Miriam est une femme-vampire née en
Egypte il y a 4000 ans. Elle possède le don de l'immortalité et de la
jeunesse. Elle vit, désormais, à New York, avec son compagnon John
depuis 300 ans. John est alors frappé d'un processus accéléré de
vieillissement. Afin de tenter de le sauver, Miriam rencontre la
séduisante Sarah, docteur spécialiste des mécanismes du vieillissement,
sur laquelle elle jette son dévolue...
Tony Scott offre un premier film mémorable avec
The Hunger
qui est tout simplement une des plus belles relectures modernes du
mythe du vampire. En adaptant le roman éponyme de Whitley Strieber, Tony
Scott débarrasse en grande partie l'intrigue de tout l'apparat
vampirique trop folklorique que constitue l'ail, la lumière du jour
mortelle ou encore la crainte des symboles religieux. On ne gardera ici
que la notion d'immortalité rattachée à l'addiction et consommation de
sang, le statut de vampire conservant son mélange de séduction et de
malédiction mais dans une approche inédite. Le vampirisme dans le
film repose avant tout sur une notion d'amour et de soumission.
Miriam (Catherine Deneuve glaciale et troublante), femme vampire vieille de 4000 rend ainsi
vampire les hommes et femmes dont elle s'est entichée et leur offre par
la même occasion l'immortalité. Ce don a pourtant un prix, que l'amour
de Miriam demeure intact sans quoi le compagnon verra son vieillissement
reprendre et s'accélérer jusqu'à un terrible statut de relique momifiée
ne pouvant même pas se réfugier dans une mort paisible. C'est le sort
terrible qui attendra John (David Bowie) après 300 ans de vie commune et
qui dépérit à vue d'œil à mesure que l'amour de Miriam se tarit et
surtout quand elle croisera la route et sera troublée par la
scientifique Sarah (Susan Sarandon).
La soif de sang n'est que l'aboutissement de cette soumission et
assujettissement sur lequel repose le vampirisme dans le film. Ainsi
Sarah est perdue dès sa première rencontre et les regards troubles
échangés avec Miriam, comme un poison qui s'insinue déjà. Cela aboutira à
une morsure accompagnant une troublante scène saphique qui fera date à
l'époque. Visuellement Tony Scott innove en transposant grandement toute l'esthétique publicitaire sophistiquée dont il est issu mais
toujours à bon escient.
Le récit fonctionne ainsi à deux vitesses, entre
le monde normal et celui des vampires. La notion de temps étant toute
différents pour les créatures immortelles, Miriam et John semblent
constamment comme évoluer au ralenti et figés dans leur demeure, baignant
dans la naphtaline de la photo diaphane de Stephen Goldblatt et à peine
plus animé que les nombreux vestiges du passé qui décorent chacune des
pièces.
A l'inverse le monde extérieur retrouve une imagerie plus terre à
terre et lorsque nos vampires y évoluent, ils sont soi diminués
physiquement (Bowie et son affreuse dégénérescence) ou alors conservent
leur splendeur intacte mais sous formes de visions et sans incarnation
matérielle telle Catherine Deneuve se reflétant dans les miroirs et les
songes d'une Susan Sarandon perturbée.
Tony Scott par ce grand souci formel déploie également déjà d'emblée son brio de narrateur.
The Hunger
fait partie de ses films qu'on peut s'amuser à suivre en ayant coupé
le son et dont l'intrigue demeure limpide.
L'ouverture en boite de nuit
sur fond de Bauhaus révèle ainsi d'entrée la tordue et dépravée du
couple John/Miriam, autant par les paroles incantatoires du titre
Bela Lugosi's Dead (
Undead ! Undead ! Undead !)
que du savant montage alterné entre danses, scènes d'amour et mise à
mort par loin des expérimentations d'un Nicolas Roeg mais en plus
accessible.
C'est quand cette imagerie léchée et ouvertement kitsch (les
flashbacks sur le lointain passé égyptien de Miriam) s'entrechoque avec
le cadre contemporain quand le récit bascule, les écarts sanglants de
Susan Sarandon étant bien plus crus que les tueries raffinées du début
du film. On le comprend aussi par cette opposition constante entre la
science et l'irrationnel dans cette vision du vampirisme.
Ce sont les signes annonciateurs d'une Miriam perdant de son emprise,
jusqu'à un final cauchemardesque où les anciens amant(e)s vont enfin
trouver le repos. Le cycle peut alors recommencer dans une somptueuse
conclusion où l'irréalité et la beauté de l'image (lorgnant sur le
Blade Runner
du grand frère Ridley) nous ramène dans l'univers des vampires mais
avec une nouvelle maîtresse du jeu.
Tony Scott arbore déjà mais de
manière recherchée et raffinée (le
Trio de Schubert rendu fameux dans le
Barry Lyndon
de Kubrick, l'usage d'un passage de l'opéra Lakmé de Léo Delibes
durant la scène saphique) tous les motifs étalés de façon bien plus
putassière dans
Top Gun (1986) trois ans plus tard. L'échec de
The Hunger
changea ainsi la trajectoire de la carrière de Tony Scott mais le
réalisateur de cette œuvre unique n'avait pas disparu dans les grosses
machines qui lui vaudrait le succès par la suite.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
Ca fait plusieurs jours que je descends votre blog passionnant qui mérite bien son titre (quel palmarès !!).
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé les prédateurs et je voudrais vous signaler une petite erreur: dans leur titre légendaire, les Bauhaus ne disent pas "I'm dead" mais "Undead", terme avec lequel les anglophones désignent les vampires et les morts vivants.
Bonne continuation, de mon coté j'arrive en 2013
Effectivement "undead" semble plus logique en plus, j'aime bien Bauhaus en plus je n'avais jamais été suffisamment attentif. Sinon bonne exploration du blog, 2013 vous avez encore matière à lire merci à vous !
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