Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
En 1870, dans une France occupée par les Prussiens, une diligence quitte Rouen et se dirige vers Dieppe. A son bord, un couple d’aristocrates, deux marchands et leurs épouses, un journaliste, un jeune prêtre et une blanchisseuse, Elisabeth Rousset. Ces trois derniers ne tolèrent pas la présence des ennemis dans leur pays ; les autres ‘font avec’. La diligence fait une halte dans un relais où se trouve le brutal lieutenant Von Eyrick, surnommé Mademoiselle Fifi. Il refuse de laisser repartir les voyageurs tant que la jolie Elisabeth n’aura pas accepté de dîner à sa table dans ses appartements.
Mademoiselle Fifi naît de la volonté du producteur Val Newton de sortir du carcan des série B fantastiques où il reste cantonné à la RKO et pour lesquelles il a obtenu tant de succès artistiques comme commerciaux notamment La Féline. Malheureusement la RKO ne lui accorde qu'un budget faible pour ce type de film en costume luxueux et Newton se voit contraint de réutiliser et remettre en état les décors de la superproduction de 1939 Quasimodo de William Dieterle (c'est assez amusant quand on vu le film tout les éléments réutilisés sont bien identifiables) pour donner la facture souhaitée à son film. Il fait également confiance à la réalisation à Robert Wise jusqu'ici monteur brillant pour Orson Welles (Citizen Kane, La Splendeur des Amberson) et les chef d'oeuvres de Jacques Tourneur et qui dirige là son premier film.
Mademoiselle Fifi est une adaptation d'une nouvelle de Maupassant publiée dans le recueil éponyme en 1882 soit quelques années après la Guerre contre les Prussiens en 1870. Le ressentiment contre les Prussiens se ressent autant dans le texte que dans le film, ce dernier faisant bien évidemment écho à une situation plus contemporaine avec une France occupée par les allemands en 1944. Fougueux hymne à la résistance face à l'envahisseur, le film conserve son intérêt malgré son cadre dépassé par l'excellente interprétation. L'histoire dépeint la manière dont la fierté française est amenée à reposer sur les frêles épaules d'une indomptable et jolie blanchisseuse jouée par Simone Simon.
Subissant les avances d'un odieux et brutal officier allemand, sa volonté vacille sous la pression de ses compagnons de voyage mécontents d'être bloqués à cause de ses refus. La communauté riche et et les intellectuels sont montrés comme plus préoccupés par leurs intérêt personnels que par la nation, toujours prêt à des arrangements avec l'ennemi si nécessaire. Les deux séquences en voiture où Simone Simon partage volontiers sont repas avec les voyageurs quant plus tard lorsqu'elle est au plus mal après sa rencontre avec Von Eyrick ils n'auront pas un regard pour elle sont très fortes notamment la manière dont la fragilité de Elisabeth si dure jusque là se dévoile.
L'enjeu se déplace donc ensuite à une cloche de village que le curé refuse de faire sonner tant que l'envahisseur Prussien est présent malgré les pressions. C'est l'occasion pour le personnage de John Emery seul à regretter sa conduite envers Elisabeth de retrouver sa fierté et redorer le blason français. Le patriotisme exacerbé a beau être profondément rattaché à son époque (c'est quasiment un film de propagande) ça fonctionne le lieutenant allemand "Mademoiselle Fifi" est joué avec une délectation sadique par un Kurt Krueger (dont le physique rappelle un peu Hardy Krueger) bien détestable et entièrement voué à humilier et briser la volonté des plus courageux.
La conclusion est donc un appel au maquis, à la résistance et l'honneur français retrouvé (le prêtre du village en étant aussi !) où la Marseillaise peut à nouveau retentir triomphalement. Plutôt réussi malgré les limites évidentes donc.
je cherche chez vous un écho au film que j'ai vu hier, de Robert Wise, qui est lui aussi l'histoire d'une résistance au nazisme dans l'Autriche qui vient d'être annexée par le Reich (l'Anschluss) : THE SOUND OF MUSIC qui est à la fois un écho a toutes ces ROMANCES où la gouvernante ou la pupille épouse son maître (Jane Eyre, le 7ème voile).
Cela étant, je lis votre chronique. J'ai lu la nouvelle de Maupassant et j'ai vu l'adaptation magnifique qu'en a fait Mizoguchi dans les années 30.
Je fais peut-être erreur, mais étant juive moi-même, j'ai été émue lisant la nouvelle de savoir qu'une jeune juive est cachée dans le clocher, raison pour laquelle entre autres on ne fait pas sonner les cloches.Je vais vérifier ce que j'avance !
j'ai trouvé formidable que le récit féministe de Maupassant ait trouvé si tôt un écho chez ce merveilleux féministe qu'est Mizoguchi.
La palette de Robert Wise est elle aussi passionnante : Je pense à cette nouvelle de Robert Louis Stevenson où l'on déterre des cadavres pour faire avancer la science — et où l'on assassine s'il vient à manquer de tombes fraîches — avec Bella Lugosi (et Boris Karloff peut-être). THE SOUND OF MUSIC qui est au départ une comédie musicale a un titre assez niais en français : LA MELODIE DU BONHEUR dont on perçoit l'ironie seulement après avoir vu le film.
Oui Robert Wise c'est un peu la même famille que Richard Fleischer des cinéastes à l'aise et inventifs dans tous les registres, pas des "auteurs" au sens strict mais capable d'offrir des visions fortes et des classiques quel que soit le genre abordé. J'ai le blu ray de La Mélodie du bonheur qui traîne depuis un moment il va falloir regarder ça (j'adre Julie Andrews ET Robert Wise). Je ne savais pas que Mizoguchi avait adapté la nouvelle de Maupassant, encore un film à voir !
On a réussi à sauver quelques films des années 30 de Mizoguchi, la production énorme ayant été détruite par l'aviation américaine (on ne dit pas assez la mort du patrimoine culturel perdu pour toujours dans les guerres), je crois qu'ils sont hors d'état d'être restaurés, l'image est balafrée, le son de ces films muets est grésillement permanent, malgré quoi l'essentiel nous paarvient.
Je suis ravie de savoir que vous avez en blu ray ce film (au titre découragent). Julie Andrews est face à Christopher (?) Plummer magnifique en 1965. Vous tomberez sous le charme de cette musique dont Coltrane a fait quelque chose de superbe. Le film est long — presque trois heures — mais on ne voit pas le temps passer. Les rebondissements sont si rapides. Je n'en dis pas plus au risque de "spoiler" (SPOLLIER ?), mais tous les personnages sont admirablement plantés. Les paysages de l'Autriche, région de montagnes et de lacs, sont superbes. Votre plaisir est garanti !
Mlle Fifi : j'ai vérifié ce que j'avance. La nouvelle tient en 12 pages dans le tome I des oeuvres : c'est très court pour nourrir un film (celui de Mizoguchi est un court métrage). Je confirme ce que j'ai avancé tout à l'heure. En tapant "Mlle Fifi en ligne" sur Google, j'ai reçu la nouvelle en un clin d'oeil. Je vous en livre la fin. Il s'agit de Rachel qui a planté un couteau de Mlle Fifi et l'a tué (les capitales sont de moi):
"On n’avait pas retrouvé RACHEL. Alors les habitants furent terrorisés, les demeures bouleversées, toute la contrée parcourue, battue, retournée. LA JUIVE ne semblait pas avoir laissé une seule trace de son passage. Le général, prévenu, ordonna d’étouffer l’affaire, pour ne point donner de mauvais exemple dans l’armée, et il frappa d’une peine disciplinaire le commandant, qui punit ses inférieurs. Le général avait dit : « On ne fait pas la guerre pour s’amuser et caresser des filles publiques. » Et le comte de Farlsberg, exaspéré, résolut de se venger sur le pays. Comme il lui fallait un prétexte afin de sévir sans contrainte,il fit venir le curé et lui ordonna de sonner la cloche à l’enterrement du marquis d’Eyrik. Contre toute attente, le prêtre se montra docile, humble, pleind’égards. Et quand le corps de Mlle Fifi, porté par des soldats,précédé, entouré, suivi de soldats qui marchaient le fusil chargé,quitta le château d’Uville, allant au cimetière, pour la premièrefois la cloche tinta son glas funèbre avec une allure allègre, comme si une main amie l’eût caressée. Elle sonna le soir encore, et le lendemain aussi, et tous les jours ; elle carillonna tant qu’on voulut. Parfois même, la nuit, elle se mettait toute seule en branle, et jetait doucement deux ou trois sons dans l’ombre, prise de gaietés singulières, réveillée on ne sait pourquoi. Tous les paysans du lieu la dirent alors ensorcelée ; et personne, sauf le curé et le sacristain, n’approchait plus du clocher. C EST QU UNE PAUVRE FILLE VIVAIT Là HAUT DANS L ANGOISSE ET LE SOLITUDE, nourrie en cachette par ces deux hommes. Elle y resta jusqu’au départ des troupes allemandes. Puis, un soir, le curé ayant emprunté le char-à-bancs du boulanger, conduisit lui-même sa prisonnière jusqu’à la porte de Rouen. Arrivé là, le prêtre l’embrassa ; elle descendit et regagna vivement à pied le logis public, dont la patronne la croyait morte. Elle en fut tirée quelque temps après par un patriote sans préjugés qui l’aima pour sa belle action, puis l’ayant ensuite chérie pour elle-même, l’épousa, en fit une Dame qui valut autant que beaucoup d’autres."
[Rachel est un nom biblique. Je trouve extraordinaire que Maupassant dans cette France de 1870 ait fait d'une Juive son héroïne. Cela en dit long sur l'antisémitisme en France et la noblesse de coeur de Maupassant, il annonce le Zola de J ACCUSE et la défense de Dreyfus. Dreifusards et anti-dreifusards sont une des toiles de fond de LA MEMOIRE DU TEMPS PERDU, quelque 30 ans plus tard, lorsque l'antisémitisme en France n'est plus une chimère. Je dis ceci, parce qu'à la lecture, la modernité de Maupassant à cet égard m'a beaucoup surprise. Elle me surprendrait moins aujourd'hui, connaissant Benjamin Constant, etc.
j'écris trop vite : il faut lire "planté un couteau dans le cou de Mlle Fifi". A cet égard, on peut dire que l'affiche montrée au début de votre chronique est trompeuse : représenter Mlle Fifi par une femme aux courbes voluptueuses …C'est pas réfléchi ! Je vois que vous dialoguez ailleurs avec moi, mais je reprendrai les débats plus tard. Peut-être écrirez vous quelque chose sur THE SOUND OF MUSIC de Robert Wise …Je vous lirai avec plaisir, mais à partir de la semaine prochaine !
je cherche chez vous un écho au film que j'ai vu hier, de Robert Wise, qui est lui aussi l'histoire d'une résistance au nazisme dans l'Autriche qui vient d'être annexée par le Reich (l'Anschluss) : THE SOUND OF MUSIC qui est à la fois un écho a toutes ces ROMANCES où la gouvernante ou la pupille épouse son maître (Jane Eyre, le 7ème voile).
RépondreSupprimerCela étant, je lis votre chronique. J'ai lu la nouvelle de Maupassant et j'ai vu l'adaptation magnifique qu'en a fait Mizoguchi dans les années 30.
Je fais peut-être erreur, mais étant juive moi-même, j'ai été émue lisant la nouvelle de savoir qu'une jeune juive est cachée dans le clocher, raison pour laquelle entre autres on ne fait pas sonner les cloches.Je vais vérifier ce que j'avance !
j'ai trouvé formidable que le récit féministe de Maupassant ait trouvé si tôt un écho chez ce merveilleux féministe qu'est Mizoguchi.
La palette de Robert Wise est elle aussi passionnante :
Je pense à cette nouvelle de Robert Louis Stevenson
où l'on déterre des cadavres pour faire avancer la science — et où l'on assassine s'il vient à manquer de tombes fraîches — avec Bella Lugosi (et Boris Karloff peut-être).
THE SOUND OF MUSIC qui est au départ une comédie
musicale a un titre assez niais en français : LA MELODIE DU BONHEUR dont on perçoit l'ironie seulement après avoir vu le film.
Oui Robert Wise c'est un peu la même famille que Richard Fleischer des cinéastes à l'aise et inventifs dans tous les registres, pas des "auteurs" au sens strict mais capable d'offrir des visions fortes et des classiques quel que soit le genre abordé. J'ai le blu ray de La Mélodie du bonheur qui traîne depuis un moment il va falloir regarder ça (j'adre Julie Andrews ET Robert Wise). Je ne savais pas que Mizoguchi avait adapté la nouvelle de Maupassant, encore un film à voir !
RépondreSupprimerOn a réussi à sauver quelques films des années 30 de Mizoguchi, la production énorme ayant été détruite par l'aviation américaine (on ne dit pas assez la mort du patrimoine culturel perdu pour toujours dans les guerres), je crois qu'ils sont hors d'état d'être restaurés, l'image est balafrée, le son de ces films muets est grésillement permanent, malgré quoi l'essentiel nous paarvient.
RépondreSupprimerJe suis ravie de savoir que vous avez en blu ray ce film (au titre découragent). Julie
Andrews est face à Christopher (?)
Plummer magnifique en 1965.
Vous tomberez sous le charme de cette musique dont Coltrane a fait quelque chose de superbe.
Le film est long — presque trois heures — mais on ne voit pas le temps passer. Les rebondissements sont si rapides. Je n'en dis pas plus au risque de "spoiler" (SPOLLIER ?),
mais tous les personnages sont admirablement plantés.
Les paysages de l'Autriche, région de montagnes et de lacs, sont superbes.
Votre plaisir est garanti !
Mlle Fifi : j'ai vérifié ce que j'avance. La nouvelle tient en 12 pages dans le tome I des oeuvres : c'est très court pour nourrir un film (celui de Mizoguchi est un court métrage). Je confirme ce que j'ai avancé tout à l'heure.
RépondreSupprimerEn tapant "Mlle Fifi en ligne" sur Google, j'ai reçu la nouvelle en un clin d'oeil. Je vous en livre la fin. Il s'agit de Rachel qui a planté un couteau de Mlle Fifi et l'a tué
(les capitales sont de moi):
"On n’avait pas retrouvé RACHEL.
Alors les habitants furent terrorisés, les demeures bouleversées, toute la contrée parcourue, battue, retournée. LA JUIVE ne semblait pas avoir laissé une seule trace de son passage.
Le général, prévenu, ordonna d’étouffer l’affaire, pour ne point donner de mauvais exemple dans l’armée, et il frappa d’une peine disciplinaire le commandant, qui punit ses inférieurs. Le général avait dit : « On ne fait pas la guerre pour s’amuser et caresser des filles publiques. » Et le comte de Farlsberg, exaspéré, résolut de se venger sur le pays.
Comme il lui fallait un prétexte afin de sévir sans contrainte,il fit venir le curé et lui ordonna de sonner la cloche à l’enterrement du marquis d’Eyrik.
Contre toute attente, le prêtre se montra docile, humble, pleind’égards. Et quand le corps de Mlle Fifi, porté par des soldats,précédé, entouré, suivi de soldats qui marchaient le fusil chargé,quitta le château d’Uville, allant au cimetière, pour la premièrefois la cloche tinta son glas funèbre avec une allure allègre, comme si une main amie l’eût caressée.
Elle sonna le soir encore, et le lendemain aussi, et tous les jours ; elle carillonna tant qu’on voulut. Parfois même, la nuit, elle se mettait toute seule en branle, et jetait doucement deux ou trois sons dans l’ombre, prise de gaietés singulières, réveillée on ne sait pourquoi. Tous les paysans du lieu la dirent alors ensorcelée ; et personne, sauf le curé et le sacristain, n’approchait plus du clocher.
C EST QU UNE PAUVRE FILLE VIVAIT Là HAUT DANS L ANGOISSE ET LE SOLITUDE, nourrie en cachette par ces deux hommes.
Elle y resta jusqu’au départ des troupes allemandes. Puis, un soir, le curé ayant emprunté le char-à-bancs du boulanger, conduisit lui-même sa prisonnière jusqu’à la porte de Rouen. Arrivé là, le prêtre l’embrassa ; elle descendit et regagna vivement à pied le logis public, dont la patronne la croyait morte.
Elle en fut tirée quelque temps après par un patriote sans préjugés qui l’aima pour sa belle action, puis l’ayant ensuite chérie pour elle-même, l’épousa, en fit une Dame qui valut autant que beaucoup d’autres."
[Rachel est un nom biblique. Je trouve extraordinaire que Maupassant dans cette France de 1870 ait fait d'une Juive son héroïne. Cela en dit long sur l'antisémitisme en France et la noblesse de coeur de Maupassant, il annonce le Zola de J ACCUSE et la défense de Dreyfus. Dreifusards et anti-dreifusards sont une des toiles de fond de LA MEMOIRE DU TEMPS PERDU, quelque 30 ans plus tard, lorsque l'antisémitisme en France n'est plus une chimère. Je dis ceci, parce qu'à la lecture, la modernité de Maupassant à cet égard m'a beaucoup surprise. Elle me surprendrait moins aujourd'hui, connaissant Benjamin Constant, etc.
j'écris trop vite : il faut lire "planté un couteau dans le cou de Mlle Fifi". A cet égard, on peut dire que l'affiche montrée au début de votre chronique est trompeuse : représenter Mlle Fifi par une femme aux courbes voluptueuses …C'est pas réfléchi ! Je vois que vous dialoguez ailleurs avec moi, mais je reprendrai les débats plus tard. Peut-être écrirez vous quelque chose sur THE SOUND OF MUSIC de Robert Wise …Je vous
RépondreSupprimerlirai avec plaisir, mais à partir de la semaine prochaine !