Dans un monde futuriste, la police de
Tokyo, comme de nombreux industriels, utilise des robots géants appelés
Labors. Alors que la ville est en passe de devenir une nouvelle Babylone
grâce à l’utilisation massive de ces Labors, le gouvernement constate
de plus en plus de dérèglements des robots géants qui mettent en péril
la population. Le nouveau système d’exploitation créé par la très
puissante corporation Shinohara, en charge de la construction des
Labors, serait à l’origine des incidents. Défaut de fabrication ou
sabotage, les officiers Noah Izumi et Azuma Shinohara mènent
l’enquête...
Patlabor
est la première œuvre maîtresse d'un Mamoru Oshii enfin libre de ses
ambitions. Au sortir de ses études, Oshii comme tant d’autre intègre le
rigoureux monde de l'animation japonaise et plus précisément télévisée
où il gravit progressivement les échelons. Il réalise notamment de
nombreux épisodes de la célèbre série
Lamu au début des années 80, au point de de s'en voir confier les transpositions cinématographiques. C'est avec la seconde,
Lamu : Beautiful Dreamer
(1984) que Oshii signera sa première œuvre personnelle avec ce récit
préfigurant
Un jour sans fin (1993) d'Harold Ramis et contenant déjà
toutes ses thématiques et questionnements sur l'illusion et le réel. On y
découvre le style lent et contemplatif d'Oshii aux antipodes de la
comédie sentimentale hystérique du manga original de Rumiko Takahashi
(qui montrera une grande réticence face à cette adaptation)
décontenançant les fans qui bouderont le film. Les curieux et les
cinéphiles décèleront par contre la présence d'un vrai artiste saluant
ce premier éclat.
Après cette réussite et quelques projets avorté (le
film
Anchor qu'il devait signer
pour Ghibli mais qui ne se fera pas faute d'entente avec Hayao Miyazaki
et Isao Takahata) il passera en indépendant le temps de quelques
tentative expérimentales comme
L'œuf de l'ange
(1985). Oshii prend son envol en intégrant le collectif Hedgear où il
retrouve plusieurs amis partageant sa sensibilité comme le scénariste
Kazunori Ito ou le compositeur Kenji Kawai et où à la manière du Studio
Gainax au même moment le groupe se propose d'offrir des productions
différente.
Patlabor sera donc
le premier grand projet du collectif, décliné en OAV, série tv, manga
(soit le processus inverse où le support papier vient en premier dans ce
type de projet) et enfin films signés Mamoru Oshii. Chaque déclinaison
se déroule dans un même univers et avec les mêmes héros mais avec à
chaque fois une tonalité propre.
Patlabor
se déroule dans un Japon au futur proche où les hommes utilisent à
grandes échelles de gigantesques robots appelés les Labor. Loin de
l'utilisation héroïque à la
Goldorak,
on est ici dans une veine réaliste où ces machines n'ont qu'un rôle
fonctionnel, les intrigues intimiste privilégiant les personnages au
sein notamment l'Unité de police usant des Labor.
Patlabor : le film
déploie donc une intrigue complexe où l'usage et la dépendance à ces
machines est remise en cause. Le nouveau système d'exploitation des
Labor, le HOS semble provoquer un dérèglement chez qui les rend incontrôlable et menace la population par leur capacité de
destruction. Oshii entremêle trame policière captivante, questionnement
politiques et philosophiques avec un brio rare.
Le dérèglement semble
ainsi dû à un virus inséré par le créateur du programme aux motivations
nébuleuses et disparu avec le secret de son invention. Contrairement au
deuxième volet où il s'en détachera grandement, Oshii équilibre
idéalement ici le ton léger de la série avec les attachants personnages
de l'unité Labor (Noa entichée de son robot Alphonse et sa relation
tapageuse avec son partenaire Asuma, le charismatique Capitaine Goto, la rigoureuse Shinobu Negumo) et
la profondeur thématique qui lui est propre.
Les collusions
politico-industrielle sont ainsi dénoncées ici avec une entreprise
rechignant à rendre publiques les défaillances de son outil synonymes de
gros contrats malgré le danger encouru et ce couvert par le
gouvernement. Cette soumission inconsciente à la technologie reflète en
fait l'état d'esprit d'un Oshii s'interrogeant sur la quête de modernité
du Japon. Les phénomènes provoquant la défaillance des Labors
proviennent en effet des derniers quartiers populaire ayant résisté à
l'invasion de tours de verre et de bâtiments High Tech constituant
désormais Tokyo.
L'enquête nous promène sur ces lieux amenés à
disparaître dans de fascinantes séquences bercées du score entêtant et
hypnotique de Kenji Kawai. La symbolique est marquée puisque cette
modernisation s'inscrit dans le projet Babylone tandis que le plan de
sabotage des Labor est quant à lui nommé Babel. Tout comme dans l'Ancien
Testament, les hommes ayant voulu égaler Dieu se voient donc punis pour
leur impudence avec la confusion semées dans leur machines.
Toujours
dans cette analogie religieuse, c'est par L'Arche, architecture symbole
de cette toute puissance technologique que viendra le chaos final.
Après tout le captivant ton feutré qui a jusque-là dominé, Oshii offre
un final haletant et spectaculaire en forme de course contre la montre. La menace lourdement asséné tout au long du film devient
concrète par un cheminement parfait, faisant de
Patlabor
un thriller technologique brillant et bien au-dessus de la majorité des
tentatives "live" en la matière. La mise en scène d'Oshii cherche
d'ailleurs constamment à se rapprocher au plus près de prise de vue
réelle.
Les motifs de japanimation généralement utilisé pour économiser
des photogrammes ont ici une vraie justification artistique. Les longues
scènes où les visages ne sont pas visibles lors des scènes de
discussion (permettant de ne pas à avoir à animer leur visage)
s'inscrivent ici dans cette volonté d'atmosphère lente et pesante voulue
par Oshii. Le sens du détail et les compositions de plan fouillées de
ce monde futuriste surchargé participe également à ce sentiment de
réalisme étouffant, l'action n'en étant que plus impressionnante
lorsqu'elle se déchaîne tel cet extraordinaire face à face entre deux
mécha au lever du soleil. Une grande œuvre SF qui allait mettre sur
orbite le talent de Mamoru Oshii.
Sorti en dvd zone 2 et en bluray chez Kaze à l'unité ou dans un coffret réunissant l'excellent 2e volet et le moins réussi 3e épisode
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