Dix ans après avoir réussi leurs
examens, trois jeunes femmes se retrouvent: Mary est devenue actrice,
Vivian a épousé le riche Henry Kirkwood, et Ruth est dans les affaires.
Plus tard, Vivian donne une réception et invite ses deux amies. Elle
fait la connaissance de Mike Loftus et décide de partir avec lui. Son
mari la recherche avec l'aide de Mary, mais il tombe amoureux de
celle-ci. Il divorce, épouse Mary et engage Ruth comme gouvernante,
tandis que Vivian sombre peu à peu dans l'alcool...
Mervyn
LeRoy signe un des Pré-Code les plus saisissants de l'époque, porté
par un sens du tragique et une noirceur marquante. L'histoire dépeint
les destinées de trois amies d'enfance, Mary (Joan Blondell), Ruth
(Bette Davis) et Vivian (Ann Dvorak) de l'enfance à l'âge adulte. Le
tempérament très différents des trois personnages et de leur
environnement social est très marqué dès cette ouverture enfantine et
semble déterminer leur avenir. Mary est une jeune fille volage et rétive
à l'autorité, Vivian hautaine et capricieuse est elle issue d'une bonne
famille tandis que la studieuse et sage Ruth vient d'elle d'un milieu
prolétaire.
Si le cadre social annonce l'avenir matériel des
personnages, LeRoy par la finesse de sa caractérisation rend dès le
départ l'évolution morale plus floue et pas forcément à l'avantage de
celles que l'on croit. La nature égoïste de Vivian annonce ainsi ses
errements à venir tandis que même dans ses écarts Mary exprime un esprit
de camaraderie la rendant immédiatement attachante (sécher les cours
pour fumer avec ses amis), sans parler de Ruth qui sera la bienveillance
incarnée même si l'intrigue tourne surtout autour des deux premières
(et qu'on ne retrouvera plus du tout Bette Davis dans ce registre sage
et effacé par la suite).
Rien n'est figé et le temps qui passe
est synonyme d'évolution et de changement constant, voilà ce que semble
nous dire Mervyn LeRoy avec ses transitions et ellipses se faisant sous
formes de coupures de journaux et d'actualités traversant les années 20
et un monde en constante mutation. Entre chaque ellipse le point est
fait sur la situation de nos trois héroïnes (Vivian épousant un riche
avocat, Mary passant en maison de correction et Ruth devenant dactylo)
jusqu'à leur retrouvailles où chacune semble s'être établit mais réagit
différemment à son existence. Vivian est une épouse insatisfaite en
dépit de son cadre de vie luxueux, Mary enfin épanouie malgré une vie
d'artiste difficile et Ruth un quotidien sage mais ces retrouvailles
vont faire basculer leur situation symboliquement lorsqu'elle
partageront une allumette pour leurs cigarettes et selon la légende la
dernière à le faire étant destinée au malheur.
Les qualités et défauts
entrevus durant l'ouverture transcendent alors les origines pour le
meilleur et pour le pire. L'égoïsme de Vivian l'entraîne dans une
déchéance sordide où en s'amourachant d'un malfrat elle devient
toxicomane et met la vie de son garçonnet en danger. Un drame qui
réveille la compassion de la "mauvaise fille" Mary essayant de sauver
son amie de cette situation ou au moins son fils confronté à ces
fréquentations douteuses. Ce temps qui passe semble alors rétablir une
sorte d'ordre moral en intervertissant la place de chacune offrir une
sorte de résonance et justice en cette période de Grande Dépression.
LeRoy
va loin dans les séquences où Anne Dvorak descend plus bas que terre,
la mine hagarde et le pas incertain, le tout culminant dans un final
glaçant et tragique. Joan Blondell n'est pas en reste en bad girl au
grand cœur et malgré un rôle plus mineur Bette Davis impose une belle
présence apaisée et bienveillante. On remarquera un Humphrey Bogart
encore abonné aux seconds rôles diablement inquiétant en gangster
impitoyable. Ce qui pourrait sembler un peu schématique disparait
complètement grâce aux idées narratives et visuelles de LeRoy qui boucle
le tout en à peine plus d'une heure.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection Trésors Warner
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