Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 8 décembre 2013

Le Divorce de Lady X - The Divorce of Lady X, Tim Whelan (1938)


En raison d’un fort brouillard sur Londres Everard Logan, jeune avocat spécialisé dans les affaires de divorce, est contraint de se réfugier dans une suite du luxueux Royal Park Hotel. Leslie Steele, jeune femme célibataire et respectable, qui cherche désespérément un lit où passer la nuit, use d’astuces pour partager la suite du jeune homme. Elle lui fait croire qu’elle est mariée et qu’elle doit divorcer le lendemain de Lord Mere.

Le Divorce de Lady X est une délicieuse comédie romantique où Alexander Korda lorgne vers la screwball comedy américaine. Si en termes de rythme on n’est pas encore à ce niveau, l’audace du propos et le regard amusée sur la société anglaise fait tout le charme de cette romance. Le film est une adaptation de la pièce de Gilbert Wakefield, Counsel's Opinion, et le remake du film éponyme de 1933 déjà produit par Korda via sa société London Films. Cette reprise se fera à l’aune du glamour avec technicolor mettant en valeur un décorum luxueux et un casting de stars montantes au sommet de leurs photogénies avec Merle Oberon (épouse d’Alexander Korda et très en vue depuis le succès de La Vie Privée d’Henry VIII) et Laurence Olivier.

Le film s’ouvre sur l’animation de la nuit londonienne, sa circulation bruyante et ses enseignes aux néons tapageurs. Un tumulte bientôt interrompu par un brouillard envahissant qui va arrêter toute activité. Everard Logan (Laurence Olivier), un avocat de retour de voyage est alors contraint de prendre une suite dans le luxueux Royal Park Hotel. En ces mêmes lieux se déroule un bal costumé auquel assiste la jeune Leslie Steele (Merle Oberon) qui elle aussi va se retrouver bloquée sur place par le brouillard.

La direction de l’hôtel va compter sur la courtoisie des gentlemen ayant déjà une suite pour la laisser aux autres femmes dans cette situation, demande à laquelle Everard va adresser un refus tout en muflerie. C’est sans compter l’audace de Leslie qui en vraie enquiquineuse va s’introduire dans la suite, amadouer le goujat et aller jusqu’à occuper son lit tandis que lui est contraint de dormir par terre sur un matelas de fortune. Merle Oberon, tout en sourire enjôleur et manières de chipie adorable (le panneau Do not disturb alors qu’elle vient d’expulser Everard de son propre lit) offre un parfait contrepoint à la gaucherie de grand dadais ahuri d’un Olivier rapidement dépassé. L'alchimie entre Olivier et Oberon est en tout cas déjà palpable et réjouissante, se voyant réutilisée dans une veine plus dramatique l'année suivante dans Les Hauts de Hurlevent (1939) de William Wyler.

Tim Whelan – réalisateur américain installé en Angleterre et à l’œuvre dans de nombreuses productions Korda comme le film d’espionnage Armes Secrètes (939) ou Le Voleur de Bagdad (1940) dont il dirige la majeur partie- distille la tension érotique de cette promiscuité avec une inventivité constante. La théâtralité d’origine est parfaitement exploitée avec les va et vient des personnages d’une pièce à une autre, le montage subtil montrent les sentiments changeant dans des situations inconvenantes alors que les murs séparent pourtant le couple tel ces premiers émois d’Olivier alors qu’Oberon enfile son pyjama dans la salle de bain. Un malaise renforcé par la surprise du valet de chambre ne trouvant plus un client mais une cliente au petit matin et c’est bien sûr quand Laurence Olivier fera une amorce de déclaration d’amour que la belle s’évaporera.

Le plus amusant reste cependant le jeu de faux-semblants permanent de cette guerre des sexe. Si l’intimité de cette chambre n’a pas conduit à une liaison, les protagonistes auront donnés d’eux-mêmes une image bien différente de celle qu’ils tiennent à l’extérieur. On en aura un simple aperçu avant qu’ils ne soient coincés ensemble, le machisme d’Everard se traduisant par le rejet initial d’une présence féminine bruyante et stérile dans sa chambre puisqu’en tant qu’avocat spécialisé en divorce il a eu affaire plus d’une fois cette frivolité et bêtise qui est l’apanage de toutes les femmes selon lui. 

Pourtant face au sourire de Leslie il succombe comme le dernier des nigauds malgré sa méfiance, et pour cause : il vient de tomber amoureux. Leslie est quant à elle bien plus innocente que ne laisse supposer sa désinvolture mais va se faire passer pour une femme mariée de petite vertu. Un mensonge renforcé par la plainte de Lord Mere (Ralph Richardson) sollicitant les services d’Everard pour l’infidélité de sa femme ayant séjournée au même hôtel dans des conditions similaires. Un quiproquo plaisant s’ajoute donc à l’ensemble, bien aidé par la prestation loufoque d’un Ralph Richardson s’en donnant à cœur joie dans l’indignation forcée et le ridicule de ce cocu magnifique.

Il manque au film ce petit zeste de folie dans les situations et la mise en scène pour transcender son excellent postulat de départ mais expose un message fort caustique sur les relations hommes/femmes. Everard, fort de son machisme et de ses préjugés (hilarante séquence de plaidoirie où il définit la culpabilité de l’accusée par son sexe et la faiblesse évidente qui en découle) doit les renier et se rabaisser pour conquérir Leslie. Celle-ci doit au contraire dissimuler son manque d’expérience derrière une fausse image de femme aventurière pour imposer sa volonté à Everard. 

Chacun renonce à ce que la société semble vouloir faire obligatoirement de lui (un homme rustre et insensible, une femme fragile et innocente) pour conquérir l’autre, l’homme contraint de se montrer vulnérable et la femme d’affirmer une force de caractère plus affirmée. Le script de Lajos Biro évite d’ailleurs de se montrer trop binaire dans sa démonstration  avec quelques merveilleux moments d’ironie comme lorsque Leslie et Lady Mere se plaignent de l’image frivole qu’ont d’elles les hommes, précisément au moment où elles se font pomponner dans un institut de beauté. Il est d’ailleurs dommage que le final où Merle Oberon doit à son tour faire le chemin pour reconquérir son homme vexé soit un peu expédié.

Tout cela est servi dans un écrin magnifique porté notamment par la photo d’Harry Stradling Sr dont le technicolor se rapproche au plus près des exigences de la tatillonne Natalie Kalmus –épouse d’Herbert Kalmus inventeur du technicolor et présente par contrat sur les tournages utilisant le procédés- avec ces couleurs pales, désaturées, accentuant la teneur abstraites des décors aussi sophistiqué que factice où évolue le couple. 

C’est dans ce film et quelques autres de cette période que naît cette grande différence entre le technicolor pétaradant et saturé hollywoodien abhorré par Natalie Kalmus et celui plus subtil du cinéma anglais popularisé plus tard dans les films de Michael Powell et Emeric Pressburger entre autre. Miklós Rózsa signe lui un de ses scores les plus sautillant qui contribue grandement à la bonne humeur de l’ensemble. Un petit bijou de comédie, charmeur et léger comme une bulle de savon qui ouvre la voie à Ariane de Billy Wilder voir même au plus récent Intolérable Cruauté des frères Coen.

Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant 

 Extrait



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