Millicent Jordan met tout son temps et son énergie à organiser un dîner en l’honneur de Lord et Lady Ferncliffe, sans se préoccuper des problèmes de son mari Olivier Jordan avec son entreprise maritime au bord de la faillite. On suit ainsi les préparatifs du dîner et la galerie de personnages pittoresques invités à la soirée : l'ancienne actrice Carlotta Vance, gênée financièrement cherche à vendre ses actions; Dan Packard, homme d’affaires arriviste, veut s’accaparer l’entreprise d'Olivier Jordan ; sa femme, Kitty, une extravertie friande de chocolat, attend son médecin, accessoirement son amant ; Larry Renault, amant de la fille des Jordan et acteur has-been en proie aux pires difficultés... Le dîner s’annonce plein de rebondissements.
Cadre mondain, portrait au vitriol et préoccupation sociale, Dinner at Eight porte en lui ce qui fera le sel des meilleurs films à venir de Cukor comme Indiscrétions ou Vacances notamment. L'intrigue se présente comme un long happening de présentation de ce qu'on pense être le climax du film avec ce fameux dîner mondain qui donne son titre au films. Adapté d'une pièce de George Kaufman et Edna Ferber, le scénario entrecroise les destins des futurs invités avant l'évènement aborde ainsi des genres et des tons bien divers en dressant le portrait plus ou moins reluisant des différents protagonistes.
On tâte du vaudeville le plus outré avec le couple vulgaire formé par une Jean Harlow survoltée et un Wallace Beery bougon, de la comédie de moeurs enlevée avec la très snob et angoissée maîtresse de cérémonie joué par Billie Burke ou du drame conjugal le temps d'une scène poignante entre le médecin coureur de jupons et son épouse résignée avec Karen Morley (qui fait formidablement exister son personnage le temps d'une scène) et Edmund Lowe. L'autre thème sous-jacent est celui du basculement d'une époque à une autre, d'une mentalité et vision de l'existence à une nouvelle plus moderne mais pas forcément meilleure. La crise de 1929 dont les effets se font encore ressentir permet ainsi d'alterner la vision d'un Lionel Barrymore à bout de force dont l'entreprise familiale décline, en opposition à l'arrivisme impitoyable de l'homme d'affaire vulgaire élevé à la force du poignet qu'incarne un Walter Beery.
La même idée s'exprime dans les personnages vieillissants d'acteurs, de manière pathétique mais plutôt humoristique avec Marie Dressler (à l'autodérision jubilatoire il fallait oser le bon mot sur son double menton) et carrément tragique pour John Barrymore, saisissant en star déchue et ruinée. Clairement la figure la plus tragique du film, abaissée plus bas que terre et faisant définitivement basculer l'ensemble dans une touche bien plus tragique. Du coup malgré l'aspect plutôt enlevé de l'ensemble, une atmosphère douce amère se fait plutôt dominante devant ses ses tonalités contrastées où la mise en scène de Cukor sert totalement ses personnages tel ce long plan fixe lors de l'échange entre le médecin et son épouse ou l'ellipse remarquable de subtilité lors de l'amorce de chantage de la femme de chambre de Jean Harlow. Conçu par David O' Selznick pour surfer sur le succès du all star cast de l'année précédente Grand Hotel , Les Invités de Huit Heures lui est supérieur en tout point même si Cukor fera bien mieux par la suite.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner, avec un amusant documentaire d'époque consacré à Jean Harlow grande attraction du film sur laquelle a largement jouée la promotion.
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