Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 25 avril 2014

The Navigators - Ken Loach (2001)


Paul, Mick, Len et Gerry travaillent au dépôt de chemins de fer de Sheffield, dans le Yorkshire. Ils s'occupent de l'entretien et de la signalisation des voies. Malgré les difficultés quotidiennes, l'ambiance est bonne et tout le monde travaille main dans la main. C'est Len, le plus âgé du groupe, qui dirige les opérations. Il a passé la plus grande partie de sa vie à travailler six jours par semaine sur les voies ferrées. Gerry, délégué syndical, s'active, quant à lui, à améliorer le quotidien des employés, mais la direction se montre pas toujours coopérante. C'est en arrivant un matin au dépôt que tous apprennent la privatisation des chemins de fer. Le travail est désormais partagé entre sociétés privées concurrentes.

The Navigators est un des films les plus marquants de Ken Loach dans sa description de la perte d’identité professionnelle. Il s’avère d’autant plus pessimiste dans la mesure où contrairement à nombres de ses œuvres sociales antérieures (Raining Stones (1993), Looks and Smiles (1981)), Ken Loach nous montre ici des personnages au travail et non plus des chômeurs mais leur situation est tout aussi critique que le Mick de Looks and Smiles ou du héros de Raining Stones. Cette dégradation se manifeste notamment par la description de divers lieux, de l’évolution  du traitement de ces derniers selon l’avancée du film et de la situation des personnages.

Le cadre du travail de ces cheminots peut se répartir entre la salle de repos, le parking et les chemins de fer. La salle de repos est au départ un lieu de camaraderie et de solidarité où se déroulent les moments de respiration où Loach laisse s’instaurer une tonalité de comédie comme les railleries que subit le personnage du balayeur (dont une hilarante autour de la gratuité des sardines). Cet espace est aussi un lieu où l’on fait front et où l’on revendique. Les moments clés seront par exemple ceux où les cheminots refusent d’obéir lorsqu’il leur est demandé de pointer le dimanche et parviennent momentanément à obtenir gain de cause. On pense également à la scène d’ouverture où ils rient à gorge déployées devant les nouvelles mesures lues par leur supérieur qu’ils désignent du doux sobriquet de « Harpic ».  Ce moment amusant porte déjà le drame en marche puisqu’affirmant le déni des personnages face à leurs nouvelles conditions de travail. La désertification de ce lieu s’avère donc symbolique et marquante du renoncement des cheminots à leur idéaux face à la tout puissance économique. Seul le personnage de Gerry (le plus revendicateur et déterminé) y demeurera seul jusqu’à la fin du film.

Les voies de chemin de fer, illustration du professionnalisme, de la confiance et de la communion dans le travail des ouvriers basculera aussi progressivement pour devenir un cadre de discorde, de danger puis de mort lors de l’accident se déroulant en fin de film et funestement prémonitoire puisque le tournage eu lieu avant  l'accident ferroviaire de Hatfield  du 17 octobre 2000 qui mis à jour la sécurité défaillante. Tous ces procédés contribuent à figurer une déshumanisation progressive de l’entreprise avec cette bascule qui se fit vers la privatisation où les exigences se font plus intenables car l’interlocuteur est plus indistinct et moins rompu, préoccupé  des conditions de travail des salariés. 

Ken Loach s’inspirait de l’expérience désastreuse du relai au service public qu’occupèrent un temps la Connex South Central et la Connex South Eastern qui perdirent par la suite leur franchise. Le scénario du film est d’ailleurs dû au vrai cheminot Rob Dawber qui vécut de près ses bouleversements et qui profita de six semaines d’arrêt pour rédiger le script après qu’un courrier adressé à Loach ait suscité l’intérêt de ce dernier. Il ne devait malheureusement pas voir le résultat de ses efforts puisqu’il décéda d’un cancer avant la sortie. Loach aura en tout cas respecté la description du métier avec sa rigueur documentaire habituelle, su illustrer l’humanité et la détresse de ses laissés pour compte dans un de ses films les plus sombres. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner



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