La première douloureuse expérience
amoureuse d'une jeune fille qui jette son dévolu sur un écrivain
quadragénaire et marie. Sortant d'une école tenue par des religieuses,
Kate vit à Dublin avec une amie, et devient la maitresse d’Eugène
Gaillard. Mais celui-ci se lasse de Kate qui n'est pour lui qu'une
gamine...
Le mouvement du Free Cinema ne s'intéressa pas qu'aux états d'âmes des "angry Young men" mais aussi à l'émancipation des jeunes filles avec ce beau Girl with green eyes. Le film est l'adaptation du roman The Lonely Girl
de Edna O'Brien (qui en signe également le scénario), deuxième volet de
sa trilogie consacrée aux Filles de la campagne. Edna O'Brien
bousculait les mœurs archaïques de la société irlandaise avec cette
série d'ouvrage qui dépeignait l'émancipation de Baba et Kate, deux
jeunes filles quittant leur campagne irlandaise pour vivre s'installer à
Dublin. La modernité du sujet et la liberté de ton des romans
provoquèrent un scandale en Irlande notamment par les descriptions sans
fard des aventures sexuelles de ses héroïnes. Le film de Desmond Davis
est produit deux ans après la parution du roman sous le patronage d'un
des maître du Free Cinema, Tony Richardson (Un goût de miel (1961) et La Solitude du coureur de fond (1962) sur lesquels Desmond Davis fut directeur photo).
Kate
(Rita Tushingham) et Baba (Lynn Redgrave) sont donc deux jeunes filles
ayant à la fois échappé à une existence austère de la vie rurale
irlandaise mais aussi de leur éducation en couvent pour venir
s'installer à Londres. La délurée Baba suit une formation de dactylo
tandis que la plus rêveuse Kate travaille dans une épicerie, le tout au
rythme des bals populaire et des sorties insouciantes avec des jeunes
hommes tout aussi insouciant. Tout bascule pour Kate avec la rencontre
d’Eugene Gaillard (Peter Finch), un homme plus âgé et fascinant qui
réveille tous les fantasmes romanesques de la jeune fille. Edna O'Brien
qui s'éveilla au monde extérieur par la lecture et se rebella contre ses
parents s'identifie donc clairement à Kate, notamment par la
description de son attrait pour la lecture puisque l'on voit le
personnage lire Tendre est la nuit
de F. Scott Fitzgerald et citer James Joyce.
Après une première
rencontre en campagne, c'est d'ailleurs en recroisant Eugene dans une
librairie qu'elle tombera définitivement sous le charme et le poursuivra
de ses assiduités. La fougue et l'innocence de Kate vont pourtant se
confronter au caractère taciturne d’Eugene, sous le charme mais après un
divorce ne préférant pas s'impliquer dans une romance. Leur
apprivoisement mutuel offre certains des plus beaux moments du film,
Desmond Davis multipliant les belles idées formelles comme l'invitation
écrite de Kate s'incrustant à l'image, le montage faisant rebondir la
continuité d'un dialogue d'un lieu à l'autre (effet typique du cinéma
moderniste des 60's) ou cette magnifique entrevue au crépuscule face à
la mer. Les hésitations de Kate avant sa "première fois" offre de jolis
moments aussi, l'expérience ironique et bienveillante de Eugene se
complétant à merveille de la maladresse juvénile de Kate.
Le plus
grand obstacle à cette romance sera pourtant les entraves de cette
société irlandaise où Edna O'Brien renvoie dos à dos les milieux
populaires comme nantis. Pour les premiers, la médisance causera les
premiers troubles à travers les regards inquisiteurs (une lettre anonyme
dénonçant la liaison scandaleuse) et une brutalité archaïque pouvant se
réveiller à tout moment, le père de Kate venant avec virulence arracher
sa fille à la dépravation de la ville. Kate se confrontera ensuite au
snobisme ordinaire et au dédain des amis bourgeois d'Eugene, sa jeunesse
et son manque de conversation la renvoyant avec un naturel cruel aux
tâches subalternes lors d'une scène anodine.
Tout cela avait été
subtilement amorcé en amont tut au long du récit, la fougue de Kate
ayant été progressivement éteinte par Eugene plus mentor paternaliste
que complice voyant en elle une amante soumise. Kate devra donc
apprendre à faire son chemin seule, s'aguerrir par le savoir et
l'expérience, par un ailleurs symbolisé par le départ final à Londres
lieu de tous les possibles à l'aube du Swinging London. Une belle
réussite qui en appellera une plus grande encore deux ans plus tard lors
de la seconde collaboration entre Desmond Davis et Edna O'Brien (cette
fois sur un scénario original) avec le magnifique I was happy here (1966). Desmond Davis réunira par ailleurs de nouveau le duo Lynn Redgrave/ Rita Tushingham dans Smashing Time (1967) pure comédie pop 60's.
Sorti en dvd zone 1 chez MGM et doté de sus-titres français
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