Contraint à l'exil par
son calife, pour avoir séduit la femme d'un autre, Ahmed Ibn Fahdlan est envoyé
comme ambassadeur en Asie mineure. Une prophétie l'oblige à devenir le
"13e Guerrier" d'un groupe de Vikings partant porter secours au
seigneur Rothgar, dont le village est régulièrement attaque par une horde de démons,
mi- humains mi- animaux. Au cours de ce long périple vers le nord de l'Europe,
Ahmed apprend la langue de ses compagnons et le maniement des armes. Sur place,
il devra affronter ses propres peurs.
Le 13e
Guerrier est le grand film maudit de John McTiernan, son dernier vrai
classique avant la terrible déchéance des années à venir. Le film adapte le roman
Le Royaume de Rothgar de Michael
Crichton, lui-même inspiré des écrits d'Ibn Fadlân, un lettré d’origine arabe
du Xe siècle qui aurait rapporté le récit de ces périples en tant
qu’ambassadeur et notamment ses aventures en compagnies de barbares normands.
McTiernan bien que pas totalement convaincu par certains aspects du roman y
décèle cependant un vrai potentiel de grand film d’aventures.
Fort du parti pris quasi documentaire intégré de façon
révolutionnaire à son Die Hard 3
(anticipant toute les expérimentations d’un Paul Greengrass sur ses Jason Bourne jamais vraiment à sa
hauteur), McTiernan souhaite adopter une vision réaliste et ethnologique à son
épopée au pays des vikings. Le point de vue du personnage d’Ahmed Ibn Fahdlan
(Antonio Banderas), arabe exilé dans ces terres barbares est celui du
spectateur d’abords interloqué par les mœurs rustres viking puis apprenant progressivement
à les connaître. Cette initiation se fera par les armes lorsqu’un oracle
sélectionne un groupe de treize guerriers pour venir en aide à un village
terrifié par d’étranges créatures, les Wendols.
Sauf que notre observateur
arabe hautain va se trouver sélectionné parmi les guerriers pour cette mission
et va ainsi devoir cohabiter avec le groupe de vikings. Alors qu’un film actuel
se perdrait en atermoiements inutiles sous couvert de psychologie, McTiernan
rend l’appel de l’aventure le plus fort avec un Ahmed acceptant sans discuter
un rôle pour lequel il est loin d’être taillé. Le score majestueux de Jerry
Goldsmith (et ce thème principal puissant si souvent repris depuis) permet de
de savourer les chevauchées dans ces terres hostiles révélant leurs beauté
sauvages tandis que McTiernan établi la communication entre l’Arabe et les
vikings dans une superbe séquence où il apprend leur langue au fil du voyage en
les écoutant.
Une fois sur les lieux, McTiernan reprendra beaucoup des effets
de son magistral Predator (1987) pour
personnifier la terreur qu’inspirent les Wendols. Michael Crichton les
dépeignait simplement comme des hommes de Neandertal cannibales mais McTiernan va les orner d’une
aura fantastique et mystérieuse bien plus marquante. Simples silhouettes à la
carrure plus animale qu’humaine observant les guerriers dans la pénombre des
forêts, adversaires indistincts dont les
cadavres se volatilisent après un long corps à corps et enfin longs ver de feu
approchant au loin tel un monstre mythologique, les Wendols symbolisent une
peur primitives et surnaturelle longtemps indéfinissable.
Le Predator
était introduit de la même façon et décimait sans mal les arrogants mercenaires le
défiant dans le film de 1987, mais McTiernan célèbre ici le courage de ses vikings
en en faisant des adversaires d’une toute autre envergure. Si le remontage de
Michael Crichton lors de la post-production agitée du film aura rendu la
caractérisation du groupe un peu floue, le regard changeant d’Ahmed sera
superbement mis en avant en soulignant la malice et les talents de stratèges
des vikings (Dennis Storhoi très attachant Herger) mais surtout leur noblesse
avec le chef Buliwyf magnifiquement incarné par le charismatique Vladimir
Kulich.
Toutes ces peurs, toutes ces qualités se dévoileront
essentiellement dans l’action et par l’image grâce un McTiernan au sommet de
son art. Le film sort juste avant Gladiator
(2000) et Le Seigneur des Anneaux
(2001) qui relanceront totalement le film épique dans la décennie suivante. Le
parti pris cru et réaliste de McTiernan rend pourtant plus puissant et
consistant son univers en évitant le tape à l’œil numérisé pour mettre en valeur
ses paysages (magnifique cadre d’une île sauvage canadienne) et son imposant
décor, toujours filmé à hauteur humaine.
L’immersion n’en est que plus grande
durant les scènes de batailles, déchaînant l’enfer sur terre durant cette
attaque où les combattants sont réduits à des ombres sur fond de ciel
rougeoyant puis on basculera un peu plus dans les ténèbres lors de l’éprouvante
expédition dans l’antre sous-terraine des Wendols (l’affrontement avec la mère
Wendols étant malheureusement filmé par Michael Crichton producteur omnipotent
nous privant du montage de McTiernan).
Après avoir fait surgir les Wendols de
la brume, de l’ombre et des entrailles de la terre, l’ultime affrontement nous les fait enfin apparaître au
grand jour. McTiernan souligne ainsi la hardiesse de ses héros ayant réussi à
révéler la simples nature d'hommes des "mangeurs de morts" aux premières lueurs de l’aube. Tout
comme le Predator se démasquait par respect en ayant trouvé en Dutch (Arnold Schwarzenegger)
un adversaire à sa mesure, les Wendols aux abois se déchaîneront cette fois
sans leurs artifices de peurs. Le
réalisateur pensait au départ exprimer cette idée en reprenant le final du Zoulou de Cy Enfield (1964) où les
guerriers zoulou saluaient par leurs chants la valeur de des soldats
britanniques leur ayant résistés mais on le comprend parfaitement sans cette
référence.
L’union des guerriers survivant, la vaillance de ce village et
notamment des femmes et bien sûr l’accomplissement d’Ahmed faisant
définitivement corps avec ses compagnons d’armes (sa prière à Allah se mêlant à celle des vikings, les croyances et les peuples s'unifiant face au danger)
tout cela s’exprime avec une force peu commune. Les épées et les corps s’entrechoquent
dans un maelstrom de sang et de boue jusqu’à une dernière et magnifique
prouesse de Buliwyf méritant la perpétuation de sa légende (l’analogie avec
Beowulf s’avérant manifeste). Malgré les défauts dus à sa gestation mouvementée, Le 13e Guerrier est une superbe chanson de geste et une des plus belles illustrations du pouvoir évocateur du cinéma de John McTiernan.
Sorti en dvd zone français chez Metropolitan et aussi dans une très belle édition blu ray
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