En 1932, lors d'un
reportage sur un meeting d'acrobatie aérienne à La Nouvelle-Orléans, le
journaliste Burke Devlin rencontre un passionné d'aviation, Roger Shumann,
héros de l'Escadrille Lafayette, et sa femme Laverne...
Douglas Sirk retrouvait dans La Ronde de l’aube le casting de son flamboyant Écrit sur du vent (1956) avec le trio
composé de Rock Hudson, Dorothy Malone et Robert Stack. Écrit sur du vent était un des mélodrames les plus excessifs et
tourmentés du réalisateur auquel La Ronde
de l’aube est une réponse plus intimiste dans l’exploration de personnages
aux caractères proches. Le film est d’ailleurs tourné en noir et blanc, teinte
privilégiée des mélodrames feutrés de Sirk (AllI Desire (1953), Demain est un autre jour (1956)) s’opposant à la flamboyance de ceux en couleur qui réclamait
une certaine emphase esthétique et narrative (Le Secret Magnifique (1954), Tout ce que le ciel permet (1955)).
Sirk adapte ici le roman Pylône
de William Faulkner paru en 1935. Il avait déjà cherché à transposer l’ouvrage
lorsqu’il il était encore en Allemagne et officiait à la UFA, surtout fasciné
alors par le monde de l’aviation. Bien plus tard et désormais installé aux
Etats-Unis, Sirk aura l’heureuse surprise de voir qu’Universal où il est sous
contrat possède les droits du livre et pourra cette fois s’y atteler mais
plutôt que l’aviation, ce sera la dimension tragique des personnages qui
l’intéressera. Écrit sur du vent
dépeignait l’insatisfaction et le caractère torturé de héros dont la richesse
et ne pouvait compenser les fêlures. Le cadre de rêve dans lequel ils
évoluaient ne pouvait compenser les ténèbres obscurcissant leur esprit. Dans La Ronde de l’aube, c’est surtout
l’opposition entre les rêves qu’ils ont pu poursuivre ou recherchent encore
avec la triste réalité dans laquelle ils évoluent.
C’est sur cette idée que se
noue le drame du film et notamment le triangle amoureux. Roger Shumann (Robert
Stack) est un héros de la Première Guerre Mondiale où il fut pilote d’avion au
sein de L’Escadrille Lafayette. Il ne se sent pourtant pas digne des mythiques
aviateurs auquel il est comparé et la mort au combat qui aurait pu lui
permettre d’être leur égal dans l’éternité, il la poursuit en prenant tous les
risques lors des meetings aériens et des courses périlleuses auxquels il
participe. Pour prendre part à de telles joutes sans trembler, il faut avoir un
sang-froid et une maîtrise quasi inhumaine qu’il prolonge finalement dans sa
vie quotidienne avec la distance qu’il entretient avec son épouse Laverne
(Dorothy Malone).
Elle aussi a couru après un rêve à travers celui qu’elle aime
et dont elle est tombée amoureuse adolescente en le voyant sur une affiche,
l’homme ne se montrera guère à la hauteur de l’icône. La froideur de Shumann et
la dévotion de Laverne sont exprimée à la fois de manière symbolique et par les
situations dramatiques par Sirk. Laverne exprime un attrait charnel sur les
hommes que Shumann exploite lors de ses acrobaties en parachute le péril de la
prouesse intéresse moins les spectateurs masculin que le vent qui soulève sa
robe et expose ses jambes à tous.
Leur relation est viciée dès le départ
lorsqu’il gagnera sa main aux dés et, obnubilé par l’idée de retrouver les airs
n’hésitera pas la donner en pâture à un entrepreneur libidineux pour obtenir le
droit de piloter son avion après le crash du sien. Le journaliste Burke Devlin
(Rock Hudson) en quête d’un bon sujet observe un temps le drame en spectateur
mais s’impliquera malgré lui lorsqu’il tombera à son tour sous le charme de
Laverne. Sa proximité avec ces kamikazes des airs s’explique car il se
reconnaît également en eux, ses rêves de grands reportages ayant été noyés dans
l’alcool et la feuille de chou locale miteuse où il écrit.
Le titre du film par la différence qu’il fait avec celui du
livre exprime bien cette idée de déchéance, The
Tarnished Angels pouvant être traduit par « les anges déchus ».
Sirk voyait dans ses grands mélodrames une forme d’expression contemporaine de
la tragédie grecque lui permettant d’inoculer sa culture européenne dans la
machinerie hollywoodienne. Cela n’a jamais été plus vrai qu’ici dans la manière
dont se débattent les personnages entre le déterminisme de l’intrigue et leur volonté d'échapper au funeste destin dont les signes alarmistes affluent (le masque de mort de mardi gras surgissant lors du baiser entre Dorothy Malone et Rock Hudson).
Dorothy Malone bouleverse ainsi de bout en bout, brisée par des années d’union
sans passion et dont la sensualité attire tous les regards sauf celui pour
lequel cela compte le plus.
Cet attrait était l’expression volontaire et
exacerbée de son dépit amoureux dans Écrit
sur du vent, c’est un fardeau attirant les vautours et suscitant les ragots
dans La Ronde de l’aube. Robert Stack
révélait ses fêlures l’excès et la folie
dans le film de 1956, c’est par un masque impassible que se révèle son
incapacité à exprimer ses sentiments ici. Enfin, la sagesse tranquille de Rock
Hudson est cette fois mise à mal par un personnage bien plus complexe, un raté
bien loin des êtres beaux et conquérants incarnés dans les précédents Sirk (le
studio ayant même atténué le côté abîmé du personnage où Hudson avait mis à mal
son physique de façon bien plus prononcée).
C’est lorsqu’ils dépassent leur statut
et cherchent à s’en sortir que les personnages se perdent définitivement.
Shumann osant enfin révéler son amour réel à Laverne devient soudain trop
vulnérable et faillible pour ses exploits aériens et sera trahi par son
appareil. Il rejoindra les héros qu’il admirait autant par sa chute que par la
magnifique oraison funèbre que lui fera Rock Hudson dans une des dernières
scènes. Comme dans nombre de ses mélodrames Sirk ne sacrifie pas totalement à
la tragédie (se souvenir de Mirage de la vie (1959) où la tragique scène
d’enterrement voit aussi l’adoption symbolique de la jeune fille noire par Lana
Turner) avec une fin ouverte où l’on peut autant voir un adieu qu’une possible promesse
de recommencement. Un des plus beaux films du réalisateur.
Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta
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