Un an après le meurtre de sa femme, Shinji reçoit un mystérieux message. On lui donne rendez-vous pour connaître le nom de l’assassin. Hanté par ses souvenirs et le fantôme de sa femme, il va alors s’enfoncer dans l’obscurité de Tokyo où il fait la rencontre d’une jeune fugueuse, Tomoko. Durant cette nuit où leurs chemins croiseront yakuzas et âmes en détresse, leurs vies basculeront à jamais…
Au-delà du sang est le bel aboutissement de l’étonnant projet du jeune réalisateur
français Guillaume Tauveron qui décidait en 2011 d’aller tourner le script de
son court-métrage au Japon avec une équipe locale (acteurs comme techniciens).
Surmontant les obstacles (notamment ceux liés aux catastrophes que connurent le
pays et qui retardèrent le tournage) Guillaume Tauveron revint avec un montage
de 60 minutes sous le bras si convainquant qu’il parvint à trouver un
financement pour filmer des séquences supplémentaires et le transformer en un long
plus conforme à sa vision.
On va relever d’emblée
les quelques défauts du film, essentiellement dû aux moyens qu’on devine
limités et à sa production de longue haleine. Au-delà du sang souffre donc d’une narration un peu trop abrupte
qui enchaîne les péripéties et situations sans suffisamment laisser la place
aux moments de respiration dans le récit. Celui-ci fonctionnant en unité de
temps et de lieu (un quartier de Tokyo) c’est une option dans l’ensemble plutôt
efficace mais l’introduction un néanmoins un peu sèche pour accompagner le mal
être de Shinji (d’autant que l’usage de
la voix est très réussi dans l’ensemble) et aller progressivement vers
l’histoire. Guillaume Tauveron a certainement dû aller à l’essentiel dans le
choix des scènes à tourner et finalement cela entretien plutôt bien le flou et
le mystère qui ne se résoudra qu’à la tout fin.
Shinji (Takahiro Ono),
veuf brisé depuis l’assassinat de sa femme reçoit des indices du fantôme de
celle-ci qui vont le placer sur le chemin de son meurtrier. Tout va se jouer au
cours d’une nuit où à travers des rencontres touchantes, émouvantes ou
violentes l’énigme du crime sera résolue pour le meilleur et/ou pour le pire.
Tauveron instaure un pesant spleen existentiel et urbain où notre héros va
croiser d’autres solitudes tout aussi abîmées que lui par la vie. En premier
lieu on trouve Motoko (Mari Yoshida) une lycéenne fugueuse qu’il va sauver du
viol et qu’il l’accompagnera tout au long de sa sombre odyssée.
La narration ne
révèle les sources du mal-être de ses protagonistes qu’à des moments clés, dans
une mise en mise en scène en liaison constante à leur psyché où un regard, un
geste servira de révélateur. On pense notamment à la séquence où l’on découvre
que Motoko est victime d’inceste chez elle ce qui explique sa fugue et son
errance. Ces surgissements du souvenir se font toujours en réaction au réel,
l’atmosphère urbaine nocturne oppressante trouvant comme réponse une danse tendre
sous une lumière blanche immaculée entre Shinji et sa femme.
Le scénario ambitieux et
équilibré de Guillaume Tauveron englobe ses questionnements dans un brillant
mélange des genres où le drame côtoie le film noir ou encore le fantastique.
Les défauts relevés plus haut sont
d’ailleurs largement atténué par l’interprétation remarquable où l’intensité
des acteurs compense ce qui n’a pu être montré, ou trop vite. Takahiro Ono
arbore ainsi une allure où s’entrecroise lassitude, tristesse et détermination
d’en finir. Mari Yoshida dévoile elle
une fragilité et une sensibilité à fleur de peau carrément bouleversante dans
les dernière minutes du film. Parmi les autres rencontre de cet étrange nuit on
saluera également l’excellente interprétation de la femme suicidaire ou encore
un personnage de yakuza qui parvient à échapper au caricatural par quelques
touches subtiles.
Mise en scène élégante et
immersive et cadrage soigné montre la maîtrise certaine de Tauveron. Sans
entraver ni atténuer le cheminement douloureux de ces héros, le film ose même
une conclusion plus sereine et positive où la ville menaçante laisse la place à
de chaleureux paysages ruraux. Si on n’oublie les épreuves traversées pour en
arriver là, on appréciera néanmoins l’épilogue apaisé enfin autorisé à ces
êtres qu’on a accompagné et auquel on s’est attaché. Un beau premier essai de
Guillaume Tauveron qui transcende les quelques scories par le meilleur atout
qui soit, l’émotion.
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