Apprenant, au cours d’un repas de
famille, que leur fille va se marier, un couple d’origine modeste décide
de tout mettre en œuvre pour offrir à Jane (Debbie Reynolds) la
cérémonie rêvée. En dépit de la préférence de cette dernière pour une
fête sans fioriture, ses parents se sentent en compétition avec ceux du
futur époux, Ralph (Rod Taylor) dont la sœur a eu droit à un mariage
somptueux.
La filmographie de Richard Brooks durant les
années 50/60 se partage le plus souvent entre grands sujets (la
délinquance juvénile dans Graine de violence (1955), le fanatisme religieux pour Elmer Gantry (1960)), adaptations prestigieuses (F. Scott Fitzgerald avec La Dernière fois que j'ai vu Paris (1954), Tennessee Williams sur La Chatte sur un toit brûlant (1958)), Dostoïevski dans Les Frères Karamazov (1958) Joseph Conrad avec Lord Jim (1965) voire les deux pour le sommet De sang-froid
(1967) d'après Truman Capote. Bien que placé sous patronage haut de
gamme (Gore Vidal au script adaptant une pièce télévisée de Paddy
Chayefsky) Le Repas de noces détone par sa modestie dans cette ensemble.
Le
drame du film se noue autour d'un évènement supposé heureux,
lorsqu’Agnes (Bette Davis) et Tom Hurley (Ernest Borgnine) apprennent le
mariage futur de leur fille Jane (Debbie Reynolds). Cette annonce va
pourtant provoquer la discorde au sein de la famille à cause de la
volonté de Jane de faire un mariage modeste et intime. Les Hurley se
trouvent donc dans un premier temps confrontés à leurs limites
financières, Agnes ne pouvant se résoudre à ne pas offrir un somptueux
mariage à sa fille. Le script semble d'abord illustrer ce désir
contrarié à travers une dimension sociale et le regard des autres, que
ce soit la suspicion autour de cette cérémonie précipitée (Jane se
trouvant peut-être dans "l'embarras") ou le complexe d'infériorité face à
la famille nantie du marié Ralph (Rod Taylor). Les tensions naîtront
donc de ce côté bassement pécuniaire et du déséquilibre qu'amène la
démesure annoncée de ce mariage dans le quotidien des Hurley,
bouleversant les projets d'une vie pour Tom et n'étant plus en
adéquation avec la modestie de leurs entourage (la meilleure amie de
Jane ne pouvant payer la robe de demoiselle d'honneur).
On
devinera pourtant progressivement les raisons de cet acharnement d'Agnes
à travers le jeu subtil de Bette Davis. La star détone dans ce rôle
modeste de mère de famille dénué des excès esthétiques ou dramatiques
des interprétations qui ont fait sa gloire. Elle reste digne dans sa
quête maladive d'une cérémonie fastueuse, car la surface superficielle
dissimule une fêlure bien plus grande pour le personnage. Les
révélations sur le passé de la famille (avec la disparition d'un fils
mobilisé à la Guerre de Corée) illustrent la culpabilité cette mère au
moment de perdre sa fille mais aussi sa terreur face à la solitude d'une
maison vide où elle s'annonce le tête à tête inédit avec ce mari dont elle se
sera éloignée au fil des années.
Des questionnements ordinaires que
Richard Brooks rend captivant par sa mise en scène sobre capturant avec
une tendresse bienveillante le quotidien de cette famille, bien aidé par
une interprétation touchante. Outre Bette Davis (dont c'était un des
deux rôles favoris), Ernest Borgnine est très attachant en patriarche
bourru et dépassé, offrant une bouleversante scène de confession où
s'exprime tout le dépit des parents ayant tout sacrifié à leur
progéniture. Barry Fitzgerald est très amusant en oncle quelque peu
encombrant. Au passage Brooks fait montre d'une sensualité
assez inattendue dans la manière de filmer Debbie Reynolds, érotisée
dans des moments assez anodins qui interpellent ou dans une scène
trouble où les vœux du mariage ne sont pas loin d'être prématurément
rompus. Une belle histoire, pleine de bienveillance sans jamais tomber
dans la mièvrerie.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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