Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Les Douze Salopards - The Dirty Dozen, Robert Aldrich (1967)
Pendant la Seconde Guerre mondiale, quelques temps avant le débarquement, douze criminels, tous condamnés à mort ou à perpétuité, se voient proposer une mission suicide en échange d'une amnistie: attaquer un château en France où se sont installés une trentaine de généraux nazis et en massacrer le plus possible.
Plus de dix ans après son brulot Attaque, Aldrich revient au film de guerre avec ce qui reste sans doute son oeuvre la plus populaire. Après des films comme Les Sept Mercenaires ou Les professionnels, la mode est au casting masculin collectif, chargé en testostérone, ici illustré par les présences viriles de Charles Bronson, Lee Marvin, John Cassavetes ou encore Telly Savalas. Cela, ajouté à la tonalité en apparence bien plus guerrière véhiculée par la promotion du film, tendrait à laisser croire que Aldrich a changé son fusil d’épaule depuis Attaque mais il n’en est rien.
Avec Les Douze Salopards, Aldrich compte bien inscrire ses thématiques et la tonalité générale dans les préoccupations du moment, au point de rejeter la première mouture du scénario de Nunnaly Johnson qui avait, selon lui, écrit « un film de 1945 ».
La construction est étonnante pour qui s’attend à un pur récit guerrier, puisque l’essentiel du film est consacré à l’entraînement des « salopards » qui, une fois prêts, iront effectuer leur mission à la fin du film. Les personnalités hautes en couleurs du groupe, leur statut à part au sein de l’armée, s’inscrivent dans une volonté de rébellion particulièrement communicative contre l’autorité. Lee Marvin (lui-même isolé au sein de l’armée) est parfait en mentor intraitable souhaitant faire de ses hommes des soldats sans pour autant dénaturer ce qui fait leur particularité et force, cette sauvagerie et rage féroce les rendant plus dangereux que de gentils soldats disciplinés. Le moment clé serait sans doute celui où le groupe se concerte pour ne pas se raser, afin d’accéder à de meilleures conditions, formant ainsi une entité enfin unie.
Si, dans Attaque, c’était l’ambition qui emmenait des personnalités perturbatrices sur le terrain, ce sera cette fois la nature même du conflit qui les révèlera. La séquence, lors de la mission finale, où notre commando asperge d’essence des nazis enfermés dans une cave et les fait brûler vif sans état d’âme, allusion directe aux attaques au napalm usitées au Vietnam, est explicite. Aldrich fait en partie ici la même chose que Robert Altman qui, plus tard dans M.A.S.H., parlera du Vietnam en prenant pour cadre prétexte la guerre de Corée. Les figures de soldats héroïques exemplaires sont pour un temps oubliées : elles n’étaient utiles que dans des conflits « justes », comme la 2e guerre mondiale. Pour des guerres aux enjeux plus ambigus, des barbares plus enclins à sauver leur peau que motivés par la bannière étoilée font autrement mieux l’affaire.
Les critiques américains ne comprendront pas la démarche d’Aldrich et taxeront le film de fasciste. Le malentendu vient certainement du fait que, contrairement à Attaque, plus austère, Les Douze Salopards ne se cache jamais de son statut de divertissement spectaculaire. L’anticonformisme des personnages leurs confère un charisme inédit pour l’époque, le film imposant ainsi un nouveau type de héros. Hormis d'ailleurs le psychopathe en puissance incarné avec délectation par Telly Savalas, les autres « salopards » doivent pour la plupart leur situation à un malheureux concours de circonstance, plutôt qu’à une réelle nature criminelle.
L’interprétation est remarquable, entre un John Cassavetes en rebelle individualiste, la force de la nature Clint Walker, Jim Brown en soldat noir en quête de respect et bien sûr un Charles Bronson impérial dans un rôle proche de celui du Jack Palance d'Attaque. Grand succès à l’époque, Les Douze Salopards demeure le mètre étalon du film de commando, qui par ses multiples degrés de lecture dépasse d’autres films plus ouvertement divertissant et spectaculaires comme Quand les aigles attaquent.
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