Afin de venger la mort
de son père et l'incendie volontaire de sa ferme en Irlande, Joseph Donelly
s'introduit dans la demeure de la famille responsable du drame, les Christie.
Sur place, le jeune homme fait la connaissance de la ravissante Shannon qui le
persuade de partir vers un monde meilleur, l'Amérique. Mais pour réussir leur
rêve américain, ils devront affronter ensemble bien des épreuves.
Le rêve américain et l’odyssée des pionniers en quête
d’ailleurs ont connu bien des visions dans le cinéma Hollywoodien, de l’épopée
industrielle d’un King Vidor avec son An American Romance (1944) en passant par l’édification dans le sang et les
larmes de Gangs of New York (2002) de
Martin Scorsese ou plus récemment la grâce naissant de la fange avec The Immigrant (2013) de James Gray. Far and Away emprunte un peu à toutes
tentatives mais en les plaçant sous un jour lumineux et romanesque à souhait. Si
Eyes Wide Shut (1999) et son
atmosphère sinistre signalait avant l’heure la rupture entre Tom Cruise et
Nicole Kidman, tout dans le traitement optimiste de Ron Howard illustre l’épanouissement
du couple naissant (marié en 1990) et leur alchimie contribue grandement à l’élan
du film.
Pour tous ces migrants, l’Amérique représentait une terre
de liberté. La réussite du scénario est d’élargir le champ de cette liberté. La
superbe introduction en Irlande place ainsi nos personnages dans deux prisons bien
différentes mais leur signifiant un avenir tout tracé et peu enchanteur. Pour
Joseph Donnelly (Tom Cruise) fils de fermier vivant dans la misère et subissant
le joug des riches propriétaires, posséder son propre lopin de terre n’est qu’un
doux rêve. Son père tué et sa ferme brûlée au détour d’une collecte qu’il ne
peut satisfaire, Joseph semble suivre malgré lui le destin maudit de ses
ancêtres en allant réclamer la vengeance pour laquelle tous lui montent la tête
en direction de Christie (Robert Prosky) responsable indirect du drame et
propriétaire de ses terres.
L’inexpérience du jeune homme en matière d’armes et
d’assassinats le démasque assez vite mais ce sera l’occasion de faire la
rencontre de la belle Shannon (Nicole Kidman), fille de Christie. Jeune femme d’un
tempérament fougueux, cette existence aristocratique et guindée lui est
insupportable et elle aussi rêve d’un ailleurs loin de ces carcans. Cet
ailleurs c’est l’Amérique, contrées éloignée dont n’aurait même pas rêvé Joseph
mais Shannon le convaincra de l’accompagner dans sa fugue avec la promesse d’une
terre bien à lui s’il parvient à la gagner lors de la grande course de l’Etat d’Oklahoma.
C’est parti pour une grande aventure qui les mènera du Boston irlandais aux
terres les plus sauvages du Nouveau Monde.
Si Ron Howard n’ose pas frontalement montrer l’envers du
décor sordide de ce rêve (on est loin des cadavres exposés en pleine rue de Gangs of New York par exemple) mais
préfère au contraire le prolonger en le pervertissant progressivement à travers
la personnalité naïve de ses héros. L’arrivée dans un Boston grouillant d’Irlandais
durs à cuire est un choc pour Shannon quand Joseph se trouvera dans son élément
pour inverser leur rapport maître/serviteur. Shannon sans se départir de
son caractère volcanique apprend les rudesses du travail manuel alors que Joseph reconverti champion de boxe goutte aux plaisirs de l’argent
facile et la célébrité. Shannon connaît bien la nature factice de ce prestige
et son équilibre vacillant (les retours en Irlande sur les rébellions paysannes
en attestent) mais Joseph aveuglé en fera brutalement l’expérience. L’Amérique
terre de tous les possibles peut tout vous donner puis vous le reprendre dans l’instant
si l’on ne sait pas saisir le rêve qu’il faut et après la première partie
euphorisante Howard montre l’envers plus choquant de la ghettoïsation et de la
misère.
Tout cela reste très édulcoré comparé aux autres productions évoquées
sur ce thème mais en se reposant sur l’empathie envers les personnages, Howard
touche au cœur. Tom Cruise et Nicole Kidman (encore dans sa période frisette)
font montre d'une belle complicité, autant dans la comédie romantique enlevée que par la tension sexuelle entre eux, lui dans le registre du jeune idéaliste
fougueux et elle en bourgeoise hautaine, personnages archétypaux mais qui ont
une évolution vraiment intéressante. Le plus beau moment du film est d’ailleurs
celui où ils sont enfin placés sur un pied d’égalité dans le dénuement,
réfugiés dans une maison vide par un hiver glacial et que, sans inhibitions,
ils s’avouent leurs sentiments. Le charme fonctionne à un point tel que même
quelques idées maladroites passent sans difficultés comme les parents de Shannon
venu aussi tout recommencer en Amérique, grâce à la bonhomie de Robert Prosky et
la maladresse de Barbara Babcock (habitués aux rigueurs de l’Ouest dans des
westerns plus anciens comme Le Jour des Apaches (1968) et qui deviendrait une des héroïnes de la série Docteur Quinn).
Horizons Lointains
fut un des derniers films (avec le Hamlet
de Kenneth Branagh) tourné dans le monumental format 70 mm qui n’avait plus
été utilisé depuis David Lean et La Fille de Ryan (1970). Ron Howard l’exploite à merveille en offrant des vues
majestueuses des côtes irlandaises verdoyantes en début de film, exploite la
richesse et le détail des faubourgs de Boston et bien sûr donne une ampleur
fabuleuse à la grande course finale. On sent définitivement dans ce moment
épique les moyens colossaux déployés (pas de doublure numérique nous sommes en
1992), le spectaculaire ne sacrifiant jamais à l’émotion où cette terre tant
désirée n’a plus d’importance si elle ne peut être partagée avec l’autre. Un
beau film d’aventures qui reçut pourtant une réception mitigé à sa sortie (dont un accueil
cannois tiède où il faisait l’ouverture) mais dont l’élan romanesque est
toujours du plus bel effet notamment grâce au beau score de John Williams.
Sorti en dvd zone 2 chez Sony et récemment en blu ray sous titré anglais
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