pour Kate avec la rencontre d’Eugene Gaillard (Peter Finch), un homme plus âgé et fascinant qui réveille tous les fantasmes romanesques de la jeune fille. Edna O'Brien qui s'éveilla au monde extérieur par la lecture et se rebella contre ses parents s'identifie donc clairement à Kate, notamment par la description de son attrait pour la lecture puisque l'on voit le personnage lire Tendre est la nuit de F. Scott Fitzgerald et citer James Joyce.

Après une première rencontre en campagne, c'est d'ailleurs en recroisant Eugene dans une librairie qu'elle tombera définitivement sous le charme et le poursuivra de ses assiduités. La fougue et l'innocence de Kate vont pourtant se confronter au caractère taciturne d’Eugene, sous le charme mais après un divorce ne préférant pas s'impliquer dans une romance. Leur apprivoisement mutuel offre certains des plus beaux moments du film, Desmond Davis multipliant les belles idées formelles comme l'invitation écrite de Kate s'incrustant à l'image, le montage faisant rebondir la continuité d'un dialogue d'un lieu à l'autre (effet typique du cinéma moderniste des 60's) ou cette magnifique entrevue au crépuscule face à la mer. Les hésitations de Kate avant sa "première fois" offre de jolis moments aussi, l'expérience ironique et bienveillante de Eugene se complétant à merveille de la maladresse juvénile de Kate.

Le plus grand obstacle à cette romance sera pourtant les entraves de cette société irlandaise où Edna O'Brien renvoie dos à dos les milieux populaires comme nantis. Pour les premiers, la médisance causera les premiers troubles à travers les regards inquisiteurs (une lettre anonyme dénonçant la liaison scandaleuse) et une brutalité archaïque pouvant se réveiller à tout moment, le père de Kate venant avec virulence arracher sa fille à la dépravation de la ville. Kate se confrontera ensuite au snobisme ordinaire et au dédain des amis bourgeois d'Eugene, sa jeunesse et son manque de conversation la renvoyant avec un naturel cruel aux tâches subalternes lors d'une scène anodine.

Tout cela avait été subtilement amorcé en amont tut au long du récit, la fougue de Kate ayant été progressivement éteinte par Eugene plus mentor paternaliste que complice voyant en elle une amante soumise. Kate devra donc apprendre à faire son chemin seule, s'aguerrir par le savoir et l'expérience, par un ailleurs symbolisé par le départ final à Londres lieu de tous les possibles à l'aube du Swinging London. Une belle réussite qui en appellera une plus grande encore deux ans plus tard lors de la seconde collaboration entre Desmond Davis et Edna O'Brien (cette fois sur un scénario original) avec le magnifique I was happy here (1966). Desmond Davis réunira par ailleurs de nouveau le duo Lynn Redgrave/ Rita Tushingham dans Smashing Time (1967) pure comédie pop 60's.

 Sorti en dvd zone 1 chez MGM et doté de sus-titres français

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