Un soir, dans une petite ville qui traverse la route nationale, arrivent deux inconnus. Ils cherchent quelqu'un. Ce sont des tueurs à gages. Leur victime sera un autre inconnu, Pete Lunn, installé depuis peu dans cette modeste bourgade et qui tient un poste d'essence. Pete Lunn, prévenu de leur arrivée, ne cherche cependant pas à s'enfuir et attend avec fatalisme qu'ils l'abattent. Mais Lunn avait souscrit à une assurance sur la vie.
La compagnie d'assurance désigne l'un de ses détectives, James Reardon, pour enquêter sur cette affaire. Interrogeant les témoins et ceux qui ont connu Pete Lunn, Reardon reconstitue le puzzle mystérieux...
The Killers est une date dans l’histoire du film noir mais
aussi le révélateur de deux des plus grandes stars de l’âge d’or Hollywoodien
avec les débutants But Lancaster et Ava Gardner. Le film est une adaptation de
la courte nouvelle éponyme d'Ernest Hemingway mais en est surtout un
développement puisque seules les dix premières minutes chargées de mystère en
sont tirées. Deux tueurs patibulaires débarquent dans une petite ville de
province, menaçant tous ceux qu’ils croisent à la recherche de leur le cible,
le « suédois » Peter Lunn (Burt Lancaster). Celui-ci, prévenu de son
sort attend pourtant résigné ses bourreau et se laissera abattre sans un geste.
La nouvelle se terminait juste avant que l’acte fatal ne soit commis et le
scénario (officieusement signé John Huston pour la majeur partie mais laissant
le crédit à Anthony Veiler car il était alors en contrat à la Warner) développe
l’après ou plutôt l’avant avec l’enquête d’un agent d’assurance qui va dans une
structure à la Citizen Kane remonter
le passé de la victime et les raisons l’ayant amené à faire montre de si peu
d’opposition face à la mort imminente.
Robert Siodmak avait avec d’autres posés nombres de codes du
film noir avec Phantom Lady (1944) et
The Spiral Staircase (1945) et
ajouterait en cette même années 1946 la dimension psychanalytique du genre avec
Double Énigme. Dans Les Tueurs, c’est le sentiment de fatalité et
d’inéluctable grandement magnifié par Billy Wilder et son Assurance sur la
mort (1944) qui a cours, à nouveau provoqué par une femme fatale manipulatrice.
Siodmak amène cela par une mise en scène jouant sur plusieurs tableaux. D’abord
par une dimension opératique jetant dès l’ouverture avec la photo d’Elwood
Bredell déployant ses ombres funèbres sur cette petite ville dès l’arrivée des
tueurs notamment lorsqu’il pénètre dans le snack.
Cette fatalité est également
contenue par la mine de chien battu et de loser né qu’arbore Burt Lancaster.
Lors de la scène d’ouverture, son visage disparait dans l’ombre et sa présence
ne se signale que par un phrasé éteint car cet homme est déjà mort bien avant d’être
transpercé par les balles. Les flashbacks dévoileront en filigrane les raisons
de cette mort attendue et espérée avec ce boxeur déchu mené à sa perte par la
rencontre de la troublante Kitty Collins (Ava Gardner).
L’alchimie entre Burt
Lancaster et Ava Gardner est un des grands atouts du film. Lancaster fait des
débuts fracassant avec ce rôle de brute épaisse influençable et Ava Gardner
après avoir végété dans des productions de secondes zones au sein de la MGM vit
enfin sa chance tourner avec le plus mineur Tragique rendez-vous (1946)
et le film de Siodmak. Conscient du jeu pas encore assuré de la débutante, Siodmak en fait d’ailleurs
une sorte de chimère fantasmatique dont la duplicité ne se construit qu’au fil
des flashbacks. Aucune réelle scène d’amour n’est partagée entre eux, les
retours au passé n’étant là que pour souligner le charme et l’emprise de Kitty
sur le Suédois.
Ce sera pour le montrer brisé par son départ, une première
rencontre où tout semble s’estomper pour n’avoir d’yeux que cette à la grâce irréelle,
assumer un vol de la belle ou s’engager dans une affaire criminelle à risque.
Ava Gardner déploie ainsi un charisme aussi vénéneux qu’insaisissable, ne
daignant exprimer une émotion sincère que dans la toute dernière scène pour
sauver sa peau (Siodmak ayant tendu toute sa direction d'Ava Gardner vers ce moment où elle doit enfin se dévoiler dans tout son égoïsme).
L’ensemble des
enjeux du film dessinent une forme de vacuité dans ce après quoi courent tous
les personnages. Le suédois poursuit un amour qui le manipule, Kitty trahit
tout le monde par appât du gain et l’enquête de l’agent d’assurance et les
risques qu’il prend n’auront pour conséquence qu’une hausse de la prime annuelle
de sa compagnie et un jour de congé supplémentaire pour lui. Siodmak pose ainsi
un regard à la fois cru et distant sur le drame en marche symbolisé par ce
superbe plan-séquence lors de la scène de hold-up où un mouvement de grue
accompagne la brutalité du méfait avec un recul soulignant cette vacuité.
Les
péripéties nous ayant menés là s’avéreront vaines pour chacun qui ne pourra
profiter de cet argent ou des rapprochements qu’il pourrait susciter. Dans un sens,
tout était dit en début de film lorsque le Suédois après l'apparition d'un fantôme du passé cesse de courir en
vain et laisse la mort venir à lui. La roue du destin a rarement paru aussi
impitoyable et aveugle que dans Les Tueurs. Un classique qui en générera
un autre bien plus tard avec l’excellent remake de Don Siegel (qui alors encore
monteur fut envisagé pour réaliser l’original qui aurait été son premier film) À bout portant (1964).
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
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