En raison d’un fort brouillard sur Londres Everard Logan, jeune avocat spécialisé dans les affaires de divorce, est contraint de se réfugier dans une suite du luxueux Royal Park Hotel. Leslie Steele, jeune femme célibataire et respectable, qui cherche désespérément un lit où passer la nuit, use d’astuces pour partager la suite du jeune homme. Elle lui fait croire qu’elle est mariée et qu’elle doit divorcer le lendemain de Lord Mere.
Le Divorce de Lady X
est une délicieuse comédie romantique où Alexander Korda lorgne vers la
screwball comedy américaine. Si en termes de rythme on n’est pas encore à ce
niveau, l’audace du propos et le regard amusée sur la société anglaise fait
tout le charme de cette romance. Le film est une adaptation de la pièce de
Gilbert Wakefield, Counsel's Opinion,
et le remake du film éponyme de 1933 déjà produit par Korda via sa société London
Films. Cette reprise se fera à l’aune du glamour avec technicolor mettant en
valeur un décorum luxueux et un casting de stars montantes au sommet de leurs
photogénies avec Merle Oberon (épouse d’Alexander Korda et très en vue depuis
le succès de La Vie Privée d’Henry VIII)
et Laurence Olivier.
Le film s’ouvre sur l’animation de la nuit londonienne, sa
circulation bruyante et ses enseignes aux néons tapageurs. Un tumulte bientôt
interrompu par un brouillard envahissant qui va arrêter toute activité. Everard
Logan (Laurence Olivier), un avocat de retour de voyage est alors contraint de
prendre une suite dans le luxueux Royal Park Hotel. En ces mêmes lieux se
déroule un bal costumé auquel assiste la jeune Leslie Steele (Merle Oberon) qui
elle aussi va se retrouver bloquée sur place par le brouillard.
La direction de
l’hôtel va compter sur la courtoisie des gentlemen ayant déjà une suite pour la
laisser aux autres femmes dans cette situation, demande à laquelle Everard va
adresser un refus tout en muflerie. C’est sans compter l’audace de Leslie qui
en vraie enquiquineuse va s’introduire dans la suite, amadouer le goujat et
aller jusqu’à occuper son lit tandis que lui est contraint de dormir par terre
sur un matelas de fortune. Merle Oberon, tout en sourire enjôleur et manières
de chipie adorable (le panneau Do not
disturb alors qu’elle vient d’expulser Everard de son propre lit) offre un
parfait contrepoint à la gaucherie de grand dadais ahuri d’un Olivier
rapidement dépassé. L'alchimie entre Olivier et Oberon est en tout cas déjà palpable et réjouissante, se voyant réutilisée dans une veine plus dramatique l'année suivante dans Les Hauts de Hurlevent (1939) de William Wyler.
Tim Whelan – réalisateur américain installé en Angleterre et
à l’œuvre dans de nombreuses productions Korda comme le film d’espionnage Armes Secrètes (939) ou Le Voleur de Bagdad
(1940) dont il dirige la majeur partie- distille la tension érotique de cette
promiscuité avec une inventivité constante. La théâtralité d’origine est
parfaitement exploitée avec les va et vient des personnages d’une pièce à une
autre, le montage subtil montrent les sentiments changeant dans des situations
inconvenantes alors que les murs séparent pourtant le couple tel ces premiers
émois d’Olivier alors qu’Oberon enfile son pyjama dans la salle de bain. Un
malaise renforcé par la surprise du valet de chambre ne trouvant plus un client
mais une cliente au petit matin et c’est bien sûr quand Laurence Olivier fera
une amorce de déclaration d’amour que la belle s’évaporera.
Le plus amusant reste cependant le jeu de faux-semblants permanent de cette guerre des sexe. Si
l’intimité de cette chambre n’a pas conduit à une liaison, les protagonistes
auront donnés d’eux-mêmes une image bien différente de celle qu’ils tiennent à
l’extérieur. On en aura un simple aperçu avant qu’ils ne soient coincés
ensemble, le machisme d’Everard se traduisant par le rejet initial d’une
présence féminine bruyante et stérile dans sa chambre puisqu’en tant qu’avocat
spécialisé en divorce il a eu affaire plus d’une fois cette frivolité et bêtise
qui est l’apanage de toutes les femmes selon lui.
Pourtant face au sourire de
Leslie il succombe comme le dernier des nigauds malgré sa méfiance, et pour
cause : il vient de tomber amoureux. Leslie est quant à elle bien plus
innocente que ne laisse supposer sa désinvolture mais va se faire passer pour
une femme mariée de petite vertu. Un mensonge renforcé par la plainte de Lord
Mere (Ralph Richardson) sollicitant les services d’Everard pour l’infidélité de
sa femme ayant séjournée au même hôtel dans des conditions similaires. Un
quiproquo plaisant s’ajoute donc à l’ensemble, bien aidé par la prestation
loufoque d’un Ralph Richardson s’en donnant à cœur joie dans l’indignation
forcée et le ridicule de ce cocu magnifique.
Il manque au film ce petit zeste de folie dans les
situations et la mise en scène pour transcender son excellent postulat de
départ mais expose un message fort caustique sur les relations hommes/femmes.
Everard, fort de son machisme et de ses préjugés (hilarante séquence de
plaidoirie où il définit la culpabilité de l’accusée par son sexe et la
faiblesse évidente qui en découle) doit les renier et se rabaisser pour
conquérir Leslie. Celle-ci doit au contraire dissimuler son manque d’expérience
derrière une fausse image de femme aventurière pour imposer sa volonté à
Everard.
Chacun renonce à ce que la société semble vouloir faire
obligatoirement de lui (un homme rustre et insensible, une femme fragile et
innocente) pour conquérir l’autre, l’homme contraint de se montrer vulnérable
et la femme d’affirmer une force de caractère plus affirmée. Le script de Lajos
Biro évite d’ailleurs de se montrer trop binaire dans sa démonstration avec quelques merveilleux moments d’ironie
comme lorsque Leslie et Lady Mere se plaignent de l’image frivole qu’ont d’elles
les hommes, précisément au moment où elles se font pomponner dans un institut
de beauté. Il est d’ailleurs dommage que le final où Merle Oberon doit à son
tour faire le chemin pour reconquérir son homme vexé soit un peu expédié.
Tout cela est servi dans un écrin magnifique porté notamment
par la photo d’Harry Stradling Sr dont le technicolor se rapproche au plus près
des exigences de la tatillonne Natalie Kalmus –épouse d’Herbert Kalmus
inventeur du technicolor et présente par contrat sur les tournages utilisant le
procédés- avec ces couleurs pales, désaturées, accentuant la teneur abstraites
des décors aussi sophistiqué que factice où évolue le couple.
C’est dans ce
film et quelques autres de cette période que naît cette grande différence entre
le technicolor pétaradant et saturé hollywoodien abhorré par Natalie Kalmus et
celui plus subtil du cinéma anglais popularisé plus tard dans les films de
Michael Powell et Emeric Pressburger entre autre. Miklós Rózsa signe lui un de
ses scores les plus sautillant qui contribue grandement à la bonne humeur de l’ensemble.
Un petit bijou de comédie, charmeur et léger comme une bulle de savon qui ouvre la voie à Ariane de Billy Wilder voir même au plus récent Intolérable Cruauté des frères Coen.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant
Extrait
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