Johnny Eager est un gangster qui, une
fois sorti de prison, semble mener une vie d'honnête homme. Il est
devenu chauffeur de taxi et paraît avoir rompu avec toutes ses anciennes
relations de la pègre. Cela n'est qu'une apparence, dissimulé derrière
cette couverture, il a rapidement reconstitué un empire criminel et
attend des autorisations pour ouvrir un champ de course de lévriers. Il
s'éprend de Lisbeth Bard, une des étudiantes de son contrôleur
judiciaire, M. Verne. Mais le père de Lisbeth est John Benson Farell, le
procureur incorruptible, il n'aime pas Johnny et veut protéger sa
fille.
Maître du film de gangster dont il contribue à la popularité dans les années 30 avec son Petit César (1931), Mervyn LeRoy signe un brillant et très original avatar du genre avec ce Johnny Eager.
Le grand intérêt du film repose sur le personnage titre Johnny Eager
(Robert Taylor). En apparence, un repris de justice faisant désormais
profil bas dans un modeste emploi de taxi. Une repentance de façade
puisque Johnny est en fait à la tête d'un puissant réseau criminel qui
s'apprête à ouvrir un champ de courses de lévriers, simplement freiné
par le zèle du procureur tenace John Benson Farrell (Edward Arnold). Une
dualité qui témoigne de toute l'intelligence et de la détermination
criminelle du personnage, l'attitude autoritaire et suspicieuse envers
ses sbires contredisant la bonhomie et les airs bienveillants lorsqu'il
revêt son uniforme de taxi.
Dans la plupart des films de gangsters les
actions des malfrats positives comme négatives résultent d'être emportés
par leur émotions et en somme leur humanité malgré leur nature néfaste.
Johnny Eager contredit cette idée avec une attitude froidement
méthodique où complices comme amantes ne sont que des pions à utiliser.
Tout ce qui relève de l'amour, l'amitié et don de soi s'avérera tout
simplement incompréhensible pour lui, le scénario multipliant les
symboles et situations propre à montrer le détachement du héros : une
allusion au dévouement sans condition de Cyrano à sa Roxanne, un chien
rapportant fidèlement (ou stupidement pour Johnny) un objet lancé à son
maître et bien sûr a maîtresse soumise pour laquelle il n'a pas un
regard. Robert Taylor est extraordinaire dans ce registre glacial,
regard brillant d'intelligence et capable d'emballement violent si
nécessaire.
Cette posture va être mise à mal par la rencontre avec Lisbeth (Lana
Turner) étudiante en sociologie intriguée par son ambiguïté et qui va le
démasquer. Le danger est d'autant plus grand que celle-ci est la fille
du procureur freinant les ambitions de Johnny. Notre héros saura tirer
profit de cette parenté à son avantage mais Mervyn LeRoy distille
habilement les éléments montrant que Johnny est plus attaché qu'il ne
veut bien le montrer à sa nouvelle victime.
L'erreur aurait été de faire
de Lana Turner une femme aussi redoutable et intelligente que Taylor
mais ici au contraire on cherchera à cultiver leur différence en en faisant une femme
aimante et passionnée représentant elle aussi ce dévouement sans attente
de retour qui horrifie tant Johnny. LeRoy est réellement un des
réalisateurs ayant su mettre le mieux en valeur la beauté de Lana Turner
(notamment dans le somptueux Le Retour)
loin de son image de vamp séductrice et ici chaque apparition l'orne
d'une aura immaculée et innocente adoucissant ses traits et jurant avec
les atmosphères sombres et oppressante du monde du crime.
A son contact, le jeu de Taylor se fait moins mécanique et dévoile le
déraillement d'un Johnny plus troublé qu'il n'ose se l'avouer et
réellement amoureux. Cette conscience aura été interrogée tout au long
du film par le fascinant personnage incarné par Van Heflin, alcoolique
autodestructeur dont les tirades montrent le recul face à un milieu dont
il n'est pas dupe.
Sous ses allures fragiles et vacillantes, c'est le
personnage le plus lucide et pendant amical de celui de Lana Turner,
même si on peut suggérer une attirance plus trouble ayant passé les
mailles du code Hays.. Le final est splendide et surprenant, montrant un
héros se mettant à nu et enfin capable de se sacrifier pour l'autre.
Robert Taylor avec une finesse remarquable n'adoucit pas pour autant le
malfrat dans cette prise de conscience, cette déclaration d'amour ne
pouvant s'exprimer que dans la douleur et la violence dans une
magnifique scène de conclusion.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
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Je viens de visionner ce film et je suis très agréablement surpris car je n'en connaissais pas l'existence. C'est unn excellent film noir; l'image est de Harold Rosson (Quand la ville dort). Le dialogue est vraiment brillant et les lois du genre sont exemplaires. Les amateurs ne doivent pas hésiter!
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