Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Les Plus Belles Années de notre vie - The Best Years of Our Lives, William Wyler (1946)
En 1945, alors que se termine la
Seconde Guerre mondiale, le destin rassemble trois soldats dans l'avion
qui les ramène à Boone City, leur ville natale. Il s'agit du sergent
d'infanterie Al Stephenson, du capitaine d'aviation Fred Derry et du
marin Homer Parrish. Les trois sont impatients de retourner chez eux,
bien qu'ils partagent chacun la même inquiétude à l'idée de reprendre
une vie normale...
William Wyler s'inscrivait au cœur des
préoccupations de l'Amérique d'alors avec cette poignante vision de la
difficile réinsertion des vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Le
problème avait son importance dans un pays devant repartir après avoir
vécu des années au rythme de l'effort de guerre et c'est d'ailleurs un
article du Times (paru en aout 1944) sur les difficultés de retour à la
vie civiles des héros de guerre donne à Samuel Goldwyn l'idée de
produire un film sur le sujet. Il commande alors au correspondant de
guerre MacKinlay Kantor un script dont celui-ci tirera tout d'abord un
roman Glory for me qui sera finalement adapté par Robert Sherwood pour donner Les Plus belles Années de notre vie.
William Wyler est tout aussi personnellement impliqué puiqu'entre 1942 et
1945 il entra dans les forces aérienne pour laquelle il filma deux
documentaires, The Memphis Belle: A Story of a Flying Fortress ( 1944) et Thunderbolt!
(tourné en 1944 et sorti en 1947) où pour le premier il filma au plus
près les manœuvres d'une forteresse volante durant ses missions en
Europe et le second (Co réalisé avec John Sturges) le quotidien d'une
escouade de bombardiers P-47 durant ses campagnes en méditerranée. Dans
les deux cas, Wyler partagea largement les risques des soldats,
s'évanouissant durant un vol par manque d'oxygène, voyant disparaître
son caméraman et ami Harold J. Tannenbaum dont l'appareil sera abattu,
et subira de sérieuses lésion auditive suite à la longue exposition au
bruit des moteurs. Le réalisateur est donc parfaitement conscient des
traumas que ramènent les soldats au sein de leur foyer et cela s'avérera
d'autant plus vrai dans les descriptions des troubles du personnage de
Dana Andrews également pilote de bombardier.
Le récit s'attarde
sur le destin de trois soldat sde retour ensemble au sein de leur ville
de Boone City. Tous les séparent si ce n'est l'expérience du combat,
solide ciment de leur amitié. Le sergent d'infanterie Al Stephenson
(Fredrich March) retourne à sa femme Milly (Myrna Loy), ses deux grands
enfants et son métier aisé de banquier. Le capitaine d'aviation Fred
Derry (Dana Andrews) s'apprête lui à retrouver une épouse qu'il a à
peine connue avant son départ et aura bien du mal à concilier les
prestiges et récompenses acquis au front avec son ancien métier de
serveur qu'il ne s'imagine pas reprendre.
Enfin le marin Homer Parrish
(Harold Russell) est la fois le plus frappé et mieux loti de tous,
revenu amputé des deux mains et arborant désormais deux crochets il
pourra néanmoins compter sur une famille soudée et sa fiancée l'ayant
fébrilement toutes ses années. A travers ses trois personnages, Wyler
explore longuement toutes les difficultés pouvant se présenter au niveau
intime comme de la vie quotidienne. Les décorations n'ayant guère de
valeur sur le dur marché du travail et cette inconnue frivole (Virginia
Mayo) que l'on a épousé sans trop savoir pourquoi avant de partir pour
Dana Andrews. Ces jeunes adultes qu'on a laissé bambins et qui n'ont
plus besoin de nous, l'épouse fidèle avec laquelle il faut réapprendre à
vivre pour Al Stephenson. Apprendre à vivre avec le regard des autres
et discerner l'amour de la pitié chez sa fiancée pour Homer Parish.
Chacun
des héros représente une couche de la société américaine, une société
qui ne sais que faire d'eux et où ils ne trouvent plus leur place. Wyler
décrit bien cela notamment sur l'incompréhension des collègues de
Fredric March face au prêt accordés aux anciens vétérans, celui-ci
faisant preuve d'une compréhension s'accordant mal avec son métier. Les
nouvelles aptitudes de Dana Andrews parti limonadier et revenu pilote
chevronné semblent bien inutiles, le forçant devant pourtant revenir à
son ancienne condition. Le destin le plus touchant reste pourtant celui
de Homer Parish et du complexe entretenu par son handicap.
L'acteur
Harold Russell était réellement amputé des deux mains suite à un
incident avec des explosifs lors d'un exercice et fut donc munis de
crochets. Wyler le repéra dans Journal d'un Sergent,
film de l'armée sur la réhabilitation des vétérans et l'engagea,
modifiant ainsi le script où le personnage souffrait au départ de
troubles mentaux. Sa poignante prestation lui vaudra l'Oscar du meilleur
second rôle parmi les sept récoltés par le film, et même un Oscar
d'honneur attribué en amont (et créé pour l'occasion) pour avoir redonné
espoir aux vétérans sa victoire dans la vraie catégorie constitue un
exemple unique de double victoire.
Mais à vrai dire tous les acteurs
sont au diapason et excellent. On retiendra surtout un Dana Andrews qui
trouve son meilleur rôle en héros déchu qui cherche sa voie en ce monde
et l'histoire d'amour avec Theresa Wright (parfaite de compréhension et
de sensibilité), plus conventionnelle dans son approche mélo que le
reste du film parvient à captiver grâce à la qualité d'écriture et aux
talents des deux comédiens.
La mise en scène de Wyler fait preuve
de son brio habituel pour saisir les tourments intérieur de ces héros.
On retiendra notamment l'appréhension des trois hommes avant les retrouvailles au début, la déambulation de Dana Andrews dans le cimetière
de bombardiers, tout aussi obsolètes et inutiles que lui. La belle
scène où Homer Parrish fait partager son rituel d'handicapé à sa fiancée
pensant la faire fuir est tout aussi forte, tout comme l'échange de
regard final où tout se joue sans un mot entre Dana Andrews et Theresa
Wright. L'équilibre du casting entre gloires montantes et stars
établies, la force de cette thématique et le brio de Wyler firent du
film un triomphe critique et public de ce qui demeure un des plus beaux
classique du réalisateur.
Oui, c'est un film magnifique qui sera — tristement — toujours d'actualité. A la différence des films de guerre diffusés en grand nombre cette année (centenaire de 14-18, commémoration funèbre du 6 juin à Omaha Beach et sur les côtes de Normandie pour des milliers d'alliés) — dans six semaines, le 11 novembre 2014 ne sera certes pas oublié et nous reverrons VERDUN — ce n'est pas un film sur les combats, mais un film sur les blessures intérieures des vétérans, liés malgré la disparité de leur appartenance sociale, par le souvenir des épreuves et de ceux "qui n'en sont pas revenus". L'élément "mélo" est le bienvenu ici, traité avec tact où les femmes (sauf V.Mayo) se montrent à la hauteur de ces survivants dont elles partagent (et soulagent) la douleur. Les preuves d'amour des unes et des autres sont émouvantes (la scène de la chambre à coucher d'Homer où l'on comprend véritablement pour la première fois l'angoisse qui le hante, masquée par des démonstrations d'humour avec ses copains (pianiste compris) — il peut tout faire, y compris allumer une cigarette avec ses crochets — ou un repli silencieux, celui de l'humiliation intériorisée lorsqu'il est près des siens. Dana Andrews est meilleur ici que dans LAURA : c'est lui, sans doute qui est le plus douloureusement frappé par la double malchance que lui réserve son retour. Epoux d'une femme frivole, il est malgré ses galons rétrogradé derrière le comptoir qu'il a quitté quatre ans plus tôt. Bette Davis a dit à tort sans doute que Wyler ne savait pas diriger les femmes (JEZEBEL prouverait le contraire), mais ce que l'on peut affirmer ici est que sa direction des rôles masculins est sublime, sans doute parce qu'il sait personnellement de quoi il retourne pour ces rescapés de l'enfer.
encore moi : je m'interroge encore sur le sens de ce titre. Qu'il s'agisse de la guerre, ou du retour de la guerre, il ne peut y avoir qu'ironie ici.
Ou bien, est-ce l'aveu d'un misogyne qui chante la solidarité des hommes dans l'épreuve ? Les femmes, pourtant, je l'ai dit plus haut, pèsent de tout leur poids dans cette réconciliation à la vie civile …
Je pense aussi qu'il y a une certaine forme d'ironie dans le sens où les supposée plus belles années ont été perdues au front par les personnages à faire la guerre. C'est une forme de distance qu'on trouvera versant musical plus avec le titre "Born in the USA" de Bruce Springsteen dont les paroles évoquent justement les vétérans du Vietnam.
Si vous ne l'avez jamais et sur une même thématique du retour à la vie difficile post 2e Guerre Mondiale je vous recommande vivement le magnifique "Le Retour" de Mervyn LeRoy avec Lana Turner et Clark Gable.
Oui, c'est un film magnifique qui sera — tristement — toujours d'actualité. A la différence des films de guerre diffusés en
RépondreSupprimergrand nombre cette année (centenaire de 14-18, commémoration funèbre du 6 juin à Omaha Beach et sur les côtes de Normandie pour des milliers d'alliés) — dans six semaines, le 11 novembre 2014
ne sera certes pas oublié et nous reverrons VERDUN — ce n'est pas un film sur les
combats, mais un film sur les blessures intérieures
des vétérans, liés malgré la disparité de leur appartenance sociale, par le souvenir des épreuves et de ceux "qui n'en sont pas revenus". L'élément "mélo" est le bienvenu ici, traité avec tact où les femmes (sauf V.Mayo) se montrent à la hauteur de ces survivants dont elles partagent (et soulagent) la douleur. Les preuves d'amour des unes et des autres sont émouvantes (la scène de la chambre à coucher d'Homer où l'on comprend véritablement pour la première fois l'angoisse
qui le hante, masquée par des démonstrations d'humour avec ses copains (pianiste compris) — il peut tout faire, y compris allumer une cigarette avec ses crochets — ou un repli silencieux, celui de l'humiliation intériorisée lorsqu'il est près des siens.
Dana Andrews est meilleur ici que dans LAURA : c'est lui, sans doute qui est le plus douloureusement frappé par la double malchance que lui réserve son retour. Epoux d'une femme frivole, il est malgré ses galons rétrogradé derrière le comptoir qu'il a quitté quatre ans plus tôt.
Bette Davis a dit à tort sans doute que Wyler ne savait pas diriger les femmes (JEZEBEL prouverait le contraire), mais ce que l'on peut affirmer ici est que sa direction des rôles masculins est sublime, sans doute parce qu'il sait personnellement de quoi il retourne pour
ces rescapés de l'enfer.
encore moi : je m'interroge encore sur le sens de ce titre. Qu'il s'agisse de la guerre, ou du retour de la guerre, il ne peut y avoir qu'ironie ici.
SupprimerOu bien, est-ce l'aveu d'un misogyne qui
chante la solidarité des hommes dans l'épreuve ? Les femmes, pourtant, je l'ai dit plus haut,
pèsent de tout leur poids dans cette réconciliation à la vie civile …
Je pense aussi qu'il y a une certaine forme d'ironie dans le sens où les supposée plus belles années ont été perdues au front par les personnages à faire la guerre. C'est une forme de distance qu'on trouvera versant musical plus avec le titre "Born in the USA" de Bruce Springsteen dont les paroles évoquent justement les vétérans du Vietnam.
RépondreSupprimerSi vous ne l'avez jamais et sur une même thématique du retour à la vie difficile post 2e Guerre Mondiale je vous recommande vivement le magnifique "Le Retour" de Mervyn LeRoy avec Lana Turner et Clark Gable.
J'en parlais ici
http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2013/02/le-retour-homecoming-mervyn-leroy-1948.html