Neuf personnes se retrouvent sur un canot de sauvetage après le torpillage de leur paquebot par un sous-marin allemand. Issus de milieux sociaux très différents, ils font l'expérience d'une survie en communauté de fait. Après le sauvetage d'un naufragé, les tensions apparaissent...
A l'origine, ce projet est pour Alfred Hitchcock une commande en forme de contribution à l'effort de guerre issue d'une demande de la commission de la marine américaine. Cette facette se ressent par une forte atténuation de l'ambiguïté chère au réalisateur, la perfidie et la profonde cruauté de l'ennemi allemand nous étant assenée par de lourds dialogues sentencieux en particulier lors de la conclusion.
Hitchcock tout en se pliant à la demande joint l'utile à l'agréable en se lançant dans le défi technique et narratif que constitue ce Lifeboat. Hormis le naufrage d'ouverture et le final spectaculaire, le suspense est donc avant tout psychologique à travers ce huis clos maritime. Le scénario de John Steinbeck dépeint remarquablement les différents protagonistes à travers les différences sociales, raciales et politique amenées à les unir ou les confronter.
Parmi les plus intéressants, Connie Porter (excellente Tallulah Bankhead) en reporter débutant le film tirée à quatre épingle malgré le naufrage, le rugueux Kovac (John Hodiac) issu de la salle des machine, un magnat de l'industrie... Hitchcock transcende ce qui aurait pu n'être que du théâtre filmé par sa science du montage et du découpage où chaque échange, dialogue et péripétie déploie une constante inventivité pour éviter la tentation du champ contre champ. Comme à son habitude, le réalisateur a entièrement storyboardé le film en amont ce qui se traduit notamment par une vrai travail sur la disposition des personnages su le canot de sauvetage.
En début de film, les naufragés sont traités comme une entité collective amené à s'entraider, les protagonistes isolés seul à l'image sont rares voire absents. Ce équilibre se modifie lorsque les héros recueille le rescapé allemand. Cet aspect collectif demeure mais avec cette fois le nouveau venu constamment dissimulé en arrière plan ou invisible. Les manigances et les traitrises aidant, les différentes épreuves amènent le groupe à se disloquer et certaines volontés se briser. L'attachant Gus Smith (William Bendix) tout d'abord amputé puis assoiffé perd peu à peu la raison et contact avec le groupe, Hitchcock s'attardant longuement sur son errance mentale tandis que parallèlement les couples se formant dans l'adversité l'isolent un peu plus. L'aboutissement de ses différents points amène à la situation de la dernière partie où l'allemand Willy prend l'ascendant sur tous, traduite à l'image lors de la scène où il tient vigoureusement les rames quand tout les autres sont épuisés, Hitchcock le plaçant au centre du cadre comme le vrai chef (héros ?) alors que jusqu'ici c'est l'union collective qui avait guidé sa mise en scène.
Walter Slezak campe un formidable méchant avec ce capitaine allemand à la mine placide et sympathique estompant progressivement la méfiance légitime et dissimulant fourberie et instinct manipulateur. Le film comporte d'ailleurs une certaine ambiguïté malgré tout sur ce personnage puisque la collectivité mise en avant dans la première partie vole en éclat lors d'une scène de tempête où tous sont déboussolé. Le semblant de démocratie établie sur la barque se brise donc pour laisser le commandement au capitaine allemand, symbolisant presque une sorte de dictature nécessaire en tant de crise. Pour vaincre cette dictature, il faut presque céder aux même moyens extrêmes comme le démontrera une brève et brutale séquence en hors champ où nos héros en finisse radicalement avec l'ennemi allemand, les élans humanistes ne pouvant rien contre la monstruosité.
Un bel exercice de la part de Hitchcock dont la touche subversive sous- jacente ne passera pas inaperçue puisque John Steinbeck bien conscient du détournement de son écrit exigera que son nom soit retiré du générique. Il faut également signaler que les conditions de tournage (en studio bien evidemment avec des inserts sur la vrai mer et le reste en rétroprojection) permirent de tourner les séquences chronologiquement et le délabrement physique des acteurs semble d'autant mieux fonctionner ainsi. Quant à la légendaire et traditionnelle apparition de Hitchccok, vu le contexte c'est certainement une des plus drôle et subtile qui soient mieux vaut être attentif !
Sorti en dvd zone 2 français chez Fox
Extrait montrant bien la présence de l'intrus semer la discorde
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