Au départ un bon pitch de thriller du samedi soir plus malin que la moyenne écrit par le très doué Andrew Kevin Walker, responsable plus tard de celui de Sleepy Hollow entre autre), doté d'une vraie noirceur et de scènes chocs dont un final tellement jusqu'au boutiste que personne dans la production n'envisage sérieusement qu'il terminera dans le film. Arrive David Fincher passablement traumatisé par sa première expérience derrière la caméra avec Alien 3 (1992) où il s'est totalement fait déposséder de son film (qu'il renie encore aujourd'hui au point de refuser l'opportunité d'enfin faire son director's cut pour le dvd alors qu'on lui en a offert la possibilité) par les exécutifs de la Fox. Le script de Seven va donc servir d'exutoire à Fincher qui va totalement le transcender.
Seven c'est tout d'abord une esthétique des plus révolutionnaires qui fit sensation à l'époque. Une indistincte et étouffante cité pluvieuse symbole du cauchemar urbain (et qui doit beaucoup Blade Runner (1982)) et une recherche extrême dans les décors et ambiances afin de coller au ton désespéré du film. Scènes de crime craspecs et glauques (l'ouverture avec la gourmandise met immédiatement dans le bain), murs suintant (décors exceptionnels de Arthur Max) et photo ultra sombre de Darius Khondji, l'imagerie du film de serial killer est définie pour les 10 ans à venir avec foule de copies pitoyable (le tréfond étant atteint avec les Saw). Le fameux générique de Kyle Cooper (qui gagne son ticket pour Hollywood avec) qui nous plonge dans l'esprit du tueur sur fond de Nine Inch Nails en dévoilant ses cahiers demeure également un modèle d'introduction. Il faudra que Fincher lui même revienne au genre avec Zodiac pour briser la chaîne de la médiocrité.
S'il cède bien volontiers au poncifs du buddy movie (tout le début avec l'antagonisme entre le vieux sage Freeman et le chien fou Pitt) le film s'avère bien plus profond qu'il n'en a l'air. Un ton des plus désespéré et nihiliste notamment à travers le personnage de Morgan Freeman, vieux flic usé ne croyant plus en la nature humaine et qui multiplie les répliques désenchantés (et voyant avec effroi John Doe reprendre ses thèses lors du dialogue en voiture lors du final) la plus terrible étant la dernière Ernest Hemingway once wrote, "The world is a fine place and worth fighting for." I agree with the second part. L'ensemble dévoile un constat des plus noir sur la nature humaine, l'apathie et le mal de vivre urbain qui culmine avec le triomphe du mal lors du final.
Grand admirateur du cinéma des 70's (dont le Klute (1971) de Pakula, son film préféré ça se ressentira encore plus dans Zodiac), Fincher en applique les recettes dans le film avec une première heure plus posée pour développer son intrigue (passé les deux premiers crimes pour donner le ton) et développer ses personnages avec l'apprivoisement progressif entre Mills et Somerset, ainsi que l'introduction du personnage peu présent mais si important de Gwyneth Paltrow. En résulte quelques beaux moment comme la très élégante séquence de la bibliothèque, le dîner chez Mills ou encore l'entrevue matinale entre Somerset et Tracy qui nous rendent immédiatement les personnages attachant. Freeman est impeccable en vieux sage et Pitt trouvait là un de ses meilleurs rôles, traits tirés et tout en nervosité, on est loin du bellâtre de Légende D"Automne.
Le raffinement et le sadisme apporté dans les crimes de Doe les rendent plus terrifiant encore que si on avait assisté à leurs exécutions avec un Fincher particulièrement inspiré et méticuleux. La gourmandise avec son obèse empiffré à mort est des plus répugnantes, la mise en scène virtuose de la mythique séquence de la paresse (avec un maquillage terrifiant de Rob Bottin) retourne toujours le coeur par son coup de théâtre même après plusieurs visions et on est sacrément heureux et soulagé que les meurtres ne soit pas filmés quand arrive l'explication du crime de luxure. Loin de ne donner que dans l'esthétisant, Fincher nous concocte également une course poursuite des plus percutante et inattendue à la steadycam qui évoque le meilleur de French Connection.
La dernière partie tétanisante fait toujours son effet, presque plus fort encore quand on revoie le film (John Doe qui change ses plans après le face à face avec Mills, les dialogues où il le prévient mystérieusement de son destin, le sang sur lui dont on devine fatidiquement désormais la provenance lorsqu'il se rend à la police) avec une gestion incroyable du suspense de Fincher et un Brad Pitt au bord de la rupture lors du climax final. Dans une apparition aussi brève que mémorable Kevin Spacey incarne vraiment la représentation du mal absolu en 1995 puisque viendra plus tard dans l'année le terrifiant Keyzer Söze de Usual Suspect (1995).
Disponible depuis longtemps déjà dans une somptueuse édition dvd zone 2 français et bluray chez Metropolitan
Toujours un modèle du genre.
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