1916 : une cérémonie
funèbre honore la mémoire d'Edgar Brodie, soldat de Sa Majesté et écrivain.
Mais tout cela n'est qu'une mise en scène, car Brodie est un espion qui va se
voir confier une mission prioritaire. Sous le nom de Richard Ashenden, il doit se
rendre en Suisse pour démasquer et abattre un espion allemand. Il est
accompagné du Général, assassin sans pitié et coureur de jupons, et rencontre
sur place Elsa que sa hiérarchie lui a assignée comme épouse. Ils identifient
rapidement un suspect, mais Richard et Elsa tombent peu à peu amoureux et sont
de moins en moins convaincus du bien-fondé de leur mission.
Perdu au milieu des grand classiques de la période anglaise
d’Hitchcock (juste après Les 39 marches
(1935) et un peu avant Jeune et Innocent
(1937) et Une femme disparait (1938)),
Agent Secret est plutôt considéré
comme un opus mineur du maître du suspense. Adaptant un roman de Somerset
Maugham, le film sans atteindre les hauteurs des œuvres précitées s’avère
pourtant fondamental car il définit l’approche à venir d’Hitchcock dans le
cadre du film d’espionnage. Des films comme Les
Enchaînés (1946), La Mort aux trousses (1959) ou le plus tardif L'Étau
(1969) dépeignent ainsi des personnages déchirés entre leurs sentiments et leur
devoir, les romances naissantes ne pouvant survivre à la mission en cours.
Agent Secret
initie cette réflexion du réalisateur par sa description au premier abord
froide et désinvolte du monde de l’espionnage. L’existence d’un agent a peu d’importance
au regard de son devoir, à la manière de Brodie (John Gielgud) dont la mort est
simulée pour lui permettre d’aller incognito traquer un agent allemand en
suisse. La légèreté du ton surprend et préfigure presque la série des James
Bond durant l’introduction, que ce soit l’entrevue avec le chef des services
secret R (Charles Carson), l’acolyte mexicain pittoresque joué par Peter Lorre
et bien sûr le jeu de séduction qui va s’instaurer avec l’agent féminin
débutant Elsa (Madeleine Carroll). Tout ne semble qu’être prétexte aux bons mots
et à une certaine extravagance dans cette vision ludique du renseignement en
dépit des enjeux cruciaux.
L’ombre plane cependant sur cette légèreté de façade, que l’on
peut déjà deviner à travers le personnage de Peter Lorre qui si l’on fait
abstraction de son excentricité rigolard est un psychopathe en puissance (pas
si loin de son M le Maudit) pourtant
situé dans le camp des « gentils ». Le sale boulot demande pourtant
ce type d’individu sans états d’âmes, y compris quand on se trompera de cible
et assassinera un innocent. Elsa au départ vue comme une écervelée en quête de
sensations fortes verra sa détermination ébranlée, tout comme Brodie perdant de
son assurance machiste et les deux vont ainsi se rapprocher. Dans cette idée le
fameux agent s’avérera être le personnage en apparence le plus superficiel. La
mise en scène d’Hitchcock est soumise à cette prise de conscience, se faisant
de plus en plus stylisée au fil des doutes croissant des héros qui constituent
finalement le principal danger pour eux alors que l’exécutant froid Peter Lorre
parait intouchable.
La mort s’invite de façon tout d’abord onirique (la
découverte du cadavre dans l’église et notamment ce plan en plongée au-dessus
de l’orgue), détachée (Brodie assistant à l’assassinat du mauvais agent à
distance) avant que la culpabilité frappe nos héros dans une séquence virtuose
dans un fondu enchaîné dont la métaphore sur fond d’orchestre évoque le muet.
Hitchcock agence certes quelques séquences d’actions et de suspense haletante
(la poursuite dans l’usine) mais la tension repose moins la peur de ce qui sera
fait aux personnages que de la crainte de ce qu’ils comptent faire.
Infliger la
mort ne semble plus aussi naturel et les sentiments face à cet ennemi seront
des plus ambigus, ne se révélant pas entre sincérité et manipulations. Une
ultime péripétie spectaculaire viendra résoudre le dilemme tout en affirmant un
vrai positionnement moral. Hitchcock affinera avec bien plus de brio ces
thématiques dans d’autres œuvres mais en dépit de ces maladresses Agent Secret s’avère passionnant.
Sorti en dvd zone 2 français chez Filmedia
Bonjour Justin,
RépondreSupprimerJe dois dire que l'interprétation impersonnelle et plate de John Gielgud ne m'a pas encouragée à apprécier ce film, j'ai zappé sur les apparitions de Peter Lorre, j'admets que ce n'est pas la meilleure façon de découvrir une oeuvre, mais ce film est tellement ennuyeux...
Oui c'est vrai qu'il est un peu transparent heureusement que Peter Lorre et Madeleine Carroll sont là ! J'ai surtout apprécié pour les bases que le film pose pour la suite mais c'est vrai que c'est très inégal notamment le rythme.
SupprimerHeureusement que John s'est bonifié par la suite !!
SupprimerC'est un acteur que j'aime beaucoup, particulièrement dans Providence, The Loved One, Shine, Prospero's Book...
Oui c'est un acteur que j'aime beaucoup aussi mais c'est vrai que là ce n'était pas encore "Sir" John Gielgud (sacrée filmo et bien variée il est même de le Caligula de Tinto Brass) on dirait plutôt un sous Trevor Howard dans le Hitchcock.
SupprimerC'est vrai qu'il joue dans Caligula !! ...qu'il faudrait que je le visionne une deuxième fois, les scènes "Penthouse Fashion" assez gratuites m'avaient assez saoulée je dois dire, m'empêchant d'apprécier pleinement les ...heu 'performances' de Malcolm, de John et d'Helen.
RépondreSupprimerIl existe un director's cut de Tinto Brass sans les inserts porno mais bizarrement le film perd de son excès et de sa folie monstrueuse sans ces passages du coup je préfère le montage penthouse ^^ Il faudra que j'en cause ici un jour tiens :-)
RépondreSupprimer