Paul, Mick, Len et
Gerry travaillent au dépôt de chemins de fer de Sheffield, dans le Yorkshire.
Ils s'occupent de l'entretien et de la signalisation des voies. Malgré les
difficultés quotidiennes, l'ambiance est bonne et tout le monde travaille main
dans la main. C'est Len, le plus âgé du groupe, qui dirige les opérations. Il a
passé la plus grande partie de sa vie à travailler six jours par semaine sur
les voies ferrées. Gerry, délégué syndical, s'active, quant à lui, à améliorer
le quotidien des employés, mais la direction se montre pas toujours coopérante.
C'est en arrivant un matin au dépôt que tous apprennent la privatisation des
chemins de fer. Le travail est désormais partagé entre sociétés privées
concurrentes.
The Navigators est
un des films les plus marquants de Ken Loach dans sa description de la perte d’identité
professionnelle. Il s’avère d’autant plus pessimiste dans la mesure où
contrairement à nombres de ses œuvres sociales antérieures (Raining Stones (1993), Looks and Smiles (1981)), Ken Loach nous
montre ici des personnages au travail et non plus des chômeurs mais leur
situation est tout aussi critique que le Mick de Looks and Smiles ou du héros de Raining
Stones. Cette dégradation se manifeste notamment par la description de
divers lieux, de l’évolution du
traitement de ces derniers selon l’avancée du film et de la situation des
personnages.
Le cadre du travail de ces cheminots peut se répartir entre
la salle de repos, le parking et les chemins de fer. La salle de repos est au
départ un lieu de camaraderie et de solidarité où se déroulent les moments de
respiration où Loach laisse s’instaurer une tonalité de comédie comme les
railleries que subit le personnage du balayeur (dont une hilarante autour de la
gratuité des sardines). Cet espace est aussi un lieu où l’on fait front et où l’on
revendique. Les moments clés seront par exemple ceux où les cheminots refusent
d’obéir lorsqu’il leur est demandé de pointer le dimanche et parviennent
momentanément à obtenir gain de cause. On pense également à la scène d’ouverture
où ils rient à gorge déployées devant les nouvelles mesures lues par leur
supérieur qu’ils désignent du doux sobriquet de « Harpic ». Ce moment amusant porte déjà le drame en
marche puisqu’affirmant le déni des personnages face à leurs nouvelles
conditions de travail. La désertification de ce lieu s’avère donc symbolique et
marquante du renoncement des cheminots à leur idéaux face à la tout puissance
économique. Seul le personnage de Gerry (le plus revendicateur et déterminé) y
demeurera seul jusqu’à la fin du film.
Les voies de chemin de fer, illustration du
professionnalisme, de la confiance et de la communion dans le travail des
ouvriers basculera aussi progressivement pour devenir un cadre de discorde, de
danger puis de mort lors de l’accident se déroulant en fin de film et
funestement prémonitoire puisque le tournage eu lieu avant l'accident ferroviaire de Hatfield du 17 octobre 2000 qui mis à jour la sécurité
défaillante. Tous ces procédés contribuent à figurer une déshumanisation
progressive de l’entreprise avec cette bascule qui se fit vers la privatisation
où les exigences se font plus intenables car l’interlocuteur est plus indistinct
et moins rompu, préoccupé des conditions
de travail des salariés.
Ken Loach s’inspirait de l’expérience désastreuse du
relai au service public qu’occupèrent un temps la Connex South Central et la
Connex South Eastern qui perdirent par la suite leur franchise. Le scénario du
film est d’ailleurs dû au vrai cheminot Rob Dawber qui vécut de près ses
bouleversements et qui profita de six semaines d’arrêt pour rédiger le script
après qu’un courrier adressé à Loach ait suscité l’intérêt de ce dernier. Il ne
devait malheureusement pas voir le résultat de ses efforts puisqu’il décéda d’un
cancer avant la sortie. Loach aura en tout cas respecté la description du
métier avec sa rigueur documentaire habituelle, su illustrer l’humanité et la
détresse de ses laissés pour compte dans un de ses films les plus sombres.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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