Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 25 octobre 2020

Fantôme d’amour - Fantasma d’amore, Dino Risi (1981)


 Pavie, fin des années 1970. Nino Monti, un conseiller fiscal connu, paie la place de bus d'une femme à l'air misérable et malade qui n'avait pas la monnaie. Le soir même elle le rappelle pour lui rendre ses 100 lires, et se présente : Anna Brigatti, qui fut son grand amour de jeunesse. Nino est troublé. Il cherche à la revoir, il la pense toujours aussi jeune et belle que celle qu'il a connue.

Fantôme d'amour s'inscrit dans un cycle de films sombres et désenchantés pour Risi où ses personnages sont hantés par leur passé, s'interrogent sur leur vieillesse. Âmes perdues (1976) explore ce poids du passé sous un angle funèbre lorgnant sur le surnaturel quand Dernier amour (1978) s'avère à la fois plus caustique et tragique avec le dernier tour de piste d'un amuseur. Fantôme d'amour croise ces deux facettes avec ce héros que le souvenir d'un amour perdu vient hanter. Nino (Marcello Mastroianni) chérit le souvenir d'Anna (Romy Schneider), romance passionnée de ses vingt ans dont il ne s'est jamais vraiment remis du départ.

Sa photo se dissimule encore à l'abri des regards dans sa bibliothèque, et c'est son visage qui lui apparait pour se donner la vigueur nécessaire lors des rapports avec son épouse au sein de leur mariage rangé et ennuyeux. Une rencontre impromptue (mais finalement pas tant que cela) la ramène à lui mais sous une allure vieillie et malade loin des doux moments d'antan. D'ailleurs Dino Risi ne fait pas intervenir l'image passée d'Anna sous forme de flashbacks, mais plutôt de séquences oniriques relevant du souvenir embelli, du fantasme. Lorsqu’Anna retrouvera ses traits juvéniles dans le présent, là encore la réalité de cette image sera questionnée par les évènements mystérieux et l'imagerie mortifère. 

Anna est un souvenir qui hante Nino et qui ne peut donc lui apparaître dans ses plus beaux atours que dans des environnements hantés. Risi en révèle subtilement les indices (ce fruit pourrissant dans une pièce lors de la visite de la villa), où nous avertit par la métaphore visuelle quand Anna se volatilise dans un lac qui s'avérera recéler un cadavre en son fond. L'esthétique grisâtre et la photo brumeuse de Tonino Delli Colli ajoutent à ce côté fantomatique et parfois hors du temps du film, relevant de l'humeur dépressive du héros mais aussi d'une réalité altérée par son esprit ou par de vraies manifestations surnaturelles. 

C'est la grande question du film, les morts hantent-ils les vivants ou inversement ? Nino ne peut pleinement aimer Anna que dans l'image mentale ou concrète (la photo) qu'il en a gardée, et fera montre d'un dégoût cruel quand elle lui réclamera un baiser sous ses traits fanés. Anna quant à elle ne peut retrouver sa beauté que grâce à l'amour intact entretenu par Nino, seul élément lumineux la rattachant au monde des vivants. Autrement sa face hideuse relève une nouvel fois du réel (le cancer qui l'enlaidit avant sa mort) mais aussi du mental avec cette fois une quête vengeresse d'outre-tombe qui lui confère une aigreur et une haine qui se répercutent sur son allure, même fantôme.

Nino refuse ainsi longtemps de voir ce que le spectateur a compris depuis un moment, car cela menace son équilibre psychologique. Non pas par la possibilité qu'Anna soit un fantôme, mais plutôt par le fait que sa "vraie" image ne correspondent plus à ce tendre passé qui l'a aidé à traverser une existence morne. Le film rejoint ainsi d'autres grandes œuvres sur l'obsession amoureuse oscillant entre le rêve et le fantastique (Le Portrait de Jennie de William Dieterle (1949), Peter Ibbetson d'Henry Hatthaway (1935), L'Aventure de Madame Muir de Joseph L. Mankiewicz (1947)) mais Risi en ôte toute la sève romantique pour n'en faire qu'une béquille fragile d'être fragiles et vieillissants, ne vivant plus qu'à travers leurs regrets. La dernière scène en est l'illustration la plus désespérée, la figure aimée devenant désormais la seule étincelle d'un être ayant cédé à ses failles et choisi définitivement le monde de l'illusion.

Sorti en dvd zone 2 français chez Pathé

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