Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 20 mai 2011

L'Auberge du printemps - Ying chun ge zhi Fengbo, King Hu (1973)


En Chine au XIVe siècle, des chinois se révoltent contre la domination mongole incarnée par le prince Lee Khan. L'auberge du Printemps de madame Wan Jen-mi est le théâtre d'une confrontation entre rebelles chinois et hommes de mains du prince, sur fond d'espionnage, de traitrise et de secrets militaires.

L'Auberge du Printemps conclu de manière magistrale ce qu'on appelle "la trilogie des auberges" dans l'oeuvre de King Hu. Le cultissime L'Hirondelle d'Or, classique absolu de la Shaw Brothers entamait le cycle avec un King Hu inventant toute les figures imposée du wu xia pian (et lançant le studio sur le genre) moderne dont les fameuses confrontations dans les auberges, véritable lieux de tension où les adversaires se jaugent et s'observent. Trop perfectionniste pour le régime d'usine de la Shaw Brothers, King Hu claque la porte du studio et par à Taiwan réaliser le deuxième volet de sa trilogie Dragon Gate Inn (à quand un dvd pour celui là ?) succès colossal en Asie et où l'utilisation du cadre de l'auberge revêt un atour bien plus dramatique et stratégique que dans L'Hirondelle d'Or (Tsui Hark en réalisera un remake extraordinaire bien plus tard avec L'Auberge du Dragon).

L'Auberge du Printemps, réalisé par un King Hu au sommets de ses possibilités (l'hypnotique A Touch of Zen aura précédé) atteint ainsi une sorte de perfection en reprenant les motifs de L'Hirondelle d'Or (les faux semblants, l'atmosphère électrique) et Dragon Gate Inn (l'intrigue politique et historique, le jeu sur les apparences) pour les sublimer. Si on se perd légèrement lors de la présentations des multiples personnages et des enjeux lors de l'introduction explicative, une fois arriver dans l'auberge en titre tout devient limpide par la maestria narrative et visuelle du réalisateur. On a donc un groupe de rebelle chinois dissimulés en tenanciers d'auberge dans le désert chargé d'intercepter un document transporté par un prince mongole ennemi amené à séjourner dans les lieux.

Dès lors l'intrigue devient le cadre d'un captivant jeu d'échecs où personne n'est ce qu'il parait être et où il faut constamment démêler le vrai du faux, les amis des ennemis et où le personnage en apparence le plus insignifiant peut s'avérer un allié précieux ou un adversaire redoutable. Hormis quelques escarmouches isolées et un final furieux, le film est plutôt avare en séquences d'arts martiaux. Celles ci ne sont pas une fin en soit et ne sont que l'aboutissement d'un jeu de faux semblants où il faut se montrer plus fin que l'ennemi. King Hu, le plus érudit et raffiné des réalisateurs hong kongais expérimente là les intrigues de palais à venir de ses films à venir, qu'elles soient poussées à la quasi abstraction dans le mémorable Raining in the Mountain ou dans le cadre du pur film historique comme son All the King's Men (là aussi à quand un dvd ?).

La mise en scène de King Hu se fait par instant théâtrale par le fait de cette unité de lieu (même si quelques séquences se déroulent en extérieur) mais c'est un statisme de façade où le montage joue grandement dans le jeu de regard entre les personnages devant dissimuler leur connivence et qui sais se faire bien plus dynamique quand la tension s'installe. Le scope de King Hu est d'une maîtrise impressionnante et il faut constamment être attentif à ce qui se déroule dans chaque coin du cadre (la poursuite du cambrioleur, la première tentative de vol du document) et le réalisateur joue autant de la profondeur de champs que de la verticalité et de l'horizontalité de cette auberge sur étage. Presque à la manière d'un Mission : Impossible à la sauce wu xia pian les héros sont presque réduits à leur seule fonction (hormis les jolies serveuse revêches dont Angela Mao) et on retient finalement surtout le fabuleux duo de méchant retors magistralement incarné par Tien Feng et Hsu Feng (actrice fétiche de King Hu).

Après ce jeu de chausse-trappe à la tension palpable, King Hu laisse enfin exploser l'action lors d'un long final virtuose et sacrificiel ou les affrontements sanglants s'enchaînent sans interruptions. Un des tout meilleurs et des plus nerveux films de King Hu, excellent !

Sorti récemment en dvd zone 2 français chez HK Vidéo. Espérons que Dragon Gate Inn suive bientôt !

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