Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
On murmure dans la ville - People Will Talk, Joseph L. Mankiewicz (1951)
Noah Praetorius est un brillant gynécologue qui donne
des cours dans une école de médecine et dirige une clinique privée, où
il privilégie les rapports humains avec ses patientes. L'une d'elles,
Deborah Higgins, est une jeune future mère célibataire en détresse, dont
il tombe amoureux (et réciproquement). Le Dr Praetorius est apprécié de
tous ses collègues et ses étudiants, à l'exception du Professeur
Ellwell qui le jalouse et qui diligente une enquête interne visant à
éclairer le « passé trouble » du médecin et le mystère entourant la
présence constante à ses côtés du dénommé Shunderson...
Le 22 octobre 1950 se tient une assemblée des plus tendues au sein de la
Screen Directors Guild, syndicat des réalisateurs américain. Cecil B.
DeMille y a convoqué ses pairs afin d'en évincer Joseph L. Mankiewicz,
président de la guilde et suspect à ses yeux d'opinions politiques trop
progressistes. Nous somme aux débuts du Maccarthysme (dont les actions
s'intensifieront deux ans plus tard) et le but profond de la manœuvre
est de dénoncer les réalisateurs en vue trop proche du parti communiste.
L'injustice sera évitée en partie grâce à la courageuse intervention de
John Ford auteur de cette sortie légendaire envers DeMille : « Mon nom
est John Ford et je fais des westerns. Je t’admire Cecil, mais je ne
t’aime pas. ». La tête de Mankiewicz sera sauvée ce jour-là mais
l'expérience le marqua durablement au point de l'exploiter dans un de
ses meilleurs films, People will talk, un an après
les évènements. Il trouvera matière à exprimer sa pensée sur cette
malveillance ordinaire et volonté de calomnie en adaptant la pièce de
Curt Goetz Dr Praetorius, dont un film allemand fut d'ailleurs déjà tiré en 1950 Frauenarzt Dr. Prätorius.
L'histoire nous place dans une petite ville où sévit un médecin pas
comme les autres, le Dr Praetorius (Cary Grant). Proche de ses patients
et adepte de méthodes anticonformistes, il privilégie l'humain et la
psychologie comme moteur de la guérison plutôt que d'en rester à la pure
prescription sans accompagnement. Pour lui la rémission physique
s'accompagne de celle plus mentale et il cherche à placer ses patients
dans les conditions les idéales pour parvenir aux deux. Nous découvrons
donc ce médecin parfait et idéaliste faire face à divers problèmes grâce
à ses qualités de compréhension et d'empathie, son humour et bagout
faisant allégeant toujours les instants difficiles et surtout sa
profonde implication envers les autres. L'interprétation subtile et
pleine d'allant de Cary Grant évite d'en faire un saint parfait dont on
se sentirait lointain même si bien sûr cette figure de médecin est très
idéalisée.
La fantaisie enfantine de l'acteur crée donc avec lui pour le spectateur la même
proximité que ses patients dont les saillies et le calme apaisent et le
script même dans ses actions les plus vertueuses parvient à le pousser
dans ses retranchements. C'est particulièrement vrai pour la romance
avec le personnage de Jeanne Crain, future mère célibataire dans cette
Amérique moralisatrice des années 50 et qu'il va sauver de vindicte
populaire en l'épousant.
Mankiewicz sait idéalement se reposer sur le
charisme de son acteur puisque si une relative ambiguïté demeure quant
aux raisons de l'acte chevaleresque du Dr Praetorius (bienveillance ou
amour réel pour sa patiente ?) lorsque viendra l'heure des
explications Grant exprimera une telle sincérité et aisance à exprimer
ses sentiments profonds que le drame ne dépassera pas le temps d'une scène
intense après laquelle Jeanne Crain ne doutera plus de lui.
Pourtant ce dévouement et cette réussite suscite la jalousie et la
malveillance, Mankiewicz usant de situations et dialogues brillants pour
souligner les maux qui agitent la société américaine d'alors. Ce sera
tout d'abord par la vision de l'enfermement sur soi, de l'ignorance et
de la bêtise crasse que cela éveille chez certains individus à travers
la figure John Higgins (Will Wright) oncle entretenant Jeanne Crain et
son père Arthur (Sidney Blackmer). N'ayant jamais dépassé l'enclos de sa
ferme et uniquement préoccupé par ses profits fermiers et les préceptes
de la bible, c'est pour Mankiewicz le type d'être idéal à croire et
soutenir les affirmations nauséabondes que lui suggère son poste de
radio (tout comme dans Chaînes Conjugales il
dénonce ces nouveaux médias abrutissant).
La sympathie du réalisateur va
plutôt à cette figure de père qui a certes échoué matériellement mais
qui a connu une vie intellectuelle passionnante et parcouru le monde.
Cette simple bêtise laisse place à la pure méchanceté à travers le
personnage de professeur jaloux incarné par Hume Cronyn. Envieux de la
réussite de Praetorius, il va mener l'enquête afin de trouver le secret
enfouit dans le passé mystérieux de notre héros et sans doute lié à la
figure mi- ange gardien mi- enfantine de Shunderson (Finlay Currie)
vieil homme dévoué qui l'accompagne partout. Le message se fait encore
plus clair lors de la magistrale conclusion où Praetorius fait face à
ses accusateurs dans une commission au mimétisme évident avec la future
Commission sur les Activités Anti-Américaines (HUAC).
L'atmosphère
inquisitrice et pesante accompagné de la répétition par Cary Grant de
cette phrase tant prononcée par ceux qui refusèrent de dénoncer leur
camarades Je refuse de répondre à cette question
est une expression puissante et synonyme de la prise de risque de
Mankiewicz qui place cette opinion forte au cœur d'une œuvre de
divertissement intelligente. L'issue y sera moins tragique que celle des
futurs blacklistés et s'achève sur un épilogue triomphal et optimiste où
Grant vainqueur dirige un orchestre sur les accords de L'Ouverture pour une fête académique, op. 80 de Johannes Brahms. Un des très grands films de Mankiewicz.
Est-il exact, néanmoins, qu'après cette folle nuit de la Scree directors guild où se sont illustrés, par leur courage, Don Hartman, John Ford, Delmer Daves,etc., en affrontant "Mister de Mille", Mankiewicz, 5 ou 6 jours après, a finalement cédé et fait signer aux réalisateurs cette Charte anti-rouges qu'il n'avait pourtant pas voulu mettre en place et qui était à l'origine de tout ce binz...? J'ai cru voir ça dans le bouquin de Brion sur John Ford...
Je ne sais plus exactement ce qui s'est déroulé après mais effectivement mais de toute façon c'était plus semble t il une solidarité envers la prise à partie de Mankiewicz par DeMille qu'une opposition au McCarthysme qui a provoqué le conflit à ce moment là. Deux ans plus tard à peine Elia Kazan dénonçait ses amis communistes...
L’histoile est encore d’actualité en 2016-17-18 avec les hypothétiques lien de Trump et Poutine Le ridicule nous tuerais tous si les vendeurs de haine armés jusqu’aux dents finissaient par l’emporter...avec des mensonges...
Est-il exact, néanmoins, qu'après cette folle nuit de la Scree directors guild où se sont illustrés, par leur courage, Don Hartman, John Ford, Delmer Daves,etc., en affrontant "Mister de Mille", Mankiewicz, 5 ou 6 jours après, a finalement cédé et fait signer aux réalisateurs cette Charte anti-rouges qu'il n'avait pourtant pas voulu mettre en place et qui était à l'origine de tout ce binz...? J'ai cru voir ça dans le bouquin de Brion sur John Ford...
RépondreSupprimerJe ne sais plus exactement ce qui s'est déroulé après mais effectivement mais de toute façon c'était plus semble t il une solidarité envers la prise à partie de Mankiewicz par DeMille qu'une opposition au McCarthysme qui a provoqué le conflit à ce moment là. Deux ans plus tard à peine Elia Kazan dénonçait ses amis communistes...
RépondreSupprimerL’histoile est encore d’actualité en 2016-17-18 avec les hypothétiques lien de Trump et Poutine
RépondreSupprimerLe ridicule nous tuerais tous si les vendeurs de haine armés jusqu’aux dents finissaient par l’emporter...avec des mensonges...