Un jeune couple
d’américains dont le mariage est prévu à l’automne se rend pour quelques jours
à Paris. La magie de la capitale ne tarde pas à opérer, tout particulièrement
sur le jeune homme amoureux de la Ville-lumière et qui aspire à une autre vie
que la sienne.
L’échappée européenne de Woody Allen aura permit au
réalisateur de magnifiquement se réinventer, mêlant ses thèmes à la culture et
l’atmosphère des villes visitées. La
lutte des classes au cœur de la société anglaise imprègnera le Londres de Match Point (2005) et Le Rêve de Cassandre (2007), tout comme la
langueur latine et le libertinage estival de Vicky Cristina Barcelona (2008) pour la cité catalane. Lorsqu’il
poursuivra le cycle dans la ville des lumières (déjà visitée en 1996 pour Tout le monde dit I love you), Woody Allen
revisitera à sa manière l’imagerie romantique associée à Paris.
Woody Allen était tombé sous le charme de Paris lors de sa
première visite durant le tournage de Quoi
de neuf, Pussycat ? (1965) dont il était interprète et scénariste. Il
nourrit depuis un regret de ne pas s’être installé dans la ville à l’époque et
être retourné poursuivre son ascension dans sa New York natale. C’est de ce
même regret qu’il caractérise son héros et double à l’écran Gil Pender (Owen
Wilson) venu dans sa jeunesse à Paris mais qui retourna également aux
Etats-Unis pour devenir scénariste hollywoodien. Il y est aujourd’hui de retour
en compagnie de sa fiancée Inez (Rachel McAdams) et de ses beaux-parents, les
souvenirs et la beauté des lieux l’hypnotisant
tout en réveillant ses angoisses d’aspirant écrivain.
Owen est le prolongement
idéal des personnages rêveurs et anxieux de Woody Allen dont l’insatisfaction s’exprime
dans des névroses diverses. L’échappée à ce mal-être peut se faire par l’irrationnel
à l’image du héros caméléon de Zelig
(1983) ou de l’épouse esseulée de La Rose
Pourpre du Caire (1985). C’est donc ce même irrationnel qui viendra trouver
un Gil flânant au hasard dans la nuit parisienne. Une rutilante Peugeot des
années 20 et une invitation joyeuse de ses passagers qu’il acceptera va faire
passer Gil « de l’autre côté ». Cela il ne s’en rendra compte que dans
un bar rétro où un couple avenant l’apostrophe amicalement en se présentant comme Scott et Zelda Fitzgerald.
Lui si mal à
l’aise dans son époque à fait un saut dans le temps pour se trouver dans son
époque rêvée, l’Age d’or artistique que constitue pour lui le Paris des années
20. Il va ainsi se confondre et s’identifier à ses idoles de la « Génération
Perdue » soit ce groupe d’écrivains américains (Fitzgerald, Hemingway) venu chercher l’inspiration dans la
capitale française durant l’entre-deux guerre. Chaque soir aux douze coups de
minuit, Gil ira donc se ressourcer comme par magie dans ce passé rêvé et enchanteur
tandis que sa réalité lui semble de plus en plus compliquée. L’esprit libre et insouciant
du passé trouve sa terrible réponse dans la superficialité présente de sa fiancée.
Woody Allen alterne des visions du présent avec un Paris à l’imagerie
touristique terne dont toute l’aura se trouve réduite à l’érudition ennuyeuse d’orateurs
pédants (Michael Sheen tout en condescendance odieuse lors des scènes à
Versailles ou au Louvre) et des visions merveilleuses dès que l’on plonge dans
les Années Folles. La photo de Darius Khondji s’imprègne alors d’un halo
féérique dans les magnifiques scènes d’intérieurs où donne une aura de mystère
envoutante aux séquences nocturnes tandis que la mise en scène étriquée d’Allen
au présent se fait ample et confère enfin toute leur majesté à ses rues et
lieux de fêtes parisiens.
Les rencontres illustres sont idéalisées, fidèles à
leur légende tout faisant preuve d’une proximité chaleureuse avec entre
autre Picasso, Dali ou Buñuel mais aussi Gertrude Stein (jouée ici par la grande
Kathy Bates) qui corrigera même les premiers essais écrits de Gil. La plus belle
rencontre sera pourtant celle d’une inconnue avec la séduisante muse Adriana
(magnifique Marion Cotillard) dont la sensibilité et le gout du passé se
confond avec la sienne.
Il serait ainsi facile de s’oublier dans ce passé mais tout
comme un Alvy Singer (Manhattan (1979) doit se libérer sa peur de s’engager ou un
Zelig de retrouver on identité, c’est dans le présent que Gil doit reprendre
son destin en main. Tous le film distille les éléments à cet équilibre à
retrouver, que ce soit la définition du complexe de l’âge d’or, la rencontre
furtive avec une jeune femme de son temps partageant son attrait de la culture
d’antan (à savoir l’amour de la musique de Cole Porter) et bien sûr le final
nous plongeant plus loin encore à la Belle Epoque.
Cette frustration et
médiocrité du présent apparaît alors comme un phénomène cyclique n’existant que
dans le l’esprit des insatisfaits qui le décrètent. A nous de créer notre Age d’Or
semble nous dire un Woody Allen dans un état d’esprit remarquable, sa
production et sa qualité quasi inchangée depuis tant d’années étant une belle
réponse implicite aux grincheux nostalgiques. Owen Wilson, candide à la
mélancolie si attachante trouve un de ses plus beaux rôles et la rencontre
pluvieuse finale allie merveilleusement beauté passée et présente dans cette
traversée du Pont des Arts.
Sorti en dvd zone 2 français et dans un beau bluray chez TF1 Vidéo
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