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mardi 8 avril 2014

Quand les tambours s'arrêteront - Apache Drums, Hugo Fregonese (1951)

En 1880, les Apaches Mescaleros, à l'instigation de leur chef Vittorio, sont sur le sentier de la guerre aux abords de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Dans cette zone se trouve la petite ville américaine de Spanish Boot, dont le maire Joe Madden expulse le joueur professionnel Sam Leeds qui vient d'abattre, en état de légitime défense, un autre joueur. Madden expulse dans le même temps les prostituées de la ville, que Leeds parti après elles retrouve non loin de là, massacrées par les Apaches. Il revient alors à Spanish Boot pour prévenir les citoyens du danger...

Apache Drums est un des westerns les plus originaux des années 50, autant par la subtilité de son script que par ses audaces esthétiques. L'intrigue voit la petite ville de Spanish Boot menacée par les assauts des Apaches Mescaleros aux abois et que la famine pousse à des attaques sanglantes envers les hommes blancs. L'introduction nous expose cette menace tout en justifiant les raisons légitimes des indiens avant de dépeindre la communauté de Spanish Boot. Il s'y joue notamment un triangle amoureux où le joueur à la gâchette facile Sam Leeds (Stephen McNally) et le maire tout en droiture Joe Madden (Willard Parker) se disputent les faveurs de la belle Sally (Coleen Gray). Après un règlement de compte de trop, Sam fait tâche dans cette ville prospère et en quête de respectabilité dont il va être exclu par Joe dont cela arrange les affaires pour d'autres raisons. Sur le chemin du départ, Sam découvre cependant le carnage orchestré par les apaches et va revenir en ville où la tournure des évènements va lui offrir matière à rédemption.

Adapté d'un roman d'Harry Brown, Apache Drums est également la dernière production supervisée par Val Newton. Il trouve en Hugo Fregonese un partenaire aussi complémentaire que Jacques Tourneur du temps des grands films fantastiques au sein de la RKO (La Féline (1942), Vaudou (1943), L'Homme-léopard (1943)) dont on retrouve une surprenante variante western ici. Tout ce qui fait le sel des productions d'épouvante de Newton à travers la suggestion et le hors-champs se retrouvent dans le film de Fregonese pour dépeindre la terreur qu'inspirent les indiens.

 C'est une menace sourde et fantomatique tout d'abord ressentie par la nuée de cadavre laissés derrière eux par les mescaleros, puis par une nuée de fumée à l'horizon lorsque les hommes quitteront le village pour aller chercher de l'eau et enfin par le son infernal des tambour lors du long final en huis-clos. Fregonese cède par instant à l'obligation de les montrer mais la plupart du temps les entoure d'une aura surnaturelle où leur présence est diffuse et incertaine (un hurlement d'animal qui n'en est pas uns, des collines désertes mais où ils sont bel et bien terrés guettant leur proie), faisant peser une véritable chape de plomb tout au long du récit.

Face à cette opposition, la figure du héros solitaire et indestructible sera vaine. Leeds (excellent Stephen McNally) ne gagne ainsi ses galons de héros (et attirera la sympathie d spectateur) que lorsqu'il usera de ses talents pour se fondre dans la collectivité. Toute la construction du récit tend vers cette idée, chaque action individuelle sera source d'échec et de malheur, que ce soit ce jeune partant seul en éclaireur et trouvant la mort ou encore Leeds mettant en danger ses compagnons qu'il a convaincu par intérêt de sortir du village pour chercher de l'eau. Leeds l'apprendra d'abord par le révérend qu'incarne Arthur Shields qui reste en arrière avec lui pour retarder les apaches puis dans le huis-clos final servant de révélateur.

Tous les personnages sont d'ailleurs concernés, délaissant rancœur, cynisme voire racisme (le révérend partageant la prière du soldat indien alors qu'il s'était montré si intolérant durant de nombreuses séquences et dialogues) pour se mettre au service de la survie mutuelle. A l'inverse et tout terrifiant qu'ils soient les indiens possèdent cette unité qui s'illustre dans la dernière partie cauchemardesque. Fregonese donne des allures quasi gothique à l'intérieur d'église où sont terrés les survivants, la photo de Charles P. Boyle jouant autant des jeux d'ombres (et n'hésitant pas à nous plonger dans les ténèbres totales le temps d'une scène où on bascule dans la vraie épouvante) que des couleurs saturées qui donne des élans baroque aux lueurs rouges émanant de l'extérieur à travers les vitres.

L'extérieur est invisible et ne s'introduit que par les intrusions constamment inattendues des indiens ou par cette incessant fracas de tambour (le titre français est particulièrement bien vu) dont les changements de rythme annonce le chaos imminent. La gestion de l'espace de Fregonese est brillante tout comme sa manière de capturer toujours dans le mouvement les réactions de chacun dans cette épreuve. Chacun fini par s'effacer et ne plus symboliser que des hommes luttant pour leurs survie, affrontant les flèches et les flammes et ce n'est qu'ainsi qu'ils finissent malgré leur infériorité à égaler l'entité indicible que représente les indiens. Et c'est forcément dans ces derniers instants qu'on peut céder au cliché de la cavalerie tant la démonstration est arrivée à son terme. Captivant, haletant et terrifiant, un grand film qui sait faire de ses limites budgétaires de série B un moteur dramatique essentiel.

Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis
 

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