Cinquième film de Nicolas Roeg, Eureka apportait une nouvelle preuve de sa singularité avec cette histoire simple et profonde mais à nouveau narrée de manière anticonformiste. Le film adapte le livre Who Killed Sir Harry Oakes? de Marshall Houts inspiré d'un des crimes les plus mystérieux (et irrésolu) qui soit avec la mort du milliardaire Harold Oakes. Celui-ci était un aventurier chercheur d'or qui fit fortune en 1912 avec la découverte d'une mine d'or dont il réussit à la force du poignet à conserver le contrôle et faire fructifier. Bien des années plus tard, milliardaire et réfugié aux Bahamas pour échapper au fisc il est assassiné de la manière la plus barbare qui soit, brûlé vif et décapité. Son beau-fils sera accusé, jugé puis acquitté, faisant du meurtre d’Oakes une des plus grandes énigmes criminelles de son temps.
Les visions dantesques s'enchaînent avec un traumatisant et très graphique suicide, des loups qui comme effrayé par la détermination de Jack renoncent à le dévorer et bien évidemment la découverte de la fameuse mine. Là, Roeg déploie une symphonie visuelle, un tourbillon sensoriel par son sens du montage où Jack devient soudain le centre de l'univers, tout puissant et comblé. On ne le sait pas encore mais le climax du film vient déjà de se dérouler avec ce qui sera le moment le plus exaltant de l'existence de Jack.
Nous le retrouvons ainsi bien plus tard, vieil homme riche et repu vivant dans l'opulence de son île Eureka. Cette volonté et cette hargne qui l'ont maintenu en vie dans les neiges hostiles se sont estompées et il semble avoir perdu toute raison de vivre. Pourtant autour de lui avance la jeune génération, toute aussi exaltée qu'il ne le fut jadis dans sa quête de réussite. cela se manifeste par un homme d'affaires mafieux incarné par Joe Pesci souhaitant lui racheter un terrain pour construire un casino, voire même sa propre fille (Theresa Russel) qui le défie dans la passion qu'elle voue à un homme qu'il méprise (Rutger Hauer). Roeg élève magnifiquement son récit au-delà du crime sordide servant de postulat au départ pour une réflexion sur l'ambition, le sens de la vie.
Le rythme se fait boiteux à l'image de l'existence de cet homme qui s'est arrêté et Roeg délivre à nouveau des moments extrêmes et expérimentaux dont il le secret pour illustrer ses thèmes. On retiendra un étouffant et hystérique rituel vaudou et surtout l'incroyable séquence d'assassinat de Jack qui même en partie censurée par le studio est aussi insoutenable que fascinante. L'apparition furtive d'une boule à neige fait le lien avec Citizen Kane (là encore un faux biopic qui partait complètement ailleurs) et fait le lien avec le souvenir le plus joyeux de leur personnage principal.
Gene Hackman, intense ou totalement éteint est absolument incroyable et le film ne retrouve plus cette hauteur une fois son personnage disparu. Le procès, les atermoiements du couple Rutger Hauer/Theresa Russell, tout cela s'avère bien moins passionnant et surligne ce qu'on avait saisi sans explications (Jack a organisé son propre suicide) même si de beaux moments demeurent comme ce dialogue suspendu et hors du temps dans le tribunal.
La conclusion semble suggérer que seul ceux n'ayant pas encore réalisés leur rêve ou déterminé sa nature sont destinés à vibrer encore (le personnage le plus instable s'envolant vers d'autres cieux) les autres n'ayant plus que la solitude. Sans atteindre la magie de Walkabout ou le malaise de Ne vous retournez pas encore une grande réussite pour Nicolas Roeg.
Sorti en dvd zone 2 françaischez Potemkine
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