Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 24 octobre 2017

Les Banlieusards - The Burbs, Joe Dante (1989)


Ray Paterson habite Mayfield Place, petit lotissement paisible. Cette semaine, il est en vacances, et compte bien se reposer. Mais les mystérieux Klopek, nouveaux résidents d'une maison proche de la sienne, l'intriguent par leur discrétion et leurs étranges activités nocturnes. Motivé par d'autres voisins, dont son ami Art et le vétéran Rumsfield, il se met à porter un intérêt grandissant à ce qu'il soupçonne être de dangereux individus. Ainsi, lorsqu'un autre voisin, Walter, disparaît subitement, Ray devient convaincu que les Klopek sont responsables, et décide de s'introduire chez eux...

Rien ne plaît plus à Joe Dante que de dynamiter l’imagerie americana dans ses meilleurs avec l’irrévérence de sale gosse qui le caractérise. A chaque fois ce sera une menace hors-norme qui viendra mettre à mal ce vernis classique. Les créatures de Gremlins (1984) viennent joyeusement piétiner l’esprit de noël, la peur de la bombe sème la panique dans l’innocence 60’s dans Panique sur Florida Beach (1993) et un paisible camp de repos hippie dissimule une tribu de loup-garou dans Hurlements (1981). Les Burbs donne à Dante  l’occasion d’exploiter à nouveau ce thème, comme souvent  tiraillé entre nostalgie et ironie chez lui. Au départ il y a un scénario de Dana Olsen initialement destiné à un pilote de série qui ne se tournera pas. Dès lors le scénariste remanie son script en vue d’un long-métrage et va attirer l’attention de Dante pour ce film plus modeste coincé entre deux grosses productions (L’Aventure intérieure (1987) et Gremlins 2 (1990)). 

Dana Olsen et Joe Dante sont des enfants des banlieues pavillonnaires américaines et s’amusent donc à en faire une satire mordante et tendre. Les souvenirs sont donc à la fois personnel (Dante ayant eu comme voisins une famille étrange ne sortant jamais et sur laquelle le voisinage faisait les plus folles spéculations) et référentiel à travers différents du film. Le décor studio Universal de cette banlieue est ainsi un terreau de culture populaire américaine puisqu’y fut tourné entre autres certains mélo de Douglas Sirk, de nombreuses séries télé (avec parfois des éléments bien identifiables pour les fans comme une maison de la série 60’s Les Monstres utilisée) et servira même plus tard pour Desperate Housewives. La présence au casting d’un Gale Gordon, visage bien identifiable de la télévision américaine (collaborateur régulier de Lucille Ball notamment) participe à cette dimension rétro.

Dès l’ouverture pourtant à travers quelques gags plus ou moins discret, Dante met à mal l’harmonie de cette banlieue. L’histoire américaine récent a souillée le jardin d’Eden provincial à travers les personnalités tourmentés du voisinage, que ce soit le vétéran du Vietnam Rumsfield (Bruce Dern), la paranoïa héritée du Maccarthysme avec le loufoque Art (Rick Ducommun) tandis qu’une bêtise ordinaire et bien contemporaine anime Walter (Gale Gordon) fier de son gazon et l’ado décérébré Ricky (Corey Feldman). Tout ce beau monde se laisse aller à ses névroses lorsque de nouveau voisins, les Klopek viennent s’installer dans le quartier et Ray (Tom Hanks) pour tromper l’ennui être emporter par ses acolytes excentriques. 

Dante déploie tout l’arsenal horrifique gothique de façon décalée (dont une scène de rêve hommage aux Vierges de Satan (1968) de la Hammer) dans ce cadre banlieusard pour signifier l’étrangeté des nouveaux venus et/ou la paranoïa du voisinage. Jeux avec les éléments météorologiques, contre-plongées rendant la maison des Klopek angoissante, score de Jerry Goldsmith lâchant les chevaux à coup d’orgue grandiloquent, tout est là pour susciter peur désamorcée par la touche comique. Joe Dante se montre en fait plus ambiguë cette fois, l’élément perturbateur contrairement à d’autres de ses films venant autant de l’extérieur (les Klopek) que de l’intérieur avec cette peur de l’autre qui agite le voisinage. La première partie est la plus épatante tant que le mystère demeure, laissant les personnages à leur théories macabres et complotistes les plus grotesques et amenant nombre de situations hilarantes. Le récit perd cependant de sa force en donnant à voir de plus près les voisins (même si on s’amuse des visions de gothique Universal que Dante confère à un espace domestique assez commun) et surtout en abandonnant son ambiguïté dans un final qui finit par concrètement choisir entre peur irrationnelle et vraie menace. 

La tendresse du réalisateur pour ces gens et ces lieux l’empêche d’avoir un trait trop corrosif (même si quelques éléments subversifs demeurent avec le racisme suggéré par la consonance étrangère de Klopek lourdement rappellée par Bruce Dern, l'isolement de ces banlieues facilitant cette folie douce avec un Tom Hanks refusant de la quitter pour ses vacances), au contraire d’un Tim Burton ayant toujours détesté cette période de sa vie et qui se montre bien plus virulent dans Edwardaux mains d’argent (1990) quant à la peur de l’autre ordinaire. Reste un film très amusant et attachant porté par un Tom Hanks épatant (et qui abandonnerait un peu ce registre comique dans son ascension de star) et qui malgré un succès mitigé à sa sortie, gagnera ses galons de film culte au fil des années. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Carlotta


1 commentaire:

  1. Encore un film en lambeaux, signé Dante, dont les difficultés de production ont miné sa cohérence. L'énergie et l'inventivité emportent quand même le morceau, mais avec toujours cette pénible impression d'avoir à considérer plus une copie de travail qu'une œuvre achevée.

    E.

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