Cass (Sarah Miles) habite à Londres où 
elle est mariée à un docteur. Mais le jour de noël, elle rentre seule 
dans le village où elle a grandi, sur la côte irlandaise. Elle reprend 
contact avec son premier amour, mais son mari débarque pour tenter de la
 récupérer.
Quatre ans avant La Fille de Ryan,
 Sarah Miles traînait déjà sa mélancolie sur fond de paysages irlandais 
dans ce beau et méconnu portrait de femme. A première vue, le film est 
une alternative féminine aux fleurons de la Nouvelle Vague anglaise et 
des kitchen sink drama mettant ordinairement en scène des personnages 
masculins rétifs à l'autorité, à une vie rangée et sans éclat. 
L'amalgame est d'autant plus parlant avec la présence à la réalisation 
de Desmond Davis qui fut le directeur photo de Tony Richardson sur A taste of Honey (1961) et La Solitude du Coureur de Fond (1963).
 Le film s'avère bien plus riche que cette base en y regardant de plus 
près sur son générique. Le scénario est en effet co écrit par Desmond 
Davis et la célèbre romancière irlandaise Edna O'Brien. Celle-ci se fit 
connaître par son ouverture et ses opinions féministes contestant  
l'ordre moral et familial de l'Irlande catholique et nationaliste et 
s'inscrivant dans le mouvement du révisionnisme culturel irlandais avec 
des auteurs comme John McGahern.
 Ses ouvrages furent interdits en 
Irlande à cause de leur contenu sexuel explicite et l'auteur se fit 
connaître au début des 60's avec sa trilogie des Country Girls (The Country Girls en 1960, The Girl with Green Eyes en 1964 et Girl in Their Married Bliss en1964)
 suivant le parcours et l'émancipation de Kate et Baba, deux jeunes 
provinciales irlandaises. Desmond Davis avait déjà adapté Edna O' Brien 
avec son premier film Girl with Green Eyes, celle-ci signant même le scénario. Une collaboration fructueuse qui les amène donc à travailler ensemble à nouveau sur I Was Happy There (connu aussi sous son autre titre Time Lost and Time Remembered) adapté cette fois d'une de ses nouvelles, A Woman by the Seaside.
 Si la dimension politique et la critique envers la société irlandaise 
sont absents du film, on y retrouve cependant toute les préoccupations 
sociales et féministes d'Edna O'Brien et l'ensemble est totalement 
imprégné de la si particulière atmosphère rurale irlandaise qui parcoure
 ses romans.
Le film narre le retour au pays de Cass (Sarah 
Miles), jeune femme irlandaise parti pour Londres cinq ans plus tôt. Le 
personnage déambule avec nostalgie et mélancolie à travers les paysages 
ruraux irlandais, avec les yeux émerveillé d'une petite fille. Elle le 
sait maintenant, que l'époque où elle vécut en ces terres fut la période
 la plus heureuse de sa vie. Une narration en flashback va ainsi nous 
dévoiler progressivement les causes de ce retour et de ce 
désenchantement. Cass à peine sortie de l'adolescence tomba folle 
amoureuse du pêcheur Colin (Sean Caffrey) avec lequel elle vécut une 
romance juvénile et passionnée.
Davis fait la transition entre un même 
décor tour à tour nocturne dans le présent où le traverse Cass puis 
immaculé d'une atmosphère estivale idéalisée lors des flashbacks pour 
faire revivre cet amour passé. Il faudra bien David Lean pour rendre 
Sarah Miles plus belle à l'écran tant son visage baigné de tristesse et 
son regard perdu sont magnifiquement mis en valeur ici. Le film baigne 
dans un spleen contagieux où le sentiment dominant sera celui du regret.
 Bien décidée à quitter sa campagne, Cass partira à Londres mais y 
attendra en vain que l'y rejoigne Colin qui partit voyager autour du 
monde préfèrera revenir au pays.
Cass livrée à elle-même et perdue dans 
la grande ville y cèdera à l'arrogant Matthew Langdon (Julian Glover) 
pour un mariage malheureux. Après une énième dispute et humiliation, 
elle décide donc de revenir dans son village et de peut-être renouer 
avec Colin qu'elle n'a jamais oublié. Seulement Matthew a également fait
 le voyage afin de la ramener.
Le film baigne constamment entre 
atmosphère pastorale pratiquement onirique (les nombreux inserts sur les
 pierres tombales typiquement irlandaise à la fin, les chants 
traditionnels) et idées formelle plus moderne. Le côté très contemplatif
 sert la dimension introspective du récit (il y a quelque chose 
d'Antonioni dans tout cela, Sarah Miles connaîtra d'ailleurs quelques 
mésaventures avec le maître italien sur Blow Up
 la même année) où chaque décor ou objet réveille un doux souvenir alors
 qu'à l'inverse toute intrusion plus brutale par un dialogue où un bruit
 incongru dans la bande son ramène à un épisode douloureux. On restera 
ainsi émerveillé par les flashbacks irlandais où une Sarah Miles 
radieuse déambule pleine de vie dans des extérieurs somptueux (ce 
travelling l'accompagnant à vélo sur la plage).
Au contraire tout ce qui
 est associé à la ville est synonyme de solitude et d'oppression, la 
silhouette de Sarah Miles si épanouie dans son Irlande natale se ployant
 sous l'urbanité écrasante de Londres. Cette opposition se fera 
également par le traitement différent des deux romances. Libre et 
sincère à la campagne et baignée de faux-semblants et des codes du 
paraître à la ville, à l'image de Matthew amant tendre et prévenant dans
 l'intimité et se devenant un goujat hautain en société.
Loin de l'image
 du Swinging London, Davis fait de la ville un temple de la 
consumérisation et de l'hypocrisie (Matthew dissimulant la modeste 
profession de Cass à ses amis) où celui ne sachant pas s'adapter devient
 une proie aisée. C'est ce qui arrivera à Cass qui dans un moment de 
désespoir cède aux assauts de Matthew et qui enceinte finira par 
l'épouser. On retrouve d'ailleurs cette dimension sexuelle explicite 
autant dans cette séquence que quand plus tard Cass enjoindra avec 
ardeur Colin à lui faire l'amour.
La solution ne peut pourtant 
venir des hommes, que ce soit d'un présent douloureux (Matthew) ou d'un 
passé idéalisé (Colin) mais de Cass elle-même. Le mal-être de l'héroïne 
ne saurait trouver son apaisement par eux car contredisant ainsi les 
velléités féministes d'Edna O'Brien. La cruelle désillusion finale 
aurait dû conclure le film dans une douleur à vif mais dans cette idée 
de reconstruction individuelle nous laisse au contraire un sentiment 
apaisé et doux.
Nous quittons ainsi Cass admirant l'horizon d'un avenir 
incertain mais où elle est libre de ses choix. Un bien beau film qui 
fait regretter que Desmond Davis ait essentiellement œuvré pour la 
télévision ensuite et soit finalement surtout connu pour les adieux 
poussifs de Ray Harryhausen avec Le Choc des Titans (1981).
Sorti en dvd zone 1 chez VCI en VO non sous-titrée
Extrait
[Film] The Rescue, de Shen Chiang (1971)
Il y a 4 heures










 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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