Lors d'une inondation,
tout un village se réfugie dans un couvent, situé sur la colline surplombant la
région. Parmi les personnes déplacées, se trouve une jeune femme, escortée de
deux policiers, qui la conduisent au lieu de son exécution. En effet, elle est
condamnée à mort pour le meurtre de son frère. Une des religieuses, Sœur Mary,
par certains détails, se convainc, petit à petit, de l'innocence de la
meurtrière...
Tempête sur la colline
est le premier film de Douglas Sirk à la Universal, studio où il connaîtra l’apogée
de sa carrière américaine avec une grande série de mélodrame produit par Ross
Hunter et souvent interprété par Rock Hudson. Le parcours qui précède aura été
quelque peu chaotique pour le réalisateur, fuyant l’Allemagne Nazie pour les
Etats-Unis où avant de retrouver les plateaux de cinéma il entamera même une
courte carrière d’éleveur fermier. Comme nombres d’émigrants germaniques comme
Fritz Lang, Sirk loin du prestige et de l’autonomie dont il disposait au sein
du cinéma allemand va devoir apprendre à composer avec le système des studios
hollywoodiens. Le ton, le style et les genres abordés varieront donc durant les
premières années d’un exil pensé comme provisoire mais qui se prolongera. L’apprentissage
sera difficile avec deux seules vraies réussites, L’Aveu
(1944) d’après Tchekhov où il se lie d’amitié avec George Sanders et la
délicieuse fresque historique A Scandal
in Paris (1946).
Las et désireux de retrouver son fils (enrôlé dans les
jeunesses hitlériennes et tombé sur le front russe, un traumatisme qu’il
évoquera dans le superbe Le Temps d'aimer et le Temps de mourir (1958)), Sirk jette une première fois l’éponge en
1949 le temps d’un bref retour en Allemagne. Les retrouvailles avec Hollywood
seront bien plus fructueuse à l’orée des années 50 et donc de sa collaboration
avec Universal où All I Desire (1953)
et surtout Le Secret Magnifique
(1954) entameront le cycle de ses mélodrames flamboyant. Il devra composer à
nouveau entre les genres et se constituer une équipe technique fidèle (Frank
Skinner à la musique, Russell Metty à la photo entre autre) mais signera au
studio quelques productions intéressantes comme ce Tempête sur la colline.
Le film adapte la pièce Bonaventure
de Charlotte Hastings et témoigne du peu de mainmise de Sirk sur ses films à ce
stade de sa carrière américaine. Tempête
sur la colline constitue en effet un très inégal mélange des genres entre
le mélodrame et le suspense policier. Tous les éléments reliés à l’enquête
improvisée (innocenter dans l’urgence une condamnée à mort) sont lourdement
introduits et le spectateur le plus attentif aura résolu le mystère dès la
moitié de l’intrigue par des indices grossiers. L’intérêt reposera donc sur le
sens visuel de Sirk mais aussi ce que l’on repère des classiques à venir dans
la facette mélodramatique du récit. La culpabilité constitue un moteur
essentiel des mélodrames de Sirk, motif d’éveil des protagonistes ou de
déchéance. Rock Hudson indirectement coupable de la mort de l’époux de Jane Wyman change sa manière d’être pour le meilleur dans Le Secret Magnifique (1954).
Barbara
Stanwyck se sent également coupable de son passé indigne dans All I Desire (1953), l’attrait d’ailleurs
ronge Fred MacMurray sur Demain est un autre jour (1955), sans parler du remord de la fille lors des funérailles
qui concluent Mirage de la vie
(1959). Cela peut même relever d’une facette extra-diégétique avec Le Temps d'aimer et le Temps de mourir qui
repose entièrement sur la propre culpabilité de Sirk envers son fils disparu.
On retrouve donc l’aspect positif de cette thématique dans Tempête sur la colline. La bon sens et la droiture morale de Sœur Mary
(Claudette Colbert) l’a autrefois conduite à éloigner sa sœur d’un amant
néfaste mais à conduite cette dernière au suicide. Ce traumatisme l’a amené à sceller
ses vœux de religieuse sans faire disparaitre cette fêlure qui se réveillera
avec la rencontre de Valerie Carns (Ann Blyth) condamnée à mort pour le meurtre
de son frère.
Plus que la poussive enquête policière, c’est donc de la profonde
conviction de Sœur Mary que naîtra le sentiment de l’innocence de Valerie.
Cette croyance qui lui a coûté une sœur va lui permettre de sauver une
malheureuse, la culpabilité servant non pas une faute à oublier mais une bonne
action à mener à son terme. Sirk mise avant tout sur l’humain et l’initiative
individuelle pour réaliser des prouesses. La philosophie divine du Secret Magnifique constituait presque un
pastiche par son imagerie outrancière quand les élans de Rock Hudson étaient
constamment poignants. La grandiloquence religieuse du final de Mirage de la vie, aussi puissante
soit-elle s’effaçait également par l’émotion simple d’une fille pleurant sa
mère.
On trouve déjà cette ambiguïté ici, Sirk offrant des images élégiaques et
envoutante de ce couvent contredites à la fois par les révélations du scénario
mais également par le comportement résolu et inflexible de la Mère Supérieure
ne voyant en la condamnée qu’une âme perdue et coupable. Guidée par son seul
instinct, Sœur Mary va ainsi poursuivre son but pour faire triompher la
justice. Claudette Colbert apporte sa douceur, vulnérabilité et détermination
pour une belle prestation même si la collaboration avec Sirk fut difficile
puisqu’elle lui imposa son chef opérateur William H. Daniels. On sera moins
convaincu par le jeu outrancier et théâtral d’Ann Blyth même si cet aspect
constitue en partie l’illusion de pécheresse que le personnage suscite au
premier abord. Une œuvre intéressante donc, en dépit de ses défauts et bien
que Sirk lui-même la tenait en piètre estime au sein de sa filmographie.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Elephant Films
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